« Je vous raconte. »
« Mercredi matin, comme d'habitude maman était déjà partie pour le travail, je me lève vers sept heures, je me glisse rapidement à la salle de bain, j'adore l'avoir pendant une heure pour moi toute seule. Mon grand frère plutôt grognon au réveil se dirige immédiatement vers cette pièce il est donc indispensable qu'il trouve la place libre sinon nous commençons notre journée par une dispute. Tout est normal je sors à temps pour éviter le conflit c'est à ce moment-là qu'il me dit : « Clara tu sais qu'aujourd'hui... » Je n'eus même pas le temps d'entendre la fin de sa phrase que l'eau du bain coulait déjà et que le verrou de la porte se tournait à double tour. Je me suis dit que ce devait être sans importance. Je m'habille, je me connecte, je déjeune, je vais sur les réseaux sociaux, je me regarde dans la glace, j'envoie un sms, je me repeigne et je regarde mon snapchat. Ça y est je suis prête à partir.
Sur mon chemin je rencontre toujours Paloma et Blanche au croisement de la Rue Deville. Avant cette intersection, un camion poubelle crée un mini bouchon, juste derrière une Fiat 500 avec comme chauffeur une jeune fille, sans doute une étudiante vue que nous sommes dans le quartier des universités. Je l'observe, au lieu d'être agacée par l'embouteillage je la vois chanter avec un stylo comme micro, je pense qu'elle interprète le dernier succès de Selena Gomez. Nos regards se croisent et cela déclenche un fou rire pour toutes les deux. Je poursuis ma route je rencontre mes copines, nous nous dirigeons ensemble vers le collège. Une journée des plus classiques, de bonnes notes, des compliments des professeurs et comme d'habitude toute les filles et les garçons de ma classe voudront que je mange avec eux. Rien d'extraordinaire. Peut-être pas si habituel, en effet pendant le cours de français que j'adore, un débat dans la classe surgit sur le thème : « Quel est ton jour préféré ? ». A l'unanimité la réponse a été le « vendredi », tous expliquent que c'est le jour qui précède le week-end. A l'unanimité moins une voix, pour ma part j'ai dit que c'était le mercredi qui était le meilleur jour de la semaine, je me souviens même avoir dit à Blanche : « Une semaine composée de mercredi, serait une semaine de rêve. »
L'après-midi je poursuis mes activités, leçon de piano et cour de théâtre. Puis vers dix-sept heures je rejoins ma meilleure copine Léa, on reste un peu en ville puis elle me raccompagne chez moi. Je remonte à ma chambre pour faire les devoirs de la fin de semaine, je scrute mon téléphone pour voir les activités de mes amis virtuels. L'heure du repas approche, je descends, ce soir nous mangeons des pâtes à la carbonnara, je suis trop contente ce sont mes préférées surtout quand c'est mon père qui les fait.
Après le repas, je monte à ma chambre, je prépare le cartable pour la journée de demain, j'hésite encore sur ma tenue mais à la suite d'une consultation sur les réseaux sociaux, j'opte pour ma jupe et ma petite veste noire. Une fois tout ceci terminé je m'allonge et m'endors petit à petit.
Le jeudi c'est une journée où j'ai huit heures de cours. D'habitude ma mère me réveille, mais aujourd'hui elle a dû oublier de me dire qu'elle ne serait pas là au réveil. Je me dirige vers la salle de bain, mon frère descends nous croisons à peine.
« Clara tu sais qu'aujourd'hui... », et je n'ai pas le temps d'entendre la suite car l'eau commence déjà à couler et la porte se ferme à double tour comme une invitation à ne pas déranger.
Je suis étonnée, cette situation est assez troublante, je me connecte sur les réseaux pour partager cette expérience. Là encore, je suis surprise, mes contacts n'ont pas réactualisé leur profil cela doit être un bug de mon téléphone, je l'éteins. Je pars pour le collège un peu dérangée. Sur mon parcours habituel, le camion poubelle et étrangement bloqué derrière lui, la même fille que la veille. Elle chante la même chanson. Un frisson parcourt mon corps, je me hâte pour raconter tout cela à mes amis. Au moment où je les rencontre, rien ne sort de ma bouche, je pourrais être traitée de folle et perdre mon statut au collège et sur les réseaux sociaux. C'est étrange, je suis l'observatrice de tous, chacun joue son rôle à la perfection et à part moi tout le monde semble vivre ce jour pour la première fois. Tout se déroule comme un mercredi normal, je décide de ne parler de cette sensation qu'à mes parents le soir. Ils m'expliquent que je dois être fatiguée, que c'est sûrement un effet de tous les écrans que je pratique, que le manque de sommeil peut créer ce genre de sensation. Cela fait du bien de se sentir si bien entourée et comprise, d'ailleurs la solution à mon problème est de me délester de mon téléphone et de me coucher une heure plus tôt. Finalement cela doit être vrai parce qu'après cette journée horrible, je me sens très fatiguée et m'endors assez facilement.
Une petite lueur, j'ouvre les yeux, je me tourne pour voir mon radio réveil qui clignote, il est 6h57, une appréhension m'envahit, je suis comme tétanisée, malgré cela je décide de me lever, de descendre. Ça commence mal, maman n'est pas là, mon père dort à poings fermés, je le réveille prétextant un mal à la tête, il me donne une aspirine et me dit que si je souffre toute la matinée je n'irai pas au cours de piano et de théâtre de l'après-midi. Cette phrase me plonge dans l'horreur de revivre la journée précédente. Changement de trajet pour me rendre en cours, mais ensuite tout comme la veille. Prétextant un grand mal au ventre mes parents viennent me chercher, on va chez le médecin qui découvre « un virus qui est dans l'air en ce moment ». Après un passage à la pharmacie, on reste à la maison avec ma mère, quand le soir arrive, je la supplie de rester prés de moi cette nuit. Elle s'exécute, je lutte contre le sommeil mais mes forces me lâchent vers 00H23 du cadran lumineux du radio-réveil. Je ne l'entends pas quitter ma chambre.
Une petite lueur, je m'assieds sur lit il est 6h57, j'avale ma salive, mes muscles sont comme tétanisés, je descends et là je pousse le plus discrètement possible la porte de la chambre des parents, je retiens mon souffle, j'ai envie de pleurer quand je vois que ma mère n'est pas là. Saisir ce qu'il m'arrive, est-ce cela que de devenir fou ? Je me fais un bain bouillant, je m'apaise, je veux comprendre la signification de ce qui m'arrive. Je suis bien décidée à prendre le contrôle de cette journée, chemin faisant je chante avec ma jeune étudiante bloquée par le camion poubelle, quand je retrouve les amis je finis leur phrase, en classe je réponds à toutes les questions, je joue mon morceau de piano à la perfection, je donne mes répliques à mon cours de théâtre comme si c'était moi qui avais écrit la pièce. Bref, je m'amuse comme une « folle ». Je fais exactement les mêmes choses sur mercredi 4,5,6 et 7 si bien qu'au bout d'un moment c'est moins marrant.
Sur les mercredis 8,9,10 et 11 je donne libre court à mon imagination. Prendre toute l'eau chaude à mon frère, ne pas aller en cours et rester chez soi en pyjama, manger un pot de nutella, faire des gâteaux, passer sa journée au Mac Do, faire les soldes sur les sites internet, acheter un chien, ça et l'eau chaude je ne l'ai plus refait parce qu'en fait je me suis fait punir dans la même journée. Il faut dire que je me suis bien amusée. Mais cela devient ennuyeux au bout d'un moment et alors c'est à nouveau la phase de questionnement qui revient. Après « ma période bêtise », c'est celle « gentille » qui prend place, sur les mercredis 12,13,14 et 15, j'aide des personnes âgées à traverser la route, je trie mes déchets, j'offre des vêtements que je n'utilise plus, je donne quelques pièces à des sdf, je range ma chambre, je ramasse des détritus dans mon quartier et enfin je suis sympa avec ma famille. Encore une fois, je m'aperçois de l'intérêt de faire ce genre de choses et j'y prends même du plaisir.
Une petite lueur, j'ouvre les yeux, 6h57 sur le radio réveil, désormais la question quel type de mercredi je vais passer. Je décide la version « classique », je chante avec l'étudiante derrière le camion poubelle, je rejoins mes amis et nous faisons le chemin ensemble, je prends le parti de la conformité la plus totale au moment où on nous demande quel est notre jour préféré je réponds « vendredi » comme le reste de la classe. Mes cours de l'après-midi se passent bien, et le repas familial avec mon ex recette favorite se déroule comme les précédents. Les yeux ouverts dans mon lit, j'analyse ma situation, les côtés négatifs sautent aux yeux, être bloquée dans une journée c'est terrible mais j'arrive désormais à trouver quelques avantages, je ne fais plus mes devoirs, je ne suis jamais malade, mes parents ne vieillissent pas, mes amis sont toujours en forme, bref je peux donc dire que ce mercredi était une belle journée. C'est sur ces pensées que je m'endors, demain un nouveau mercredi m'attend.
« Clara, c'est l'heure. » Je me réveille en sursaut, je descends quatre à quatre les escaliers, je me retrouve face à ma mère, je lui bondis dans les bras, je m'effondre en pleurs et lui raconte mon expérience. Elle éclate de rire et me dit de me dépêcher sinon je serais en retard. Bien que vexée par son incrédulité, cela me satisfait de reprendre le cours de mon existence après ce bug temporel. Un jeudi magnifique, comme si rien ne s'était produit, à tel point que je me demande si tout ce que j'ai vécu est le fruit de mon imagination ou si cela a existé. Les jours passent, je garde le souvenir de mon expérience à ne sachant pas quoi penser.
Quelques mois plus tard, j'étais en retard pour me rendre en cours, je dévorai le bitume, dernier sprint avant l'arrivée, je fermai les yeux et je percutai un passant. Je tombai, en me relevant j'aperçus une jeune fille, « la jeune fille de la voiture ». Elle me demanda si tout allait bien. Je lui répondis que j'étais en retard mais que tout était ok. Nos regards se croisèrent et elle me dit :
« Dis-moi quel est ton jour préféré ? »
YOU ARE READING
Vous n'allez jamais y croire !
ParanormalLaissez vous entraîner dans le monde fantastique avec cette nouvelle.