CHAPITRE 2 : LE PARC

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Bras dessus, bras dessous, deux adolescentes entrèrent en devisant joyeusement dans le parc Marceau. Emma et son amie Chloé se trouvaient accompagnées de Joanie, la maman de la première, et des garçons de la famille, Lucas et Adanhael.

Poursuivant un ballon, les enfants du quartier les dépassèrent en criant. Lucas, cinq ans tout au plus, s'empressa de les rejoindre. La mère et les deux jeunes filles gagnèrent un espace aménagé pour les pique-niques, car des tables s'offraient aux visiteurs. Elles en choisirent une et Joanie déposa un fourre-tout sur le plateau en pin. Elle retira une bouteille du sac et versa un peu de jus de pommes dans la gourde que lui tendait Adanhael. Ce dernier retournait à Chloé les regards sombres qu'elle lui adressait.

Un jeu que pratiquaient quatre adolescents intriguait Adanhael. Il se rapprocha d'eux, son récipient en bandoulière. Les jeunes gens jetaient de longs dards multicolores sur ce qui lui paraissait être une cible : un panneau de bois, fixé sur un tronc, alternant des bandes peintes en noir ou en blanc. Comme un pyjama.

Les joueurs ne maîtrisaient pas assez bien leurs projectiles. La plupart de ceux-ci se plantaient sur le pourtour du plateau rond. Une fléchette s'enfonça très près du centre de la cible. Cela déclencha un cri de joie du tireur qui se mit à sautiller sur place en tournant sur lui-même. Son adversaire haussa les épaules en tordant la bouche. Il s'essuya les mains sur son jean, dégagea une fléchette de la poche arrière de son pantalon et inspira profondément. Soudain, il lança son projectile avec force dans un geste très technique. Du moins, le pensait-il. La fléchette passa à côté de la cible : elle se planta dans une énorme racine qui saillait du sol à quelques mètres derrière le chêne.

Adanhael pouffa de rire. L'autre le fustigea du regard en s'avançant vers lui. Il fixa la fourche en bois glissée en travers de la ceinture de l'enfant.

— Tu sais t'en servir ? maugréa-t-il en tendant son doigt vers le morceau de branche en Y.

— Mon lance-pierre ? Bien sûr.

L'adolescent ricana méchamment en haussant les épaules. Blessé par le rire incrédule de son interlocuteur, Adanhael lui suggéra de le mettre à l'épreuve. Le joueur de fléchette lui proposa de tirer sur son plateau, mais Adanhael refusa, car sa bille pouvait briser la cible. Et puis cela lui semblait trop facile. Il leva sa main et pointa son index en direction du feuillage d'un arbre.

— Je vise ce gland.

— Quoi ? Lequel ? Il n'y a que ça dans un chêne.

— Celui qui remue avec le vent. Le jaune et marron clair. Regarde, le tour de son chapeau est vert.

Scrutant les branches, son interlocuteur dodelinait de la tête. Finalement, il remarqua un misérable fruit qui pendait, solitaire, sous l'épaisse ramure et donna son accord. Adanhael défit le gros caoutchouc enroulé à la base de la poignée de son jouet. Ensuite, il déposa un caillou rond dans le petit carré de cuir. L'enfant tendit progressivement l'élastique en regardant froidement le jeune homme. Soudain, il dirigea son lance-pierre en direction de sa cible et ses doigts lâchèrent la bille. Un bruit sec et le fruit disparut, propulsé par le projectile dans un roncier. Tout cela se déroula le temps d'un battement de cils.

— Un coup de chance, grogna l'adolescent. Avec tous les glands qui sont dans les branches, c'était obligé que tu en touches un.

— N'importe quoi. Même avec votre jeu, je serais meilleur que vous.

— Tu as déjà essayé ?

Adanhael hocha la tête négativement et tendit la main.

— Il faut des heures et des heures d'entraînement pour devenir bon.

ADANHAELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant