Le conte

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Il était une fois une petite statue vivant dans un marais.

L'endroit n'était ni putride ni effrayant, au contraire il y poussait maintes plantes des eaux, roseaux et nénuphars, saules pleureurs et menthe aquatique. C'était un joli endroit, à la terre brune et sans cesse humide, mais qui causait bien des tourments à la petite statue.

En effet le cristal dont elle était faite était une fragilité inquiétante, le moindre choc, le moindre bruit brusques menaçaient de le fendiller. Devait alors s'en suivre une longue période de convalescence durant laquelle elle devait s'enfermer chez elle, sans un bruit et sans personne.

Or le marais était grouillant de monde et de son.

Le croassement soudain des grenouilles.

Les bousculades sur la grande place du marché

Le vrombissement des libellules.

Les habitants sans cesse en mouvement sur les petits sentiers.

Le cliquetis de mille et une gouttes d'eaux tombant du ciel.

Alors la petite statue sortait peu de chez elle et, ma foi, cela lui convenait fort bien.

Mais un jour, alors qu'elle faisait ses emplettes et qu'elle se retrouva ballottée dans une foule compacte elle se heurta à une statue. Son cristal tinta comme une clochette, et une minuscule fissure apparu à l'endroit du choc mais l'individu, loin de l'ignorer, s'excusa d'une voix douce et s'inquiéta de son état.

C'était une statue à l'allure solide, faite d'une roche grise nervuré de partie plus sombre lui donnant un air de zèbre. Elle s'avéra si gentille et si douce que notre petite statue de cristal l'invita jusqu'à sa maison pour déguster un chocolat et quelques gâteaux.

Ainsi naquit une amitié qui réjouit la statue.

Enfin elle avait quelqu'un a qui parler, quelqu'un qui la comprenait et qui prenait garde à sa fragilité. Elle revivait et, chaque jour qui passait était dédié à entretenir cette formidable relation. Son ami avait de nombreux soucis et elle découvrit rapidement que la vie n'était pas plus douce avec elle qu'avec lui.

Ainsi il fallait l'aider dans moult tâche et la petite statue s'en faisait une joie sans borne.

Du matin au soir elle courrait, courrait.

Les courses.

La vaisselle.

Le ménage.

Apporter réconfort et mouchoir.

Les mois passèrent ainsi et le plaisir se changea peu à peu en labeur.

La petite statue remplissait désormais chaque tâche comme une besogne, elle s'emmêlait, faisait des erreurs, pleurait souvent.

Quand cela arrivait elle cherchait en vain l'aide de son ami, lui demandant de l'aider comme elle l'aider depuis des mois.

Mais rien ne se passait jamais.

La statue de pierre finissait toujours par se transformer en une tempête de colère, qu'y pouvait-il donc lui ? Lui qui était si fatigué, qui faisait tant et tant de chose pour la petite statue de cristal?Après tout elle était comme les autres, égoïste, méchante et n'en ayant pas grand-chose à faire de lui.

Dans ces moments les nervures sur sa peau formait autour de lui une armure noire, comme mille et une main prête à frapper la petite statue de cristal qui ne pouvait plus retenir ses pleurs et dont la peau se fendillait.

Chaque matin, elle avait de plus en plus de mal à se lever.

Ses fissures devenaient plus profondes, elle n'avait plus le temps de guérir entre deux crises de colères et son ami s'éloignait. Cela, encore plus que ses blessures, la remplissait de douleur. Alors elle essayai, encore et encore, d'apporter son aide.

Elle essayai si fort que son esprit commença lui aussi à se fendiller, de brisure invisible qui faisait naître devant ses yeux des images horrifiantes, des poissons aveugles nageant dans l'océan que devenait sa chambre et la tourmentant sans cesse et sans cesse.

Et plus le temps passait, plus elle se transformait elle aussi, finissant par ressembler à un être aussi horrible que la statue de pierre.

Un matin, croisant son reflet dans le miroir du manoir de la statue chez qui elle habitait désormais, elle hurla, ce ne pouvait pas être elle ! Elle faisait si peur, elle était si monstrueuse et son corps, ses fissures, elle n'était plus qu'une immense fissure.

Terrorisée elle s'enfuit en courant et, sur le chemin menant à son ancienne maison, trébucha et tomba sur une racine.

Le choc acheva de creuser les fissures en elle et son corps se brisa en une multitude de morceau.

Cela aurait pu être la fin de l'histoire de la petite statue.

Mais, par un hasard et une chance qui n'arrivent qu'une fois dans une vie, le jour de cette fuite était également le jour durant lequel un petit robot, peintre à ses heures perdues, venait au Marais acheter ce qu'il lui fallait en accessoire de dessin et en couleurs pour tenir tout un mois.

C'était un robot à l'air fatigué, rouillé aux coudes, genoux et cou si bien qu'il grinçait beaucoup, mais son cœur, lui, était encore aussi étincelant que le jour de sa naissance.

Il trouva la petite statue sur le sol, brisée en un si grand nombre de morceau que même le champion du monde des puzzles n'auraient rien pu faire pour elle.

«Est-ce que je peux t'aider ? »

Il était convaincu que non.

Une larme roula d'un des yeux de la statue.

«Je ne peux pas l'aider »

Pensa le robot.

«Je ne peux pas l'aider. »

Pensa le robot en ramassant les divers morceaux de son corps.

«Je ne peux pas l'aider ».

Pensa le robot en ramassant les divers morceaux de son corps et en l'amenant jusqu'à chez lui, une petite chaumière au bord de la mer.

Durant le mois qui suivit, il pensa beaucoup ces mots.

Il n'y connaissait rien en statue et encore moins en cristal.

Mais tout les jours, un peu le matin et un peu le soir, il s'attelait à reconstruire la petite statue.

Petit morceau par petit morceau.

Dès qu'elle pu de nouveau parler, ils eurent de longues conversations.

Le robot n'était pas du genre bavard, il pleurait aussi beaucoup, mais il appréciait le babillement de la petite statue et elle aimait son rire, sa passion et son art.

Une fois son corps reconstruit, il combla les quelques vide avec des cristaux trouvaient sur la plage.

«Ils ne sont pas aussi beau que...enfin...que toi...mais... »

C'était parfait.

Ils brillaient un peu fort à la lumière du soleil et leur couleur tranchaient avec le reste de son corps mais la petite statue les aima beaucoup.

Le jour arriva où elle fut réparée, pas comme neuve, un peu éloignée de ce qu'elle avait été avant, mais elle se trouvait parfaite. Néanmoins une peur la rongeait au fond d'elle, une peur qui se nommait « Et maintenant ? ». Le robot avait été d'une gentillesse qu'elle ne pouvait même pas imaginer, mais, et maintenant ? Et si maintenant cela devait comme avant ?

Le temps se chargea de balayer ces doutes.

Le matin la petite statue glissait de l'huile dans les articulations de son robot, et lui polissait doucement son cristal. L'après midi il peignait la mer tandis qu'elle s'amusait dans le sable, enfin une surface ou elle pouvait tomber sans se faire mal. Elle lui préparait des tartes et des gâteaux, il lui aménageait la petite chaumière pour que rien ne puisse lui faire de mal.

Ils étaient heureux.

La statue aux fissuresWhere stories live. Discover now