Chapitre 1

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L'ombre se déforme, projetant les moisissures futures qui finiront par désamorcer le vif de sa chair. La nuit dévoile soudain l'éclat d'une lame fatiguée de sang. Un cri. Massue piqueuse. 

Je tire. 

Pour être honnête, je ne me souviens pas du commencement. Mon premier meurtre a, depuis longtemps, été effacé par le suivants. L'intemporalité d'un mode de vie qui ne changera pas. Figé. Sans porter de réflexion aux actes. Survie. Je suis chienne écarlate qui obéit. On m'a élevé pour agir de sang froid. Je tue, j'informe, je dors. Mais je ne suis pas non plus un robot dénué d'humanité ; j'ai des défauts. Disons juste que la vie que je mène me convient. 

L'homme agonise au sol. Quelque soubresauts l'assaillent son abdomen avant que celui-ci finisse par s'immobiliser. Inerte. 

- Je vais me reposer. 

Le jeune homme accepte, comprenant qu'il doit s'occuper du reste. 

- Tu ne te souviens même pas de son nom, pas vrai? demande t-il soudain. 

Je me retourne et me retrouve face à la froideur de ses yeux gris. Impassible. Je hoche la tête. 

- Impressionnant... murmure t-il. Tu as eu une liaison avec lui pendant deux mois, vous avez même vécu ensemble deux semaines et tu... enfin... 

- Une remarque utile ? 

- Non. répond t-il sur la défensive, craintif. 

Je ne relève pas et recommence à marcher. Mais un bruit de balle retenti aussitôt, faisant frémir ma colonne vertébrale d'envie. Ils sont dix. On est deux, ou plutôt un et quelques centièmes, parce que la nouvelle recrue ne vaut sûrement pas grand chose au combat. Celle-ci se fige et court se réfugier derrière moi, révolver à la main. Tremblant. 

- Alors ? On... balbutie t-il, on... fait quoi ? 

Je lui indique l'angle d'un immeuble proche. Il hoche furtivement la tête et s'y précipite. Je m'approche lentement vers le bruit, le doit sur la gâchette. 

- Où est cette salope ?! Elle a sauvé le gamin ! 

Une ombre apparaît au bout de la rue. Je tire. Elle s'effondre. Plus que neuf. Mais mon téléphone vibre soudain. 

OLSE : Dans la gueule du loup Scarlet. Nous avons récupéré l'enfant. Plus d'infos. Communication par puce. 

Je frissonne, les changements de plans de dernière minutes sont certes, très alléchants, mais également très risqués, surtout lorsque je dois me rendre au milieu de psychopathes qui passent leur vie à dealer. Trois silhouettes se dessinent sur les murs. Je fais mine d'être surprise au moment où leurs yeux rencontrent les miens et lève les mains en l'air. 

________

- C'est elle ? 

Je reprends peu à peu confiance sans ouvrir les yeux pour autant. 

- Tu es certain qu'elle aurait pu tuer l'un de nos meilleurs membre ? Mais regarde là ! Elle a l'air tellement... 

La voix est rauque. Gourmande. Humide. 

- Monsieur... Je vous assure que le corps était... 

- Oui, je sais. Tu l'as déjà stipulé dans ton rapport. 

Deux. La voix rauque est celle qui domine. Non. Trois. Quelqu'un est juste derrière moi, à quelques mètres à peine. Sa présence est tellement discrète que j'avais failli ne pas la remarquer. Il se camoufle. Méfiant. Attendant mon réveil. Ce n'est pas le ton roque qui commande, mais la personne de silence qui règne. Il sait que je suis éveillée. Décidant de ne pas m'enfoncer dans ma première erreur, je me force à tousser violemment en ouvrant lentement les yeux.

- Tu es réveillée ? lance le commandant. Apporte lui un verre d'eau. 

Le subalterne s'active aussitôt, nous laissant tous les trois. Il a les cheveux blonds et les yeux bleus. Grand corps musclé moulé dans une chemise et un short. Solide. 

- J'ai quelques questions à te poser, annonce t-il en s'asseyant en face de moi. Alors tu vas gentiment y répondre si tu veux avoir une chance d'y échapper, d'accord ? 

Ma mission consiste à obtenir le maximum d'information possible. Il est donc hors de question de m'opposer à lui pour le moment. J'acquiesce. 

- Bien. Comme tu ne peux pas parler pour le moment, tu vas te contenter de faire oui ou non de la tête. Première question, Samuel Galeo, le garçon que tu as libéré. Tu le connaissais? 

Hocher la tête me mènera directement à l'échec. Ce n'est pas en avouant mon importante place au sein de l'organisation que je vais réussir à obtenir des informations. Me faire passer pour une petite délinquante de bas quartier est bien plus approprié. Je réponds donc au négatif.

- Vraiment ? insiste t-il en posant un couteau sous ma gorge. 

J'acquiesce à nouveau. 

- C'est bon. Intervient enfin le roi. 

La voix est impériale, cassée, froide. Il s'approche de moi et fini par me faire face. On se fige. Refusant de croiser le regard de l'autre. Mon coeur fait un bond. Immense brun aux yeux verts, montagne sensuelle de muscles, jean et débardeur. Bestial. 

- Je m'en charge, finit-il par murmurer après avoir secoué la tête. Prépare la. 

Me préparer ? Pourquoi ? Lisant sûrement l'interrogation sur mon visage, il esquisse un sourire moqueur avant de dire : 

- Un combat se doit d'être mené à bien lorsque l'ennemi est aussi dangereux que toi. On dîne en tête à tête ce soir. 

Par (in)exactitudeWhere stories live. Discover now