Les mots sont durs. Les mots sont durs ce soir.
Dans cette soirée d'automne, les goûtes tombent du ciel pour venir gouter à l'enfer sur Terre.
Cette Terre si fade.Il n'y a pas d'étoile ce soir. Il y a juste notre colère. Ou notre tristesse. A toi de me le dire. Tu es là. A côté de moi. Mais c'est comme si nous étions des étrangers l'un pour l'autre.
Remarque-moi. Regarde-moi. Dis-moi des choses belles. Qui feront reconstruire mon cœur. Comme des jolis mensonges.Ma tête tombe contre la vitre glacée, ça fait du bruit. Mais pas assez pour que tu te tournes vers moi. Qu'est-ce que je dois faire pour ça ?
La pluie continue de tomber. Les larmes ont envie de couler.
La radio s'allume, puis s'éteint."Je n'ai jamais voulu te faire de mal."
Ta voix se casse dans l'habitacle. Mes larmes ne coulent pas. Elles en ont plus envie.
Je me tourne vers toi, mais tu regardes la pluie tomber.
C'est peut-être pour ça que nous en sommes là. Tu faisais attention aux choses futiles."Regarde-moi."
Tu l'as fait, au bout de sept secondes. Sais-tu comment c'est long, sept secondes ?
"Je crois que c'est fini.
-Je crois aussi.
-Mais je crois que je ne peux pas te laisser tomber.
-Je le crois aussi."
La radio s'allume, puis s'éteint. Tu ne dis rien.
Je tends mes doigts, qui viennent chatouiller ta peau. Mon pouce retrace tes fossettes que tu ne montres plus.
Et ça me fait doucement peur.Je me souviens de la première fois que tu m'as vue. C'était ici. Dans ma voiture grise, pas forcément classe. Il pleuvait comme il pleut ce soir. Je t'avais proposé de monter parce que tu n'avais pas de parapluie. Et je l'avoue, surtout parce que je te trouvais beau.
Oui, tu es beau.
Tu es beau Namjoon.
Tu étais magnifique, tellement que tu as chassé la pluie dans ma voiture. Parce que oui, j'étais tellement triste qu'il s'était même mis à pleuvoir à l'intérieur de l'habitacle.
Tu te souviens de ce que tu m'avais dit ce soir-là, quand je me suis mis à pleurer ? Tu t'en souviens ?Arrête de pleurer, tu n'auras plus de larme quand je te ferai pleurer de joie.
La radio s'allume, puis s'éteint. Tu souffles un peu.
Je me souviens de la première fois que tu m'as embrassé. C'était ici. Dans ma voiture grise, pas forcément jolie. Il pleuvait comme il pleut ce soir. Je t'avais déposé chez toi après une soirée dans un bar, parce que tu m'avais dit ne pas avoir de voiture. Et je l'avoue, surtout parce que je te trouvais intéressant.
Oui, tu es intéressant.
Tu es intéressant Namjoon.
Tu étais intelligent, tellement que je ne comprenais pas certains des mots que tu prononçais, mais je n'avais pas envie de te couper. Parce que oui, tes paroles me rendaient ivre. De joie. Et ça a rempli l'habitacle.
Tu te souviens de ce que tu m'avais dit ce soir-là, quand je me suis mis à pleurer de joie ? Tu t'en souviens ?Arrête de pleurer, tu n'auras plus de larme quand je te ferai pleurer d'amour.
La radio s'allume, puis s'éteint. Tu serres les poings.
Je me souviens de la première fois que tu m'as fait l'amour. C'était ici. Dans ma voiture grise, pas forcément confortable. Il pleuvait comme il pleut ce soir. Je t'avais demandé de rentrer après avoir était au cinéma avec toi, parce que j'avais un truc important à te dire. Et je l'avoue, surtout parce que je t'aimais.
Oui, je t'aime.
Je t'aime Namjoon.
Je te désirais, tellement que j'ai commencé à te déshabiller en te répétant sans m'arrêter que je te suivrais n'importe où, tant qu'on sera ensemble. Parce que oui, tout de toi me rendait fou. Et la folie s'était répandue dans l'habitacle.
Tu te souviens de ce que tu m'avais dit ce soir-là, quand je me suis mis à pleurer d'amour ? Tu t'en souviens ?Continu de pleurer, parce que c'est l'amour qu'il y a dans ces larmes qui est magnifique.
La radio s'allume, puis s'éteint. Ça t'agace.
J'ai tellement d'autres souvenirs, mais je n'ai pas envie de les dire à haute-voix. Parce que tu les connais déjà, et que je n'ai plus la force. Je n'ai plus la force de voir tout ce bonheur.
Et j'essaie de ne pas me souvenir de la première fois que tu es rentré énervé. C'était ici. Et ça le sera toujours. Dans ma voiture grise, miteuse. Il pleuvait un peu moins fort ce soir-là.
Et je ne me souviens plus de la suite. Parce que je n'ai pas envie de voir comment tout ça a commencé.La pluie continue de tomber. Mes doigts se crispent sur le volant, même si la voiture est à l'arrêt. J'ai tellement envie de pleurer.
Nous sommes le dix-huit septembre.
Et quelque chose est en train de se terminer.La radio s'allume, puis s'éteint. Tu râles.
Tu ne dis toujours rien. J'ai envie de dire certaine chose mais je ne le fais pas.
"Embrasse-moi."
Ça avait été un appel à l'aide je crois. Ce que j'avais dit, c'était retourné en supplication.
Mais tu n'as toujours rien dit.
Tu n'as toujours rien fait.Alors mes larmes coulent, parce qu'elles en ont marre de rester là où elles sont, emprisonnées dans quelque chose qui ne leur conviennent pas. Elles l'avaient bien compris elles.
Mes sanglots font du bruit dans le petit espace, mais tu ne te retournes pas.
Tu ne te retourneras plus alors ? Tu me laisses tomber ?La radio s'allume, puis s'éteint. Tu abats ton poing contre le récepteur, mes larmes tombent encore plus vite.
Et là, tu te mets à brailler comme si tout était la faute de cette pauvre radio.
Mais, es-tu sur que c'est de sa faute ?
Est-ce de sa faute si tu ne veux plus me parler, me regarder, m'embrasser ?Mes mains lâchent le volant, et viennent cacher mon visage.
Ce n'est pas comme si tu voulais le voir.Cinq minutes après, tes sanglots se mélangent aux miens.
La première fois, que je te vois pleurer. C'est ici. Dans ma voiture grise, qui va bientôt rendre l'âme. Il pleut toujours aussi fort. Ça s'écrase contre les vitres. Ça fait du bruit.
Et c'est peut-être aussi, le bruit de mon cœur qui se brise.Embrasse-moi. Pour notre dernier baiser. Une dernière fois.
Tes pleures se calment, les miens aussi. Et bizarrement la pluie aussi.
Les gouttes ne s'écrasent plus contre la voiture, elles font le chemin inverse. Elles remontent au ciel mystérieusement.
Peut-être ont-elles trop peur de survivre une fois sur Terre ?Je tourne la tête vers toi. Alors tu me regardes.
Et je sais que tu vas faire quelque chose. Tu vas faire quelque chose, là, dans quelques secondes.Je t'en supplie, une dernière fois. Embrasse-moi. Le baiser du 18.
La radio s'allume, puis s'éteint. Et il n'y a plus rien.
Tu tournes la tête, tu ouvres la portière et tu t'en vas.
Tu t'en vas, dans la nuit, sous la pluie et on s'oublie.Il n'y aura pas de dernier baiser. Tu me laisses tomber. Dans une soirée d'automne.
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