Chapitre 3

1.9K 176 33
                                    

Mani

Un an plus tard.

Tout mon quotidien change du tout au tout. Ma vie et celle de Tessalia n'est qu'une descente en enfer. Je viens d'apprendre la mort de mes parents, et je suis emmené de force par les hommes de Berto dans la décharge.
J'avais eu vent de cet endroit, mais je ne le croyais pas réel. Uniquement une légende afin d'effrayer les plus récalcitrants.
Oh combien j'avais tort !
Ma sœur me serre la main en tremblant. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. En nous enlevant du QG, les hommes de Berto n'ont rien laissé filtrer. Lorsqu'ils ont débarqué dans ma chambre un peu plus tôt, j'ai crié le nom de mon père, la réponse à mon appel a fusé :

« Ton père est mort merdeux ! Et ta pute de mère aussi ! »

Un élan de rage m'a traversé tandis qu'ils riaient. C'est à ce moment que j'ai aperçu le visage de Tessalia, elle-même entre les mains d'autres hommes. Je me suis alors promis d'être assez fort pour elle, qu'importe ce qu'il nous attendait.

Jamais je n'aurais pensé être jeté aux ordures. Malheureusement pour nous, le président du gang qui a assassiné nos parents, Berto, et nous a fait enlevé, se montre autant cruel que je le connaissais en nous envoyant vivre et travailler au milieu de cette décharge de la ville.
Je crois que j'aurais préféré mourir plutôt que de vivre dans ce lieu qui nous attend. Désorientés par la perte de nos parents, la vie n'a pas fini de nous jouer des tours en nous enfonçant plus profondément dans les entrailles de l'enfer.
À l’intérieur de cette déchetterie, se trouve un bidonville d'environ deux centaines d'habitations faîtes de cartons et autres débris de récupération. Celui-ci est peuplé de pauvres, SDF, enfants abandonnés et autres exclus de la ville.
Nous sommes exploités par un des brigands nommé Lipo. Un vieil homme aux longs cheveux gris et gras. Il porte une longue barbe toujours recouverte de nourriture et a un regard de fou. Il est gras et pas très grand, couvert de crasse et avec l'odeur qui s'en suit. S'il avait été propre il aurait pu passer pour un faux père noël.
Malheureusement il est loin de l'être. Il passe ses journées avachi dans sa cabane à boire de la bière ou du vin, et une fois saoul, ce qui est toujours le cas, il sort et prend un malin plaisir à maltraiter tous les gosses de la décharge, pour se venger de sa vie misérable, comme il aime le crier chaque soir.
Une fois la nuit tombée, il disparaît dieu sait où.

On vit ou plutôt survit, dans un bordel sans nom, inimaginable et inconnu du reste de la population. Notre misérable vie se déroule dans une puanteur perpétuelle, des sirènes des camions, broyant les déchets, des cris des mouettes et goélands attirés par les poubelles. Tournoyant sans cesse au dessus de nos têtes tels des vautours.
Des fumées toxiques s'échappant de plusieurs tonneaux de fer, de hurlements humains, au milieu de crimes innommables envers des jeunes filles, des pourritures sans fois ni lois, de la violence à l'état pure et une peur présente chaque minute.
Cependant ma sœur et moi ne sommes pas idiots. Nous avons vite compris que les enfants amenés ici, étaient en réalité victime d'enlèvement, comme nous. Sûrement parce que leurs familles ne s'étaient pas acquittés de leur dette envers les malfrats qui nous ont, à notre tour, conduit dans ce lieu infâme. Ou tout simplement parce que ces enfoirés avaient sans aucun doute décimé toute leur famille, et que les enfants une fois devenus orphelins leur servaient de relève dans leurs rangs, une fois devenus ados. 

Comment dormir sur ses deux oreilles dans de telles conditions, ou ne serait-ce que de trouver un peu de repos ? Le danger rode à chaque coin. Pour essayer de s'endormir en paix, ma sœur et moi, on se terre sous les déchets, dans un terrier souterrain que nous avons nous-même creusé et consolidé.
C'est notre planque, et on aime imaginer s'évader d'ici afin de découvrir le monde. Quelques soirs, je ne cesse de décrire à Tess, mon rêve de découvrir les états-unis.
Je me souviens d'une période, lorsque j'étais encore scolarisé, où j'avais découvert de nombreux paysages Américains. Je revois toutes les images des livres que j'ai pu feuilleté et ai encore en mémoire les émissions que je regardais parfois.
Chaque soir, est devenu notre petit rituel. Je me plais à me décrire quelques paysages, certains avec des déserts et des canyons, la vallée de la mort, d'autres avec des grattes ciel, quelques autres avec de grandes forêts et peuplées d'ours.
Je lui raconte des histoires au sujet de cow-boys et d'indiens. Je lui parle aussi de groupes de motards avec leurs grosses cylindrées pétaradant et lancées à vive allure sur une célèbre route des états-unis. Cette fameuse route 66 que je rêve d'emprunter à bord de ma propre moto, rêvant de faire parti de ce groupe d'hommes vêtus de gilet en cuir aux couleurs de leur club.
Je suis heureux lorsque j'aperçois le visage de ma petite sœur rayonner quand je lui conte mes pensées et rêves. Faut dire que je me laisse vite emporter par mon enthousiasme et le plaisir qui émane de moi au fur et à mesure que je lui raconte mes récits. Que ce soit dans mes gestes, avec mes mains ou mes traits de visage que j'imagine s'être égayés.
Mais ce qui me touche le plus, ce sont mes rêves qui me semblent prendre vie, à force de les voir défiler dans ma tête, comme si j'y étais déjà et que je vivais ce que je lui racontais.
Alors une fois les bougies éteintes à l'aide de notre souffle, j'essayais de me les représenter dans ma tête et rêvais d'y être en imaginant ma sœur accroché derrière moi et le visage à nouveau souriant et serein.

Hell's bikers T.3 (Sous Contrat D'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant