Draw Me

Chapitre 1

Mon crayon glisse sur le papier avec fluidité. Les traits sont fins, précis, je prends tout mon temps afin de bien faire. Je ne peux me permettre de finir une oeuvre baclée, c'est inconcevable pour l'artiste que je suis. C'est un trait de caractère que je tiens de mon père. Lui aussi est artiste irlandais assez célèbre dans son pays d'origine. Il peint tout ce qu'il peut peindre. La plus part du temps de ma grand mère et de moi, même si je n'aime pas ça. D'habitude, je suis la dessinatrice, les autres sont les modèles, pas l'inverse. Il dit toujours que nous sommes les femmes de sa vie. Avant, il peinait beaucoup ma mère, puis ils ont divorcés, en de bons termes. Il essaye toujours de faire des tableaux qui plaisent mais surtout qui lui plaisent. Quoi de pire que de regarder notre propre création et de se dire qu'on s'est loupé, qu'on aurait, et qu'on devait, faire mieux. Je veux regarder mes œuvres et dire " J'ai assuré ". Mon cœur se gonfle toujours de fierté quand j'admire un de mes dessins. C'est ce pourquoi je dessine. Pour aimer ce que je fais et par conséquent, aimer ce que je suis.

Une bonne partie de ma création est terminée, il ne me reste plus que les yeux, la partie la plus compliquée mais également celle que je préfère car c'est là qu'on retrouve l'âme dans un portrait. Les yeux sont toujours la première chose que nous admirons. Il faut que le regard de mes portrait reflète un sentiment, une émotion.  C'est là que se reflète l'âme des humains. 

J'attrape ma tasse de thé et boit une gorgé comme pour me donner la force et le courage. La boisson chaude coule dans ma gorge. De ma main libre, j'attrape la photo qui me sert d'exemple. Je regarde ses yeux pendant quelques minutes. Chaque détails comptent : la forme, les cils, les paupières,  des éventuels petits plis... Je m'empreigne de ce regard, l'observe, le scrute.  L'émotion que je ressens en le regardant sera l'émotion qui se refletera dans les yeux de mon oeuvre. C'est comme ça que je fonctionne. 

Je pose délicatement la photo sur mon bureau, non loin de moi. J'ingurgite  une dernière gorgée de thé, j'attrape mon crayon de bois et je reprends la confection de mon oeuvre. Je dessine en premier la forme. Des yeux étirés, assez petits. Des longs cils noirs les subliment et leur donnent une profondeur. Je débute l'intérieur des yeux. Je commence par les pupilles, je m'attarde dessus en les coloriant avec mon crayon de bois. J'enchaîne avec l'iris. Je m'applique afin de  lui faire un regard ténébreux et charmeur. Je dessine, je gomme, je recommence puis je gomme une seconde fois. Je n'ai plus aucune notion du temps, je suis obnubilée par le regard que je dessine. Un regard qu'on ne peut se défaire une fois croisé. C'est ce que j'ai ressenti quand j'ai admiré la photo. Bien que je connaisse la personne que je dessine, j'ai toujours eu une admiration pour ses yeux. Ils n'ont pas une couleur extraordinaire; ils sont d'un beau marrons mais beaucoup de choses se dégagent de ces yeux là. Une certaine confiance en soi, un côté rebel, une assurance, un caractère fort. Une certaine force d'esprit émane de ces yeux. C'est ça qui m'a fasciné la première fois que je les ai vu.

Après une deux heures et demi de travail sans pause, juste une petite de cinq minutes le temps de me refaire du thé, j'ai achevé mon oeuvre. Je souffle en souriant. Je balaye mon dessin avec ma main pour faire partie les résidus de gomme puis, je lève le portrait afin de l'admirer. Une mâchoire virile, une bouche charnue et ces yeux envoûtants. Tout, tout est parfait. Je peux affirmer avec fierté que c'est l'oeuvre dont je suis la plus fière. 

Je ne peux détacher mes yeux de Lim ChangKyun