Le réveil

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William Bernosky était un homme rationnel. Il n'aimait pas les histoires de fantôme ni les films d'horreurs et encore moins les émissions télé sur les phénomènes paranormaux. Pour lui, tout cela n'était que fadaise et approximation scientifique. Il vivait dans un monde paisible où tout avait une explication.

Les ovnis ? De simples ballons sondes.

Le monstre du loch ness ? Un canular à visée touristique.

La communication avec les morts ? Une hallucination collective produite par un besoin farouche de retrouver des êtres disparus.

Bref, rien ne semblait pouvoir heurter ses convictions.

Pourtant, lorsqu'un beau matin il ouvrit les yeux sur un ciel peuplé de trois masses lumineuses immobiles, il se trouva fort démunis.

Allongé sur le sable brûlant d'une immense plage, Wiliam se releva avec difficulté. Ses membres inférieurs lui faisaient mal et il éprouva une grande douleur au genou droit quand il se mit à marcher en direction du rivage. Il s'arrêta d'avancer sitôt qu'il eut les pieds dans l'eau comme s'il cherchait à se perduader qu'il ne rêvait pas. Devant lui la mer étalait son grand rideau bleu à perte de vue et diffusait sa légère berceuse. Mais le plus curieux se situait au-dessus de lui.

Trois lunes, rondes comme les yeux d'une mystérieuse créature, paraissaient flotter dans les cieux. Elles formaient ensemble une sorte de triangle pointant vers le haut.

La plus à gauche, teintée de rouge, était traversée par d'immenses canaux dans lesquels s'écoulaient un liquide poupre et visqueux. Le sol de la deuxième était gris et constellé de cratères crachant des volutes verdâtres qui n'avaient rien d'accueillant. Tandis que la dernière était d'un noir effrayant seulement zébré par deux fentes dorées qui paraissaient recueillir toute la lumière alentour.

C'est impossible, murmura Wiliam en frissonnant à l'écoute de sa propre voix.

Soit je suis devenu fou, soit quelqu'un m'a drogué, soit je suis dans le coma...

Plusieurs possibilités se présentaient à lui, certaines plausibles et d'autres moins. Mais aucune ne trouvait grâce à ses yeux. Car ce qu'il voyait dépassait l'entendement. C'était trop clair, trop net, trop beau pour ne pas exister. Les contours des lunes, leurs détails ne pouvaient être le fruit d'un imaginaire si développé soit-il. Et puis il y avait le reste. Les odeurs de vase, la sensation du soleil irradiant son visage ou encore le murmure des vagues. Tout cela était si intense. Tellement réel.

Il se sentait comme hypnotisé par ces trois cercles formant une sorte de pyramide céleste qui avait quelque chose de fascinant.

Wiliam finit par retourner en arrière pour s'assoir à l'ombre d'un grand arbre au tronc creux. Une sorte de palmier dont les feuilles pendaient toutes du côté de l'horizon. Il essaya de comprendre comment il avait pu se retrouver ici.

Ce matin nous étions le jeudi 27 juin, commença-t-il par affirmer, et je suis allé travailler. De cela il était sûr. Il revoyait son bureau, se rappelait du goût du mauvais café en dosette qu'il avait dû ingurgiter parce qu'il avait oublier sa thermos et se souvenait d'avoir discuté avec son directeur sur un possible avancement.

A l'heure du déjeuner il était allé sur la grande terrasse de la société Rochemont pour profiter des rares rayons qui transperçaient la brume pour la première fois depuis le début du mois de février. Les camions de livraison avaient défilé durant toute la pause devant les tables de pique-nique, apportant leur lot de boîtes de conserve dont Wiliam allait bientôt devoir contrôler la bonne conformité. Il revoyait le soleil miroité contre les pare-brises chaque fois qu'un engin atteignait l'extrémité du parking pour manoeuvre mais c'était bien la dernière image qui lui revenait. Après c'était le noir complet. Rideau, fin de l'acte, changement de décor. Comme si ensuite il s'était téléporté ici-même, au milieu de nulle part.

Où était-il bon sang ? La question commençait à l'énerver. Il se sentait comme après un mauvais rêve, quand votre esprit sait qu'il est de retour dans la réalité mais qu'il ne parvient pas totalement à se défaire de l'ambiance pesante qu'il vient d'imaginer. Tout semblait faux autour de lui, la plage, la forêt et ce foutu ciel qui ressemblait à un dessin de gosse pris d'une crise de délire aigüe.

Et si c'était un coup monté ? Une sorte de blague ou de jeu ? Il avait déjà entendu parler de société qui proposait de faux enlèvements avec un scénario bien ficelé pour des occasions comme des anniversaires. On aurait très bien pu l'endormir d'une manière ou d'une autre et le déposer dans une sorte de studio de cinéma avec ce décor de science fiction plus vrai que nature. C'était plausible non ? Mais qui aurait orchestré tout cela ? Et pourquoi surtout ? Il n'avait aucun bon ami et ses liens avec sa famille se réduisaient à un simple appel à ses parents pour noël. Quant à son anniversaire, il aura lieu en juillet. Peut-être un collègue alors ? Pour une sorte de séminaire nouvelle génération.

L'idée commençait à plaire au côté cartésien de Wiliam lorsque, d'un geste mécanique, il toucha l'écorce de l'arbre à côté de lui. Aussitôt il retira sa main d'un geste vif. Un frisson lui glissa dans le dos comme un serpent qui se viendrait de se nicher dans sa chemise et il recula d'un bon pas. Il venait de poser ses doigts dans un long et profond sillon qui allait se perdre dans les hauteurs. En prenant de la distance il en découvrit quatre autres parallèles au premier.
Qu'est-ce qui avait pu creuser de telles entailles ? Elles paraissaient tracer par une machine d'une précision incroyable. Mais en même temps que Wiliam se posait la question, une vague image se formait dans son esprit. Celle d'une créature sombre et immense dotée de puissantes griffes.

Le genre de monstre dont la simple existence vous creuse un trou béant dans l'estomac.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 27, 2019 ⏰

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