Affairé à se recoiffer, Jules aperçut du coin de l'œil le bâtiment qui était sa destination du jour.
"C'est assez reculé comme coin, commenta la chauffeuse de taxi d'un air curieux. Qu'est-ce que vous venez faire ici ?
- Un entretien d'embauche, lui répondit le jeune homme en lui souriant dans le rétroviseur. Je pense que je vais descendre par ici si cela vous va."
Le sourire charmeur du garçon fit rosir les joues de la femme. Malgré leur différence d'âge et le fait qu'ils ne se connaissaient pas une heure auparavant, ils avaient réussi à entretenir une plaisante conversation tout au long du trajet, elle lui racontant ce qu'était la vie de chauffeuse de taxi, lui lui racontant comment avait été ses vacances en Bretagne.
"Pas de soucis, répondit la femme en s'arrêtant prêt de la forêt. J'ignorais qu'il y avait encore des bâtisses pareilles dans le coin, voire même dans la France entière. Enfin bon, déclara-t-elle en prenant un chewing-gum, je vous souhaite bonne chance ! Je vous attends ici, ne vous en faîtes pas."
Jules lui adressa un sourire nerveux et saisissant son sac, il sortit de la voiture.
Il avait misé énormément sur ce poste et avait fait d'énormes recherches pour satisfaire la personne qui l'embaucherait, soit le plus grand juge de la ville de Bordeaux : Monsieur de Graspied.
Il avait appris notamment que celui-ci faisait parti des rares familles nobles qu'il existait encore dans le pays, qu'il avait fait ses études aux Sciences Politiques de Paris et qu'il était connu pour être juste et impartial, deux qualités absolument essentielles pour être un bon juge, mais affreusement effrayantes pour un futur possible employé. À la moindre erreur, il risquait tout ce qu'il avait mis tant de temps à acquérir.
Pour faire bonne impression, Jules avait enfilé son plus beau costume, un deux pièces beige, simple, élégant et discret. Il avait fait un bond chez le coiffeur pour qu'il fasse la coupe le rendant le plus avenant et efficace possible. Il s'était même légèrement maquillé pour camoufler les traces de la fatigue qu'il avait accumulé ces dernières semaines.
De ses chaussures cirées à sa montre et son sac, il était absolument parfait.Parfaitement conscient qu'une bonne première impression ne faisait pas tout, Jules s'annonça au portail magnifiquement forgé dans un fer épais. Ce dernier s'ouvrit alors que le jeune homme se rappelait ce qu'il devait absolument dire lors de l'entrevue.
C'était loin d'être la première mais c'était à coup sûr la plus importante, puisqu'elle était sa dernière chance.
Désespéré mais déterminé, Jules pénétra l'intérieur du château.
Pierre de Graspied était réellement un homme effrayant. Si sa réputation était impressionnante, sa carrure et son apparence étaient imposantes, quant à sa voix, forte et sans appel, elle ne permettait à personne de le remettre en question.
Dès que l'homme fit son entrée, Jules se sentir absolument minuscule. Son discours se mélangea dans son esprit et il oublia jusqu'à la raison de sa venue jusqu'ici.
"Monsieur Laniard, n'est-ce pas ? demanda de Graspied en tendant la main."
Jules se força à retrouver l'usage de ses capacités cérébrales et répondit le plus poliment du monde en attrapa la main offerte :
"Absolument monsieur, c'est un véritable honneur."
De Graspied lui fit signe de s'asseoir et se saisit du dossier posé sur l'énorme bureau derrière lequel il venait de s'installer.
"Je vous écoute."
Jules s'empressa de se présenter et de vendre toutes les qualités qu'il possèdait qui étaient essentielles pour le poste proposé.
A la fin de son monologue, de Graspied posa ses coudes sur le bureau et croisa les mains."Monsieur Laniard, j'espère que vous comprenez que si vous êtes engagé, je resterai votre employeur ce qui signifie que c'est moi qui vous donne les ordres et qui décide de ce que je ferai de vous, est-ce bien clair ?"
Incertain de ce que cela pouvait signifier, Jules hocha la tête.
"Seriez vous prêt à vivre ici ?
-Totalement.
-Etes-vous sûr de ce choix ? Vous n'auriez que quelques sorties et qui durent peu de temps.
-Absolument certain, monsieur.
-Seriez-vous prêt à garder le silence sur quoi que vous voyez ici ?"
Jules douta un instant. Il n'était pas certain de réussir à cautionner tout ce qu'il verrait, mais il accepta tout de même.
Il se fit congédier et rejoignit le taxi aussitôt, le coeur plus léger.
Il sourit à la chauffeuse et lui demanda généreusement :
"Comment vous appelez vous ?
-Martha, lui répondit la femme en souriant."
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La Mission De Jules
RomanceJules Laniard, jeune homme tout fraîchement sorti de l'école, cherche à devenir avocat. Ne parvenant pas à atteindre son objectif, il décide de commencer à travailler pour Pierre de Graspied, un célébre juge de la noblesse et se retrouve à être l'a...