C'est aux alentours de 4 heures du matin que j'ai reçu un appel du numéro de ma meilleure amie. C'était la voisine d'Isabelle qui m'appelait. Les pompiers était chez elle et ils ne pouvaient pas emmener avec eux sa fille, Judith, de 7 ans. Elle aurait bien voulu la garder, mais c'était le début des vacances de printemps, elle partait dans l'heure pour prendre son avion vers l'Australie. Quelqu'un devait s'occuper de la petite, et Isabelle lui avait dit que j'étais la personne à appeler en cas d'urgence de ce genre. À 5h du matin, toute ma petite famille était réveillé et faire en sorte que Judith et mon fils du même âge se rendorment était assez compliqué. Après ils ont dormi jusque 11h et ma femme étant professeure des écoles, peut rester avec eux la journée pendant que je m'occupe de l'hôpital.
- Tonton. Je viens avec toi.
Je secoue la tête face au regard déterminé de la fillette. Il n'est pas question qu'elle m'accompagne.
- Tu restes avec ma petite femme et Jeremy. Il est content que tu sois là, tu sais. Il aime bien jouer avec toi.
C'est au tour de Judith de secouer la tête, c'est une petite teigne, qui n'abandonne pas quand elle a une idée en tête.
- Tu vas voir maman. Je viens.
Je pince les lèvres. Les médecins ont diagnostiqué une tumeur au cerveau d'Isabelle, un an après la naissance de Judith. Pour cette raison, la fillette ne se souvient pas des longs mois qui ont suivi l'opération de sa mère, entre radiothérapie et chimiothérapie. Quand Judith avait 4 ans, Isabelle a rechuté. Et aujourd'hui, ça recommence.
- Je vais pas voir Isa', je vais au boulot. Je dois régler rapidement quelque chose. Promis je reviens vite.
- Tu mens ! crie-t-elle.
Elle jette l'une de ses chaussures sur moi, et s'enfuit dans la chambre d'amis. Ma femme, Léa, me regarde tristement. Elle comprend pourquoi je ne peux pas l'emmener. Il y a quelque chose dans l'air qui me dit que je ne peux pas l'emmener voir sa mère.
Léa me passe une main dans le dos, essayant de me rassurer, de m'apporter son soutien.
- Dépêche-toi. Elle ne restera peut-être pas réveillé longtemps.
Je hoche de la tête et enfile une veste légère. Tout le contraire de mon moral.
*
Quand j'arrive devant la chambre d'hôpital d'Isabelle, mon cœur est écrasé dans ma poitrine. Ça sent la mort ici. La mort camouflée sous une couche d'aseptisant. J'ai peur d'ouvrir la porte et de la retrouver, allongée dans son lit, le visage recouvert par son drap. L'air endormi à jamais. Je serre les dents et pousse la porte. Je souffle de soulagement quand je la vois assise dans son lit, à se ronger le peu d'ongles qui lui reste. Elle sursaute et ses yeux s'embuent.
- Judith !? s'affole-t-elle.
- Chez moi, avec mon fils et Léa.
À son tour de soupirer de soulagement.
- Ma mère n'est pas venue pas vrai ? Elle n'est pas venue la chercher, elle n'a pas essayé, hein ??
Avec un sourire crispé, je lui indique que non. Même si elle avait essayé, jamais je ne lui aurais laissé la petite. Cette femme est inconsciente. Elle ne sait pas s'occuper d'un enfant et surtout, elle n'en a pas envie. Quelqu'un garde Judith ? Très bien. Que ce soit moi ou un autre, la mère d'Isa' s'en fiche, tant que ce n'est pas elle qui le fait. Par ailleurs, elle est instable et imprévisible. Elle aurait très bien pu venir chercher la fillette, sous un éclair de génie. Je préfère que Judith soit chez moi.
YOU ARE READING
Isabelle
Short StoryC'est une histoire de vie. Une histoire de mort. Une histoire d'amour et de promesse. C'est l'histoire d'Isabelle, mère célibataire qui a un cancer et une fille à élever. C'est l'histoire de Judith, qui a une mère ayant le cancer. C'est aussi mon hi...