Chocolat chaud [ One Shot ]

Chocolat chaud

« Je viens de déposer les enfants à l'école, dit-elle en reprenant son souffle, excuse-moi pour le retard. Il n'a pas pu les emmener ce matin.  »

Je lui répondit que ce n'était rien de grave pendant qu'elle s'installait face à moi. Elle ne remarqua guère mon regard, ni mon teint pâle, elle souriait en racontant sa soirée de la veille. Ses enfants s'étaient bien brosser les dents et s'étaient endormis rapidement. Quant à son mari, il lui avait offert des fleurs lorsqu'il était rentré du travail. 

« Il est vraiment adorable ces derniers temps, je pense que ça se passe bien au boulot. Il aura sûrement une promotion à la fin du mois ! »

Ne laissant aucun silence demeurer, elle poursuivit. Elle cita tout les jouets et peluches que ses enfants souhaitaient pour Noël, le jour approchait. Cela la réjouissait d'imaginer leur mine égaillée lorsqu'ils ouvriraient les cadeaux. Tout en dessinant de grandes lignes imaginaires devant moi, avec des gestes sereins et vifs, elle m'expliqua la forme des guirlandes qu'elle avait acheté, indiqua leur taille ainsi que leur couleur.

« Tu sais qu'il adore le bleu, les enfants aussi. Ils seront heureux, répliqua t-elle, affichant un sourire épanouie qui me glaça le sang.  »

Nous étions au début d'un beau mois de juin, le soleil resplendissait dans un ciel clair et sans nuage. Le serveur s'était approché de nous pour prendre commande, j'avais pris une grenadine, elle avait pris un chocolat chaud. Le jeune homme avait lancé un regard interrogateur en ma direction, je me contenta de lui sourire tout en baissant légèrement la tête, quelque peu confuse. 

Mon amie m'expliqua qu'elle avait aperçue un joli pull rose dans la vitrine d'un magasin et qu'elle envisageait de l'acheter à sa fille.  Elle me demanda par la suite ce qu'elle pouvait acheter à son mari pour Noël, mais avant que je puisse prononcer un mot, elle affirma qu'un livre ferait l'affaire. Il appréciait lire, il était un homme intelligent et c'était cette qualité qui la rendait admirative. Cependant, il possédait de nombreux autres atouts et dès lors qu'elle les énuméra, je dû crisper tout les muscles de mon corps pour me contenir. Mes yeux devenaient humides au fil de ses paroles, je n'avais pourtant rien dis depuis qu'elle était arrivée. Je n'avais rien dis.

« Tu m'écoutes ? »

Je releva subitement les yeux vers elle. Le serveur arriva, il déposa une grenadine devant moi, un chocolat chaud devant elle. Il avait déposé la tasse au bord de la table, et lors d'un faux mouvement, celle-ci chuta, percuta le sol et se déversa lentement. Elle regarda la tasse et lorsque je m'attarda sur son regard, je vis un sentiment inquiétant, apeurant. Elle se redressa, bouscula le serveur, se mis à parler fort, très fort, si fort qu'un silence s'installa autour de nous. 

« Arrête, il n'a pas fais exprès, dis-je calmement. »

Elle n'arrêta pas, je me leva. Mes mains se déposèrent sur ses épaules, une larme coula le long de ma joue, elle me regarda sans un mot. 

« Nous sommes en juin, Noël est encore loin. »

L'accalmie s'abatis sur la terrasse du café, le serveur recula tandis que les clients nous fixaient étrangement. Mon amie ne prononça plus aucunes paroles, nous nous regardions et dans nos yeux se lisaient la déchirure. 

Il y avait de cela un an, durant un lourd et glacial hiver, une voiture avait perdu le contrôle à cause de la neige et avait chuté violemment dans un faussé.
Le conducteur et les passagers n'avaient pas survécu.

Ses enfants ne s'étaient pas brossés les dents la veille, ils ne s'étaient pas endormis rapidement, et son mari ne lui avait pas ramené de fleurs en rentrant du travail.
Le conducteur et les passagers n'avaient pas survécu.