L'Homme a détruit ce qu'il devait protéger, mais est aidé par les siens pour atteindre l'apogée.
1960
Le jour où je suis né, c'est-à-dire le 16 juillet 1960, je n'ai pas vraiment pu voir le changement du monde, mais celui-ci évoluait. En bien ? En mal ? Personne ne pouvait savoir. Mais plus les années passent et plus je me dis que chaque petite chose, même la plus minuscule, la plus insignifiante, tel un grain de poussière involontairement introduit, dans la boucle d'une personne banale, qui vit sa petite routine quotidienne, qui prend son train habituellement pour aller travailler ou bien le ferry pour se déplacer, cette moindre petite chose serait effectivement source de changement en ce monde.
1980
Chaque année, chaque mois, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde passée sur cette terre, me rendait de plus en plus nostalgique de la seconde précédente et de cette vie qui défilait sans aucun changement.
1990
̶ Quel ennui... soupirais-je d'un ton monotone.
J'avais un roman philosophique de Platon dans une main tandis que l'autre pendait sans force le long de l'accoudoir du fauteuil en cuir noir sur lequel j'avais pris l'habitude de m'installer.
̶ Qu'y a-t 'il Charles ?
̶ Et bien, répondis-je.
̶ Dis-le, parle-moi, je suis à ton écoute.
̶ Très bien, si c'est ce que tu désires Sophie, parlons.
Sophie est une envoyée du bon dieu pour me sauver de mon ennui écrasant et oppressant dans une atmosphère lourde qui m'entoure. Sophie est ma femme, ma petite femme posée sur ses talons rouges et enveloppée d'un de ces drapés modestes que l'on peut trouver dans toutes les surfaces marchandes. Nous nous sommes mariés le 1er mai 1980. Je me souviens encore très bien qu'il faisait beau ce jour-là. La verdure avait poussé abondamment, les oiseaux chantaient pour nous des chants heureux et nous célébrions avec toute la joie possible, notre mariage d'amour .Nous nous faisions caressés par les doux rayons du soleil qui chauffaient notre peau blanche, assez pour ne pas avoir froid et sentir le parfum enivrant du printemps.
Nous vivions paisiblement dans un quartier modeste de Paris, la ville lumière. Sophie est pour moi le rayon de soleil qui illumine les jours de pluie.
̶ Je ne sais que faire de cette journée, voilà tout. Plus les secondes passent et plus je me rends compte que ce monde ne change pas, tout comme ma vie. La nature aussi est toujours aussi verdoyante et abondante. Les petits oiseaux que l'on chasse le matin, reviennent toujours et les températures sont propres à une saison. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a tant de choses à découvrir, et à créer en ce monde, que moi, pauvre trentenaire, je suis assis là, dans ce fauteuil en cuir, qui me colle à la peau.
̶ Je comprends, et j'entends bien tes paroles, mais voudrais-tu qu'il n'y ait plus de verdure à arroser, plus d'oiseaux dans les cieux, que les températures soient froides en été et chaudes en hiver, que le soleil nous tombe sur la tête ?
̶ Non, bien sûr que non, mais j'aimerais un peu de changement tout de même.
̶ Et bien pour changer, tu n'as qu'à aller nous chercher de quoi diner ce soir. Près de la gare, tu trouveras une petite épicerie. Tu pourras te promener dans les rues, ça te changera les idées, c'est ce que je fais quand je suis d'humeur maussade.
̶ Très bien ! j'y vais de ce pas.
̶ Prends ta veste, il y a une légère brise dehors.
̶ Oui, à plus tard !
̶ À tout à l'heure !
Je partis donc de l'appartement, à la recherche de cette fameuse épicerie. Effectivement, lorsque j'ouvris la porte, le vent secoua mes cheveux bouclés et je ressentis l'air de dehors sur mon visage. Il me paraissait plus pur que celui de notre appartement du 5eme étage.
Je m'engageais donc dans les rues de Paris, ma veste sur les épaules, d'un pas lent et fatigué. À droite, on pouvait voir des boutiques de vêtements et de bijoux et à gauche quelques restaurants et habitations.
Je marchais sur les pavés des rues lorsque j'aperçus une jolie boutique de livres. J'entrai. J'avais du temps à perdre, beaucoup de temps. Elle n'était pas très grande, mais contenait une somme incommensurable de romans, de nouvelles, de journaux. Je me retrouvais alors au beau milieu du paradis du lecteur. Il y avait, dans un coin, un petit livre, vide, les pages vierges. Il m'intrigua et m'attira à la fois. Je sortis mon portefeuille de la poche de ma veste pour y retirer quelques billets.
Lorsque je quittai la boutique, je me retrouvais avec un petit carnet dans la main, et je me dis qu'il pourrait contenir ma vie. Un petit journal pour une petite vie sans beaucoup de changement. Je me remis en route vers la gare. Il ne me restait plus que quelques pas avant d'arriver à l'épicerie.
À peine arrivé à destination, à ma droite, une voiture laissa échapper une fumée épaisse qui m'intoxiqua légèrement. Le moteur de cette décapotable rouge devait être défectueux car les gaz qui s'en échappèrent, sur plusieurs mètres, étaient très denses et gris.
Après mettre libéré de ce poison, j'entrai dans l'épicerie et achetai tout ce qu'il nous fallait pour le diner du soir. Je me permis quelques folies en m'achetant un magnifique stylo qui accompagnerait mon journal. À la suite de cela, je retournais à la maison, en empruntant le même chemin qu'à l'aller.
Il faisait chaud et la petite brise avait disparu. Les rues se remplissaient de visiteurs venus des quatre coins du monde, et l'on ne savait plus où mettre les pieds. Quelques minutes plus tard, j'arrivai enfin à l'appartement, je montai par l'escalier les cinq étages avant d'arriver à notre petit appartement néanmoins très lumineux.
̶ C'est moi, je suis rentré !
̶ Oh, mon chéri, ça va ? Tu as pu acheter tout ce qu'il fallait ?
̶ Oui, et j'en ai même profité pour m'acheter un petit carnet et un stylo pour étouffer mon ennui.
̶ Très bien ! Et que vas-tu écrire dedans ?
̶ Ma vie !
̶ Oh... eh bien bon courage. Toi qui te plains de t'ennuyer et qu'il n'y a pas de changement, dit-elle en rigolant.
̶ Ha...ha...ha... c'est hilarant, et bien sache que chaque changement en ce monde je le noterai sur ces pages.
̶ Très bien !
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La vie
Non-FictionL'homme a détruit ce qu'il devait protéger, mais est aidé par les siens pour atteindre l'apogée.