L'Enfant des bourrasques

Combien de fois me suis-je surpris à souhaiter le malheur de mon prochain ? Ô, combien de fois ce dégoût défensif a-t-il accueilli les salutations du badaud ? Je haïssais par habitude.

Ne me blâme point trop vite, mon semblable, notre fonctionnement n'est que la somme de notre vécu ; lorsque le terreau est acide, les fruits ne peuvent tourner sucrés. Maintes fois, aux brimades lancinantes, je n'ai riposté qu'avec ma bienveillance. Car on ne naît pas cruel, on le devient en réponse à un climat délétère. A chaque cyclone son œil, et l'Enfant le rejoignant apprend de son déferlement. Ainsi, chaque rejet, chaque avanie me fit témoin d'autant de bourrasques.

Mais cette entité néfaste ne saura jamais se montrer bienfaisante, et le destin de l'Enfant des bourrasques se réduit à dresser sans distinction les mêmes tempêtes qu'il subit jadis. Je sombrai moi-même dans ce cercle venteux, où je déchaînai des rafales qui me ravagèrent davantage que mes cibles. Heureusement, dans un dernier tumulte, j'entrevis les rayons solaires !

Camarade, les vents te protègent peut-être des incursions extérieures, mais cette écorce de fiel ne distingue point l'ami de l'ennemi, et cet isolement deviendra une tare plus atroce encore, ta hantise, ta Némésis ! Adouci ton amertume, accepte leurs lames en ton sein et cautérise tes plaies sous le regard de tes assaillants. Il n'y a que de cette façon que tu percevras tes alliés et qu'ils pourront eux-mêmes te percevoir.

Fâcheusement, sur l'asphalte du pardon je tends à me sédentariser ; où trouver la force d'absoudre les gausseurs qui écorchèrent mon être avec enthousiasme ? Vous-même, béniriez-vous des bêtes à l'œil fou, partisanes de la Destruction ? Si la théorie est triviale, son application est un combat de chaque instant que l'Enfant doit mener contre ses détracteurs et contre lui-même, pour ne pas laisser poindre cette même folie dans son regard. Leur miasme se vilipende aisément, et il ne saurait être plus grand échec que de devenir soi-même ce que l'on a haï.

Comme toi, mon semblable, je nourris l'espoir qu'un jour, face à la brise emportant mes larmes, je puisse m'exclamer : « Je me suis vaincu ! »