Lady Nephtys

Chapitre 1

Tard dans la nuit, quand seules les lumières tremblotantes des lampadaires éclairaient encore les ruelles sombres, une rumeur courait dans la ville, s'infiltrant sous les portes, se logeant dans les paroles des marins, répandant son souffle dans les vapeurs d'alcool des auberges. Une vieille histoire, une légende presque oubliée qu'on osait à peine évoquer et qu'on murmurait à son voisin dans un flux sans fin, comme si les secrets prenaient vie et cherchaient à se répandre. L'atmosphère froide et grise de ce village côtier d'Angleterre était alors éclaboussée par des éclats chatoyants venus de contrées lointaines, tournoyants dans une brise chaude chargée de sable et de merveilles. Les yeux des pêcheurs s'illuminaient et s'y dessinait le reflet d'un or lointain chargé de mystères. Des conjectures étaient alors lancées, un vent d'aventure réveillait le cœur des marins et des projets s'esquissaient, de ce flou cotonneux émergeait une piste, on pouvait trouver un équipage, le lendemain pouvait être le début d'une nouvelle vie, des itinéraires se construisaient et le rêve si longtemps amorphe semblait prendre vie dans ce crescendo d'énergie. Puis, doucement, la lueur faiblissait, le mirage se disloquait dans l'air marin, se mêlait à la conversation sur la disparition des poissons mainte fois répétée, et sans remous, le songe replongeait dans l'océan des obligations de la vie, les esprits s'échauffaient, une bagarre éclatait et la magie créée par cette folie des merveilles disparaissait, emportée par le souffle du soir. Si les bribes du rêve hantaient parfois les nuits profondes des marins, elles leurs échappaient dès le chant du coq aux premières heures de l'aube, et seul dans l'esprit des jeunes enfants miroitaient encore les images bariolés et ondoyantes de ces légendes exotiques qu'on leur contait pour les endormir.