SAGA de l'Eté_ "Toi, Moi & les Autres"

Réseaux

Un soir de juillet

C'est l'été. Coquillages et crustacés. En voiture, en train, en bateau ou en avion, ils sont tous partis. Avec leur âmes charitables, ces amis m'envoient des bouts de leur bonheur. Je vois le ciel, les cocktails, les marques de bronzage se dessiner, les restos et les soirées s'enchaîner. Je suis réduit au statut de spectateur, un peu voyeur et très envieux, au fond de mon canapé, que je n'ai pas quitté depuis des heures. Le pot de glace vide, à mes pieds. Le Jet lag en pleine face. Ah non, c'est tout seul que je me suis décalé. Il fait jour, puis il fait nuit. Et moi je m'ennuie, je m'invente des vies. Certains en viennent même à se plaindre des ampoules qu'ils ont attrapé au pied lors de cette longue randonnée. Mais "ça en valait la peine" comme ils disent avec leur air niais dans toutes ces stories. Rouge écrevisse ou le teint hâlé. Perso, je suis blanc, comme mes fesses, comme la lune, c'est pareil. Et a priori je vais encore le rester.

Quel grand périple quand je vais de la salle de bain à la cuisine ou du salon à la piscine. Ah bah non, impossible, je n'ai qu'une baignoire. Ça fera l'affaire. Désolé la flamant rose, ce sera pour une autre fois. Je pourrais essayer de le gonfler en soufflant dedans. Cela me prendrait des heures et avant même de flotter, je serai déjà tombé dans les pommes. Pourquoi ne pas utiliser un gonfleur ? Le souvenir de cette crampe à l'orteil est encore trop vif.

Qu'est-ce que je fais ce soir ? Qu'est-ce que je fais demain ? Est-ce que ça intéresse quelqu'un ?

Elles ressemblent à quoi les questions qu'ils se posent, ceux qui vont se prélasser à l'hôtel, au camping, ou dans leur maison sur pilotis dans les îles ? On est d'accord, le sable ce n'est jamais agréable quand tu en retrouves jusque dans ta raie. Et je comprends ce dilemme entre pécho sur la plage ou en boîte. Je comprends aussi que c'est difficile d'aller vers les autres pour faire des rencontres. Mes plantes vertes et moi, on s'entend très bien. Nul besoin de frôler l'infidélité. Et pour le maillot de bain, comment bien le choisir quand ta valise en est remplie ?

De mon côté, j'hésiterai longtemps entre pâte carbo ou pâte bolo, et finirai simplement par m'empiffrer un paquet de Pringles puis de M&M's. Je ne crois même pas que j'ai envie de faire semblant. Je pourrais parfumer tout mon appartement de monoï puis renverser des sacs de sables sur la moquette, coller des grandes feuilles de palmier en plastique achetées chez Gifi, siroter du rhum dans des grandes pailles et mettre une vidéo de huit heures sur Youtube pour le son des vagues en fond.

Mais j'ai quand même quelques occupations. Je descend les poubelles, je pars faire les courses, j'appelle vite fait mes parents: "R.A.S tout le monde est vivant". Papa a tondu la pelouse pour la quinzième fois de la semaine alors qu'elle est grillée depuis trois mois et maman a regardé pour la 100eme fois toutes les saisons de Desperate Housewifes, mais avec le doublage russe et les répliques espagnol. Après ça on pourrait croire qu'elle est devenue polyglotte. Mais c'est l'écran qui préfère la regarder la plupart du temps. Le chien ? Il va bien. Je le sais grâce au 6 photos de lui postées il y a peine deux heures sur son compte Instagram spécialement dédié que maman gère avec passion, évidemment.

Cet été, je ne rentrerai pas chez eux. Pas besoin de leur discours sur la vie, l'argent, le travail, l'amour, les jeunes, la retraite, le linge sale que je laisse traîner, tout comme les poussières qui aiment s'accumuler sur toutes mes étagères. Ils ne savent pas tout. Je ne leur dit pas grand chose. Les conversations ne sont jamais très riches. On survole, sans explorer. On papote, sans vraiment s'intéresser. On échange, sans partager. Ils sont là, et moi aussi. Pourtant nous ne sommes pas ensembles et unis. C'est ainsi. Ce n'est pas grave. C'est sans grande folie.

Alors à quoi j'aspire ? Qu'est ce qui me fait rêver ? De quoi suis-je vraiment capable ? Vais-je un jour, véritablement oser ?

Mes dernières pointes de motivation m'ont permis, ce soir, d'attraper la télécommande, d'allumer la télé, et de trouver une position à peu près confortable entre 4 coussins et deux oreillers.Ces jolies questions resteront en suspens pour le moment, elles sont bien là où elles sont. Personne ne viendra les déranger.