Silence

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Mutez-moi dans le silence et tout de moi disparaîtra. C'est m'enfermer que de me taire, c'est m'alliéner que de m'empêcher l'art de parler; car il est mon être et mon peut-être, il représente mes semblants et mes violences. Et ma langue qui se délie, c'est l'oisillon qui tombe du nid; c'est l'hécatombe qui sombre dans l'oubli, c'est mes vengeances dans le déni, qui doucement s'endorment puis s'éloignent de mon esprit. Et quand assoupie je me tais, tout parle toujours autour de moi; rien ne dépend de qui je suis, ni même de ce que je dis; mes paroles peuvent être bues, bien que ce ne soit pas le but, elles peuvent s'ancrer dans les souvenirs de ceux qui les écoutent, mais jamais, à elles seules, ne changent-elles le monde. Car rien ne s'étend, et tout pourtant cesse; ou peut-être est-ce l'inverse, ma réflexion semble me perdre mais la finalité reste la même. Car les paroles seules ont l'allure miraculeuse, leur mélodie est aguicheuse; mais elles ne sont que promesses jetées au vent qu'il nous revient d'attraper dans nos élans; ces élans qui nous animent mais qui s'éteignent après la poussée d'adrénaline. Nos responsabilités ne sont jamais prises; on les ignore, on les froisse et on les exaspère jusqu'à la dernière. Mais elles demeurent, elles doivent être faites; tout s'effondre si on les délaisse. Affairez-vous, tuez-vous à la tâche; car si vous demeurez, vous serez tués quoi qu'il adivenne; votre labeur est salvateur, rendez-vous compte de la valeur de ce que vous détruisez. Et si vous ne le faîtes, vous terminerez ombre perdue dans l'étendue des tombes qui jonchent outrageusement le sol sous vos pieds, vous ne serez que fragment de néant dans l'immensité de l'océan; vous n'êtes rien sans tout le reste, ne vous permettez pas d'agir au détriment de vos semblables ni même de vos ennemis ou de ceux que vous assiégez déjà; en fait, sachez qu'aux yeux du Monde vous n'êtes rien: rien tout court, et rien tout simplement. Vous n'êtes que par votre action; vous n'êtes que par ce qu'on voit de vous, que par ce que vous apportez, ce que vous épargnez ou secourez; soyez pour ceux qui sont, et soyez pour ceux qui ne sont pas. Soyez pour vous. Car vous êtes pour vous-même tant de choses que vous n'êtes pas pour les autres, car vous avez tant à apporter malgré si peu de volonté, car les raisons sont multiples, et bien que souvent indécentes, elles existent et résident là où vous seuls savez; partez à leur recherche et quand vous les trouverez, offrez-les à votre entreprise qui n'attend que ça pour crier victoire. Puisqu'essayer est un pas vers la réalisation de ce désir et de cette motivation, se taire, attendre et s'écarter de l'Agir est une chute dont on ne se remet pas, c'est une douleur qui terrasse et qui appelle à la léthargie; celle qui détruit, doucement, à petit feu; à coups d'ardeurs meurtries. Et cette bête noire n'attend que votre chute, c'est celle qui vous traque tard le soir, durant vos heures les plus sombres elle vous chasse; et vous la laissez faire si vous ne combattez pas ce qui l'attire, et vous vous laissez faire si vous vous confortez dans ses attraits.

Et maintenez, je vous prie d'écouter... Ce silence qui s'éternise vous hurle de le briser.

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⏰ Last updated: Sep 30, 2019 ⏰

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Mémoires d'une terrienne dévastéeWhere stories live. Discover now