SAGA de l'Eté_ "Toi, Moi & les Autres"

Belle Plante

"Salut les loulou ! C'est Gilou ! Et on est ensemble pendant deux heures avec un maximum de gros sons !"

Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Si c'est pour devenir un idiot de première classe, je préfère grandement le silence. 

La radio. Quand j'étais petit, j'étais un véritable jukebox. Incollable. N'importe quelle mélodie, n'importe quelle voix. Dans ma tête, ça ne faisait qu'un quart de tour. Bien plus efficace que Shazam. Même pas besoin de 4G. Dans le salon, je me connectais sur Deezer (que je prononçais "daïezeur" avec le R anglais) et je dansais. Avec ma soeur, on faisait des portés encore plus audacieux que ceux de Dirty Dancing ou Danse avec les Stars, c'est certain. Dans la voiture, le zapping était de mise. De Virgin Radio à NRJ en passant par Chéri FM et en évitant toujours Skyrock. Les pub étaient le signal d'alerte pour changer immédiatement de fréquences. En une heure, on avait entendu au moins trois fois la même chanson et je trouvais le moyen de chanter un arrangement différent à chaque fois.

Aujourd'hui, c'est moi qui choisit la musique que je vais écouter, l'endroit où je veux aller, le nombre de pause que je veux faire. Je ne suis plus un passager qui contemple la route et qui dort 12 heures sur les 14 heures de voyage.

Aujourd'hui, je n'aurai pas besoin de supporter la voix suave du GPS puisque je ferai confiance aux panneaux. Et je n'aurai envie de taper personne. Ni mes soeurs, ni le siège qui est évidemment aussi confortable qu'un matelas de clous. Pas d'éléments perturbateurs. Juste le soleil dans les yeux lorsqu'il commence à aller réchauffer et éclairer une autre partie de la planète.

Ce départ semble être une décision prise sur un coup de tête. Pour moi, c'est comme une évidence. Je pars sans savoir ce qu'il va se passer, sans penser au retour, sans m'encombrer de pensées qui polluent mon esprit. L'air est nouveau et léger. Dans mon sac, rien n'a beaucoup de valeur. Ce qui compte le plus, c'est celui que je vais retrouver. Avant d'entrer dans une nouvelle forme de réalité, je m'accorde ces quelques heures d'errance. Le passé, je le laisse de côté. Le futur, c'est à deux que j'espère l'écrire alors je ne préfère pas trop anticiper. Quel présent. Le temps s'allonge et autour, tout parait plus simple. Chacun trace sa route. Je n'empiète pas sur celle des autres. Personne ne peut exiger quelconques justifications. Je m'en vais et c'est pour le meilleur. Aucune voix parasites ne pourra me contredire.

"Au fait, tu étais parti faire quoi là-bas ?"

La famille, les amis, ils voudront savoir. Leur regard ne changera rien sur ce qu'il se sera passé. Je n'attends pas de notes ou d'approbation. Je ne joue pas au concours des meilleures vacances. Ma réponse sera brève: "Je suis allé voir ce que c'était de vivre".

Être en accord avec soi-même, ça ne pas de prix. On dirait une phrase de gourou qui fait payer son séminaire au Tibet des milliers d'euros à des bobos richissimes qui ne savent même plus où foutre leur argent. Mais c'est vrai. Oui Monsieur Doutes ? Qu'est-ce qu'il y a Madame Perplexe ? Écoutez, parlez à ma main, elle saura trouver les mots justes. Moi, je m'en fous de vos questionnements. Je m'en suis tout juste débarrassé et je ne suis pas impatient de les côtoyer à nouveau.

Sentir la grandeur, que dis-je, l'infinité de l'espace et du temps. Se rendre compte que nous ne sommes qu'un petit pois dans l'univers. Mais réussir à bouger son derrière pour aller voir ailleurs ce qu'il y a de réellement important. Vous avez cru que j'avais de nouveau revêtu la cape du super Shaman spécialiste en maraboutage ? Mais je ne tomberai pas là-dedans. 

Si je veux avoir de bons conseils à prodiguer à mes petits enfants lorsque je serai devenu un vieux sage perché dans sa cabane au fond de son jardin en Argentine ou en Norvège (j'hésite encore), il faut bien avoir vécu ses propres expériences. Peut-être qu'un jour je serai d'accords avec mes parents ou même ma voisine de palier qui se plaint sans cesse de la pluie ou de la chaleur. En attendant, j'entends déjà mon ventre crier famine (sans oublier ma vessie prête à exploser).