RAKUEN

Chapitre VIII

    Elise était sortie de l'hôpital le soir même avec une drôle de sensation. En effet, après les révélations de Julien, elle ne se sentait plus pareil qu'avant. Elle avait l'impression d'être une toute autre personne, comme si elle était repartie de zéro mais pas de manière positive. La brune se sentait constamment observée, même chez elle. Il n'y avait pas un endroit où elle se sentait “libre”. Elle n'avait aucun moment de répit, elle avait toujours l'impression que sa vie était diffusée en direct devant la Terre entière. Fur apparaissait dans presque tous les rêves d'Elise et à chaque fois c'était le même scénario ; il cherchait à l'attraper, à lui faire du mal. Les premières nuits, elle arrivait à lui échapper, mais plus le temps passait et plus sa capacité à s'éloigner de lui diminuait. Une nuit, le démon avait même réussi à l'attraper et depuis, en rêve, elle se voyait dans une sorte de salle de torture dans laquelle l'être démoniaque la frappait, la fouettait ou bien l'épuisait mentalement.

    La jeune fille avait peu à peu sombré dans la dépression, elle ne sortait plus, elle ne souriait plus, elle ne pleurait plus, elle ne parlait plus, elle se nourrissait à peine. Elle n'avait aucun moment de répit. Elle avait peur de s'endormir, de retrouver la silhouette effrayante du démon, d'entendre sa voix lui murmurer des choses horribles dans les oreilles. D'horribles cernes s'étaient installés sur son beau visage et sa peau qui était déjà pâle avait presque tourné au gris clair. Ses joues s'étaient creusées dû à son manque d'alimentation et ses belles boucles brunes étaient devenues semblables à un amas de brins de paille gras et en bataille.

    Cela faisait maintenant plus d'un mois qu'Elise était sortie de l'hôpital et, bien que sa semaine de renvoi était terminée, elle n'était pas retournée en cours. Sa mère avait bien voulu mentir en prétextant une maladie grave qui exigeait un arrêt maladie prolongé, mais ce mensonge n'allait pas tenir longtemps.

    La collégienne voyait toujours Evan, ce venait la voir souvent en essayant de lui faire penser à autre mais c'était peine perdue. La brune échangeait aussi de temps en temps quelques messages avec Julien qui, lui, savait mieux la rassurer, puisqu'il endurait la même chose qu'elle depuis ses quatre ans. Les deux collégiens s'étaient rapprochés depuis l'anecdote de l'hôpital et la jeune fille aux yeux verts se sentait plus à l'aise avec le roux qu'avec leur ami blond, pour la simple et bonne raison qu'ils traversaient la même chose.

    Un jour, Elise était assise devant son ordinateur et regardait un film sur Netflix, sans vraiment écouter ce qu'il se passait. Sa mère était partie tôt le matin, comme d'habitude. C'était une journée normale, la jeune fille avait fait une nuit blanche, comme d'habitude depuis quelques temps. C'est alors qu'elle entendit quelqu'un sonner. Sans savoir pourquoi, elle sortit de sa chambre, traversa le couloir et alla à la porte d'entrée. À peine eut-elle ouvert qu'un ouragan roux lui sauta dessus, refermant la porte à toute vitesse.

    – Qu'est-ce que t'as, Julien ? demanda Elise d'une voix impassible.

    Le collégien s'écarta de son amie en reprenant tranquillement son souffle. Contrairement à elle, Julien était beau et ses cheveux roux étaient bien coiffés, malgré quelques épis qui n'en faisaient qu'à leur tête. Ses yeux clairs d'habitude habités par la peur et la tristesse brillaient d'espoir et ce regard toucha profondément la brune. C'était comme si les yeux clairs de son ami pouvaient la transpercer.

    – Je… j'ai trouvé une solution pour ton problème, déclara-t-il.

    Pour la première fois depuis longtemps, les yeux émeraude d'Elise reflétèrent de l'espoir et une douce chaleur envahit son cœur qui était devenu froid. Elle s'avança timidement vers Julien et le prit dans ses bras. Le garçon fut surpris par ce geste soudain mais enlaça à son tour son amie.