Une vie dans une minute

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Diane avait toujours eu le sentiment d'être différente, d'ailleurs on le lui avait fait remarquer assez souvent pour qu'elle n'en doute pas. Elle se souvenait particulièrement d'une anecdote ayant eu lieu au lycée qui l'avait beaucoup marqué. Une de ses amies l'avait présentée comme « l'asociale » à une nouvelle élève.

Elle se rendait bien compte de ne pas être comme ses camarades; elle ne riait pas à leurs blagues qu'elle ne saisissait pas, elle ne s'intéressait pas aux sorties, aux garçons, à l'alcool, ni aux conversations téléphoniques entre filles. Elle vivait ses émotions par procuration, à travers la lecture de livres, le visionnage de séries, l'écoute de musiques en tout genre et l'écriture de poèmes. Et cela lui convenait parfaitement.

Sa propre famille lui reprochait régulièrement sa singularité et son manque de vie sociale. Seule sa grand-mère maternelle semblait plus tolérante, lui offrant souvent l'hospitalité indulgente de sa maison pour la laisser se perdre dans sa bulle imaginaire.

 Cette sensation d'être une étrangère dans un pays étrange s'était accentuée après l'accident qui avait bien failli lui coûter la vie. Une petite voiture rouge, c'était le seul détail qui lui revenait en mémoire, l'avait renversé alors qu'elle rentrait du lycée à pied lorsqu'elle avait 17 ans. Elle avait conservé en souvenir de ce jour, sa montre qui s'était cassée lors du choc,bloquée à tout jamais sur 12h10.

Elle avait, de ce fait, passé la majorité de sa courte vie très seule,car personne ne semblait la comprendre.

Mais cela ne l'ennuyait guère, elle aimait le calme apaisant de la solitude. Et sa marginalité ne l'empêchait pas d'avoir une vie normale. Elle avait suivi des études de comptabilité et avait obtenu un diplôme sans difficulté. Trouver ensuite un poste n'avait été qu'une formalité. Son travail était une véritable passion,les chiffres étaient routiniers, simples, pas de sous-entendu, pas de mensonges. Ce métier demandait de la rigueur et beaucoup d'organisation, deux traits de caractère qui décrivaient bien Diane.

L'entreprise qui l'employait depuis de nombreuses années, était en pleine expansion, lui demandant un travail accru, et des journées rallongées depuis quelques semaines. Elle accumulait les heures de boulot, et ses nuits ne l'aidaient pas à être reposée.

Depuis longtemps son sommeil était empli de rêves très réalistes pour le moins perturbants. Mais plus elle était fatiguée, plus ses nuits devenaient agitées et curieuses. Chaque fois qu'elle s'endormait plus éreintée qu'à l'ordinaire, elle avait la sensation confuse d'être comme consciente de rêver, mais sans réellement se l'expliquer.

Une après-midi alors qu'elle faisait ses courses, son regard tomba sur le stand d'une dame bedonnante aux cheveux gris. Des pierres de toutes formes, de toutes tailles et de toutes couleurs, montées en colliers, bracelets, boucles d'oreilles étaient exposées. Diane se sentit attirée par un bracelet argenté agrémenté de perles rondes bleues translucides.

―Essayez-le, lui conseilla la vendeuse.

Lorsque Diane passa la chaîne à son poignet elle ressentit comme une sorte de vibration apaisante en émanant. Cela la fascina, et elle décida de l'acheter sur un coup de tête, sans même prendre le temps d'en demander le prix, ce qui n'était pas son genre.

― Le bracelet est en argent et les perles en célestine bleue, c'est une pierre qui favorise la clairvoyance et le voyage astral chez les personnes prédisposées, ajouta la marchande, en lui lançant un clin d'œil.

Cette même nuit, elle s'assoupit et fût transportée en un éclair dans un songe tout à fait ordinaire. Elle était au téléphone avec sa grand-mère qui l'invitait à passer la voir, quand l'évidence la frappa. Cela ne pouvait être la réalité, à cette heure de la nuit bonne maman devait dormir profondément. Elle était donc forcément dans un rêve. Un rêve lucide. Diane essaya de bouger,mais elle resta clouée sur place, incapable du moindre mouvement.Effrayée et désorientée par ce lieu inconnu, elle ordonna aussi fort qu'elle le put à sa conscience de se réveiller. Et alors qu'elle sentait un frisson parcourir tout son corps, ses yeux s'ouvrirent enfin. Elle constata qu'elle n'avait pas imaginé cette chair de poule qui recouvrait encore ses jambes.

Une vie dans une minuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant