BLANC

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Blanc.Ici, tout est blanc.

Lepaysage, complètement enneigé la majeure partie de l'année.L'horizon, le ciel, blancs. Même le soleil est blanc. Les bâtimentsfroids et lugubres, blancs. Les gens qui y vivent, leurs vêtements,leurs regards, leurs âmes... tout - est - BLANC.


Rienne se dégage de cet endroit. C'est comme si les sentimentsn'existaient pas. Les sentiments ont des couleurs eux. Mais là iln'y a rien.


D'aussiloin que je me souvienne, il n'y a jamais rien eu d'autre que dublanc.



Personnene sait vraiment pourquoi on est ici. Notre mémoire..c'est comme sielle était « blanche » elle aussi. C'est comme un rêve,on ne sait jamais vraiment comment il commence. On est juste là, àsubir des événements dont on ne comprend pas toujours le sens, àrépéter des gestes que l'on a appris on ne sait comment. On saitjuste ce qu'il faut faire, ce qu'ilsattendent de nous. Et on le fait. Ilsne veulent pas que l'on pose de questions. Ilsveulent juste qu'on suive les règles :


Obéir aux blouses blanches

Ne pas sortir du bâtiment sans autorisation

Suivre les procédures

Ne pas poser de questions

Ne pas prendre la parole sans qu'on nous l'ai demandé

Ne pas créer de liens avec les autres.

Ne pas boire ni manger autre chose que ce qui provient du centre

Ne pas parler d'émotion

Ne pas porter de couleur

Ne pas se mélanger aux autres divisions

Ne pas lire autre chose que les manuels du centre

Remplir nos corvées quotidiennes

Être ce qu'ils attendent de nous.


13règles. Comme les 13 divisions que nous sommes. Chaque division estcomposée de 6 sujets, et aurait une spécialité, mais c'est legenre d'informations qu'on est pas censés avoir. Je ne sais mêmepas qu'elle est la notre, de spécialité. Nous ne sommes encore jamaissortis du centre. Nous n'avons participé à aucune mission. Mais cequi est sûr, c'est qu'on est une putain de famille. Peut importe cequ'ils en pensent. On reste discrets, mais on se serre les coudes.Comment faire autrement ? Comment survivre sinon comme ça ?On se l'ai promis.


Nousne sommes pas tous arrivés en même temps ici, mais personne ne sesouvient de comment il a atterri là. Quand je suis arrivée, il yavait déjà Calleb et Jena, Liam, et Maella. Allie est arrivée endernière. Je ne sais pas si ce sont nos vrais prénoms, mais c'estla seule chose dont on se souvient. La seule chose qu'ilsnous ont laissés de notre vie avant le centre. Je ne sais paspourquoi.. On aurait pu penser qu'ils nous auraient donné desnuméros ou je ne sais quoi d'autre de tordu.. mais non, ils nous ontlaissé nos prénoms. Moi, mon prénom, Cattaleya, il me fait penserau soleil. Pas le soleil d'ici. Un vrai soleil, chaud et étincelant.


Nousétions la 13ème division. Et nous respections les règles. Enfin,c'est ce qu'ilspensaient.


Unvéritable réseau souterrain s'était formé sous le centre.Providence City était notre chez nous. Notre refuge. Toutes lesdivisions se mélangeaient la nuit. C'était notre petit monde ànous. Cachés dans les baffons de Whiteworld, on pouvait enfinlaisser libre court à nos personnalités, à nos envies. Alcools,sexe, drogues, musique, arts, danses, rires, chants... Uneeffervescente décadence pour compenser les petits êtres robotisésque l'on nous demandait d'être le reste du temps. Un saut dans levide sans parachute pour ressentir autre chose que la neutralité, etpour faire ressentir. Pour exprimer, pour penser, pour faire penseret pour découvrir, des sens, des émotions. Toutes ces choses quinous étaient interdites, on se les autorisaient à l'excèsquelques heures par nuit.


Callebaimait bien lire. Il arrivait à se procurer via le marché noirprésent dans le centre (certains sortaient en missions, etarrivaient à ramener toutes sortes de bizarreries qu'ilsdissimulaient comme ils le pouvaient), toutes sortes de livres etd'articles. Alors il nous parlait du Monde, de la vie ailleurs, depleins de choses dont on ne comprenait même pas le sens comme del'avancée de la médecine, des progrès technologiques, des guerres,des famines... Il disait qu'un jour il serait "journaliste".Je ne sais pas vraiment ce que c'est mais il avait l'air de trouverça bien, alors on l'encourageait.

Jena,elle aimait la chaleur humaine, et déroger par biens des moyens àla règle n°6. Je crois que les garçons l'aimaient bien. Les fillesdes autres divisions, un peu moins visiblement. Moi j'admirais sonassurance. Elle était sûre d'elle en toutes circonstances et nerevenait jamais sur une de ses décisions. Je me rendrais compte bienplus tard que c'est quelqu'un sur qui je pourrais compter.

Liamaimait fumer des cigarettes puantes, elles aussi trouvées sur lemarché noir. Il en avait toujours une entre les lèvres, un peu detravers. Il ne prenait même pas la peine de l'enlever de sa bouchepour parler. Puis il crachait une fumée grise épaisse qui stagnaitsous les bas plafonds de Providence city. Il en proposait aux autresmembres du groupe. Jena aimait bien tirer quelques lattes de temps àautre. Mais à moi, il ne m'en proposait jamais. Liam ne parlait pasbeaucoup de manière générale, mais à moi encore moins. Je nesavais pas vraiment pourquoi, et je le découvrirais plus tard. Troptard...

Maellaaimait regarder les étoiles la nuit, et utiliser notre passagesecret pour monter sur le toit du centre et observer le ciel. Elledisait qu'il y avait tout un monde à découvrir, et que les étoilespouvaient nous guider. Elle avait lu tout un tas de choses sur ce quis'appelle l'astronomie. Elle était persuadée qu'un jour les étoilesnous sauveraient. Peut-être avait elle raison à ce moment là.

Allie,elle, elle aimait la couleur. Ce qui lui attirera bien des ennuisplus tard. Elle adorait se maquiller et porter des couleurs trèsvives. Toutes les nuits elle s'amusait à porter des perruques detoutes les couleurs, des tenues plus délirantes les unes que lesautres, et des maquillages extravagants. Ensuite elle chantait, elledansait, elle riait ! Elle riait d'ailleurs si fort qu'on avaitparfois peur qu'ils nous entendent. Mais un des avantages à vivredans un centre aussi renforcé en matière de sécurité, est soninsonorisation sans faille.

Quantà moi, comme Maëlla, j'aimais sortir du centre. Loin du tumulte desnuits secrètes de Providence City. Aller respirer l'air frais àl'extérieur, malgré le froid et la neige. Je restais là dehors,sans bruits sauf ceux de la nature environnante, et je rêvais à cetautre monde dont parlait Maëlla, à comment pourrait être nos viesailleurs, à comment elles étaient avant, à ce que tout ça voulaitdire et quel but nous servions sans le savoir. Alors je restais làdes heures, jusqu'à ce que la lumière grise de ce monde froidfrappe mon visage.


C'estune de ces sorties, qui bouleversera nos vies... Mais à ce momentlà nous ne le savions pas encore et nous étions loin d'imaginerce que tout cela aller engranger.

WHITEWORLDWhere stories live. Discover now