Chapitre 21

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La marche jusque chez Tobias n'avait duré qu'une dizaine de minutes, mais chaque pas était pour Korie de plus en plus douloureux. La morsure d'otarie au mollet le brulait, il sentait le sang glisser le long de son jean et inonder sa chaussette. Il s'efforçait de ne rien laisser paraitre de son supplice, par fierté, mais c'était difficile.

- Eh voilà, dit Tobias après ce qui lui sembla être une éternité. C'est mon bloc.

Korie leva la tête pour apercevoir l'immeuble qui lui faisait face. Il faisait cinq ou six étages seulement et fait presque entièrement de brique. Le premier était réservé à une petite boutique de friperie avec une clientèle uniquement constituée, d'après ce que pu voir Korie par la vitrine, de vieilles dames.

Finalement, c'était un bâtiment parmi tant d'autres. Korie haussa les épaules d'un air détaché, semblant aussi indifférent que possible, puis se tourna vers Tobias.

- Alors ? On va rester planter là à le regarder encore longtemps ?

Levis pouffa de rire, mais Tobias n'était toujours pas convaincu. Le visage sérieux, il poussa un soupire contrit avant de s'avancer vers une porte à côté du magasin. Il l'ouvrit ils découvrirent un petit couloir glauque et mal éclairé, menant tout droit à un ascenseur. Une odeur d'humidité flottait dans l'air, rappelant désagréablement celle du taxi qu'ils avaient empruntée un peu plus tôt.

Faites que ce n'est que ce couloir, se surprit à penser Korie. Il était du genre à avoir le nez fin et les effluves particulières lui faisaient horreur.

Ils grimpèrent dans l'ascenseur. Tobias referma la grille grinçante qui servait de porte et il appuya sur le bouton du cinquième étage. Korie se permit de regarder du coin de l'œil les murs : des planches noircies, assez espacées pour le laisser apercevoir les fils et les câbles qui passaient derrière. Quand la cage se mit à monter, elle produisit un bruit de crissement qui lui donna la chair de poule.

Mon Dieu, les câbles vont lâcher et on va tous mourir ici, pensa Korie en essayant de rester tranquille. Et Tobias et Levis qui m'observent... ils vont croire que les juges, à vivre là-dedans. Même si c'est difficile de faire autrement.

L'ascenseur s'arrêta enfin et Tobias ouvrit la porte, qui s'enfonça dans une fente dans le mur. Korie prit une subtile inspiration et s'efforça de prendre son temps, sans leur laisser remarquer qu'il avait vraiment eu peur.

- Alors ? fit Tobias après un petit silence embarrassant. Vas-y, dis-nous ce que tu penses.

Korie prit une seconde avant de répondre à la question, regardant à nouveau autour de lui. L'ascenseur les avait menés à un nouveau couloir, plus grand que le premier, qui menait à plusieurs portes d'appartement. Les murs étaient d'un beige sale, les lattes du plancher se soulevaient par endroit. Il leva les yeux au plafond et vit que tout un morceau de plâtre manquait dans un coin, laissant apercevoir un bout de bois et un fil qui pendouillait.

Korie reporta enfin son attention à Levis et Tobias, qui le dévisageaient avec appréhension. Il leur fit un grand sourire, avant de dire :

- Ça fait beaucoup plus naturel que chez moi !

Il prit son appareil photo qui était accroché au cou de Levis — ses vêtements étant toujours mouillés de sa baignade avec les otaries, il n'avait pas osé le reprendre, par peur de le noyer —, posa un genou à terre et prit le corridor en photo. Il regarda le résultat sur l'écran de l'appareil, souris à nouveau, puis leva les yeux vers Levis et Tobias qui le dévisageaient sans rien comprendre.

- T'es pas sérieux, dit Levis. Impossible que tu sois sérieux. Comparé à chez toi, ça, c'est une grotte de Cro-Magnon.

- N'exagère pas, quand même, s'offusqua Tobias.

Korie - L'être HumainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant