Chapitre 1

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I)

-Hey, petite.
Par la vitre ouverte, l'automobiliste fit signe d'un signe de la tête à Ophélie qu'elle pouvait traverser.
Il avait fallu que passent, elle les avaient comptées, dix-sept voitures pour que quelqu'un daigne enfin lui céder la priorité.
L'après midi touchait à sa fin. Sa mère lui avait demandé d'aller chercher ses cigarettes et de faire un saut à la pharmacie pour chercher ses anxiolytiques prétextant avoir encore mille choses à faire avant le diner.

Ophélie pensa à un gâteau. Peut être des décorations, et Maman aurait invité son amie Chloé pour lui faire la surprise, parce qu'aujourd'hui c'était son anniversaire. Elle avait 6 ans.C'était un âge où on commençait à avoir un peu de responsabilité. Comme les courses que Maman venait de lui confier, même si ce n'était sans doute qu'une ruse.
Pour cette première fois, elle lui avait donné un petit porte-monnaie rayé des couleurs de l'arc en ciel que la petite s'était fièrement empressée de mettre dans la poche de son pantalon rose avec des fleurs brodées sur la jambe gauche. Dedans, maman avait mis un petit billet et la liste histoire qu'elle n'oublie rien. Elle lui avait expliqué qu'elle avait tout de même pris soin d'appeler la buraliste et le pharmacien pour leur dire que c'était sa fille qui allait venir à sa place et qu'elle allait sans doute avoir besoin d'un peu d'aide pour cette première fois. C'était comme ça, maman s'assurait toujours que tout se passe pour le mieux.
6 ans déjà. C'était le deuxième anniversaire qu'elle fêtait depuis que papa était parti. Elle essayait de ne pas trop y penser.
Le bureau de tabac et la pharmacie n'étaient pas loin de la maison. A vol d'oiseau, 300mètres environ étaient à parcourir. Mais il y avait la route.
-Tu attendras bien d'être sûre qu'il n'y ait plus de voiture d'un côté et de l'autre avant de traverser, lui avait répété maman. Rester vigilant, c'est avant tout savoir rester en vie.
D'un signe de la main, elle remercia le chauffeur et s'engagea pour traverser la chaussée après s'être assurée qu'aucune voiture en face ne vienne la bloquer en plein milieu de la route.
Arrivéeau bureau de tabac, elle poussa la lourde porte en fer. Une clochette tinta qui fit se retourner vers elle les joueurs qui remplissaient leur grille de loto et la vieille dame qui achetait le journal.
Tout le monde la salua poliment. Ophélie leur répondit d'un signe de la tête.
Derrière son comptoir, Jenny torturait un chewing-gum, à moins que ce ne fut l'inverse, en tentant de faire des bulles le temps que la vieille finisse de compter sa ferraille pour la payer. Le sourire qu'elle adressa à Ophélie semblait lui dire "Oh, merci... Merci d'être arrivée parce que là je commençais à devenir folle...".
- Salut Ophélie. Tiens, j'ai préparé la commande de ta maman.
Elle lui donna un sachet en papier kraft qui contenait quatre paquets de cigarettes. Ophélie farfouilla dans son petit porte monnaie.
-Laisse. Elle me règlera la prochaine fois.
Ophélie ne le savait pas, mais le docteur avait chargé un peu plus le traitement de Maman. Maman avait appelé surtout pour s'arranger avec Jenny, car elle avait peur que les médicaments ne coûtent bien plus cher que la maigre part qu'allait prendre en charge la sécu. Il ne lui restait que le billet qu'elle avait confié à sa fille. Le reste avait servi à lui acheter le cadeau qu'elle avait pris pour son anniversaire.
Elle lui avait acheté un violon.
Il leur arrivait souvent de passer ensemble devant le magasin de musique, et Ophélie restait en admiration devant la vitrine. Elle lui avait à plusieurs reprises désigné l'instrument du doigt. C'est que ça devait forcément lui plaire. Et puis, le psychologue avait dit avait dit à sa mère que cela ne pouvait lui faire que du bien pour l'aider à s'exprimer.
Elle n'avait pas pu lui acheter celui de la vitrine. Son maigre salaire de caissière ne lui permettait pas cette folie. Mais elle en avait trouvé un joli d'occasion, pas trop abimé. Et au magasin, ils avaient accepté de l'accorder gratuitement quand ils avaient appris que c'était pour une occasion spéciale pour « la gamine de la vitrine » comme ils l'appelaient, car ils la voyaient souvent.
Ophélie ne s'attendait certainement pas à cela. La surprise serait totale.
Elle rangea le porte-monnaie dans sa poche avant d'attraper le sac contenant les cigarettes et de remercier d'un nouveau signe de la tête.

Chapitre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant