Ahmed, 15 ans et déjà migrant

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Moi Ahmed, 15 ans et déjà migrant

Bang bang bang. Trois coups. C'est ce qu'il aura fallu pour éliminer la moitié du village. Les talibans dominent une partie du pays. Il ne me reste plus rien, la seule chance de survie c'est partir.

Moi c'est Ahmed, 15 ans, orphelin de la guerre, afghan, seul. Il m'aura fallu quelque heure pour prendre la décision de fuir, quitter mon pays. De toute façon je n'avais pas le choix, il ne me restait plus rien, juste une lueur d'espoir de trouver la paix un jour.

Après trois jours de marche pour rejoindre Zaranj à la frontière iranienne, j'ai enfin pu trouver de l'aide grâce à un refuge de migrants. Le refuge est composé de toiles de tentes beiges, toutes les mêmes. Les migrants se ressemblent tous, la peau mate, le teint fatigué, le regard dans le vide, les sentiments n'existent plus dans ce camp. L'horreur de la guerre les a complètement détruit. Il y a beaucoup de jeunes de mon âge, seuls eux aussi.

Je me suis trouvé un boulot au noir en Iran. Je faisais la plonge dans un restaurant, la nuit je devais laver toute la vaisselle, nettoyer les cuisines, le restaurant et installer les couverts pour le lendemain. Tout devait être impeccable avant le retour du patron le matin, sans que les employés ne sache que j'existe. J'avais un tout petit salaire mais je ne pouvais pas me plaindre j'avais la chance d'avoir trouvé un travail.

J'ai eu assez d'argent pour payer un passeur au bout de quelques mois, il me permettrait de traverser la mer méditerranée et d'accéder à mon nouveau rêve, rejoindre la France, ce magnifique pays où tout est possible. Dans le camp de migrant j'ai pu savoir comment m'en sortir. Il me suffisait de traverser la mer. Une fois arrivé en France je serais pris en charge et j'aurais droit à plein d'aide de l'état. Tout est question de temps pour que ma vie devienne meilleure.

On a traversé l'Iran, l'Irak, nous sommes passé par l'Arabie Saoudite afin d'éviter de passer par la Syrie. Il a fini par m'abandonner en Egypte. Je n'avais plus assez d'argent pour le payer. Une nuit je me suis enfui de sa garde afin de me débarrasser de ses menaces.

Après deux jours de marche je suis arrivé au Caire. J'ai rencontré quelques jeunes afghans qui travaillaient en tant que maçon sur une maison en construction. Ils m'ont aidé à me faire embaucher. Après six mois d'exploitation de la part de ce nouveau patron j'ai enfin eu assez d'argent pour partir avec mes deux nouveaux amis. Nous avions trouvé un passeur afghan pour traverser la mer méditerranée.

Arrivés sur la plage, après lui avoir donné tout ce qu'on avait il nous a laissé avec trois barques. Nous devions être presque 200 personnes. Je suis monté dans la dernière barque avec mes amis. Nous étions une cinquantaine avec une personne à l'avant et une personne à l'arrière pour conduire le bateau. Il faisait noir, l'eau était bonne, nous sommes parti sous une mer calme. Au levé du soleil une tempête a surgi de nul part les deux premières barques ont chavirées. On entendait les hurlements, on voyait les gens se noyer. Cette journée a été atroce.

Nous étions à la moitié du parcours lorsqu'un énorme bateau orange est venu nous aider. Des personnes blanches nous ont accueilli, nous ont donné de quoi manger et nous réchauffer. Le bateau a accosté en Italie. Après un examen médical complet nous avons pu continuer notre chemin.

Il nous fallait encore traverser les Alpes pour arriver en France. Arrivés dans le sud de la France, dans la vallée de Roya, nous avons rencontré un homme, Cédric HERROU. Il est agriculteur mais a arrêté son activité afin d'accueillir des migrants comme nous. J'ai pu me laver et être soigné par une infirmière bénévole. Il nous a expliqué que nous devions obtenir droit d'asile pour pouvoir rester sur le territoire légalement. Cela nous permettra de rester en France en toute légalité. Je ne connais pas vraiment la loi et je connais seulement quelques mots de français.

Cédric nous a donc aidé à faire les démarches. Encore et encore des papiers je me suis longuement demandé quand allait enfin s'arrêter ce cauchemar et quand j'allais trouver la paix ! La France n'était pas comme nous nous l'étions imaginé. C'était beaucoup plus compliqué de se faire une place.

Une association nous a aidé à trouver un apprentissage. J'ai choisi d'apprendre à être cuisinier. J'avais déjà pu exercer un peu ce métier en Iran malgré un mauvais patron. Le restaurant dans lequel j'ai été choisi était parfait pour apprendre ce métier et le français. Nous avons chacuns été logé dans une famille différente grâce à l'association.

Le patron du restaurant a choisi de me laisser ma chance.

J'ai ainsi pu commencer une nouvelle vie dans un nouveau pays en espérant y vivre dans la paix et le bonheur. La peur et la misère était maintenant un lointain souvenir même si je n'oublierais jamais d'où je viens et ce que j'ai vécu...

Ahmed, 15 ans et déjà migrantWhere stories live. Discover now