Meurtre au 27

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    La maison était dans un état irréprochable. Le sol était d'un blanc éclatant, les meubles brillaient, tout était si propre que les policiers pouvaient voir leur reflet peu importe où ils regardaient. Quel paradoxe de se retrouver dans un endroit si clair alors qu'un événement aussi sombre s'y était déroulé. Les enquêteurs observaient le corps de madame Grasset, laissé ici sans vie. Il était là, au milieu du salon du 27 rue des Jacinthes, dans la maison située juste à côté de la mienne.

    J'étais chez moi, assise sur mon canapé, au milieu de mon propre salon et je regardais les informations à la télévision. A l'écran, je voyais des policiers expliquer aux caméras qu'ils ne comprenaient pas ce qu'il s'était passé. Madame Grasset était une femme qui vivait seule, qui s'entendait bien avec tout le monde, que les gens appréciaient, une femme qu'en principe, personne n'aurait voulu assassiner. A travers ma fenêtre, je voyais les mêmes policiers aller et venir dans la maison de madame Grasset. Cette histoire me perturbait. Moi aussi, j'aurais pu être la victime d'un meurtrier, car moi aussi, je vivais seule, moi aussi, je m'entendais bien avec tout le monde, moi aussi, les gens m'appréciaient.

    Les enquêteurs cherchaient des indices. S'ils ne savaient pas encore qui avait tué madame Grasset, ni ce qui avait mené l'assassin à agir d'une telle manière, ils voulaient au moins reconstituer la scène. La femme était allongée sur le sol et on aurait pu croire qu'elle s'était simplement endormie ici s'il n'y avait pas eu cette entaille dans son cou. L'entaille faisait deux centimètres de large, pas un millimètre de plus. Il n'y avait pas de doute : l'assassin avait, d'un coup sec et précis, planté un couteau dans la jugulaire de sa victime.

    On n'avait jamais vu une scène de crime aussi propre. Il n'y avait pas la moindre goutte de sang sur le sol, les meubles ou les murs. Pas le moindre cheveu ni la moindre empreinte non plus. Tout était parfaitement propre, il n'y avait pas la moindre trace de calcaire dans l'évier de la cuisine, dans la chambre, le lit était fait au carré, dans le dressing, les paires de chaussures étaient rangées par couleur et les vêtements avaient tous été repassés. Le premier réflexe des policiers avait été de chercher l'arme du crime. Puisque tout était parfaitement rangé, ils l'avaient naturellement cherchée dans le tiroir à couverts.

    Dans ce tiroir, tous les couteaux étaient identiques et leur taille correspondait à l'entaille faite dans le cou de madame Grasset. Tous avaient été parfaitement lavés, tous brillaient, tous semblaient parfaitement neufs. Celui qui avait servi à tuer cette femme était parfaitement indissociable des autres. A la télé, j'entendais les policiers dire que l'assassin était probablement quelqu'un de très méticuleux, et qu'il avait sans aucun doute prémédité son meurtre car il était impossible qu'il ait laissé derrière lui une scène aussi propre sans avoir pris le temps de réfléchir à tout ce qui aurait pu faire qu'on retrouverait sa trace.

    Plus le temps passait, plus j'avais l'impression de les voir tourner en rond. Ils cherchaient des indices. Ils cherchaient des preuves. Ils cherchaient des explications. Ils cherchaient des réponses à leurs questions. Pourtant, ils n'obtenaient rien de tout cela. Ils cherchaient un meurtrier. Ils étaient persuadés que l'assassin avait un profil identique à celui sa victime ; pour eux, le seul moyen de laisser une scène de crime aussi propre requérait de connaître toutes les habitudes de la personne assassinée et de pouvoir anticiper toutes ses réactions. Cela nécessitait presque d'être la victime elle-même, seulement, madame Grasset ne s'était pas suicidée.

    Ils avaient trouvé le profil de l'assassin et le cherchaient même dans la bonne rue. Ils ne cherchaient simplement pas dans la bonne maison. Qui aurait pu croire qu'un jour, j'aurais tué ma soeur jumelle ?

Meurtre au 27Where stories live. Discover now