Prologue - Iel s'appellera Ravel

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C'était un jour des plus ordinaires dans la Jungle de Golmore. Un jour parmi tant d'autres où l'aube avait distillé ses faibles rayons sur la futaie des arbres millénaires, faisant briller une myriade de gouttelettes de rosée sur les feuilles, l'écorce, les buissons et la mousse de la forêt.
A l'ouest, dans le désert de Dalmasca, il faisait déjà aride, mais ici... ici, au hameau, la fraîcheur n'était pas prête à quitter le couvert des arbres. La pénombre n'avait pas tout à fait détaché ses silhouettes élastiques des habitations à même les troncs que déjà, les premières chasseuses s'extirpaient de leurs lits douillets pour s'aventurer dans les bois.


Elles n'avaient pas accordé la moindre attention aux halètements qui provenaient d'une maison voisine.

Les chants des oiseaux diurnes remplaçaient peu à peu ceux des nocturnes non sans laisser un silence avant d'entamer leur partition. Certains disaient que c'était un instant de calme absolu entre le monde de la nuit et celui du jour, qu'il y avait toujours quelques instants de battements. C'était comme ça, ainsi était faite la nature. D'autres, en revanche, avaient une pensée bien différente. Les Vieras du clan Rava, notamment, aimaient à dire qu'il s'agissait d'une forme de respect. Les oiseaux du jour attendaient patiemment que les insectes et autres crapauds aient terminé leur concert, avant d'entamer une nouvelle symphonie.

Et ce silence, ce soupir entre deux notes, Eirin aimait beaucoup l'écouter. Elle écoutait le silence, Eirin, elle était comme ça. La jeune viera était sortie avant l'aube. Sa mère était essoufflée et on lui avait demandé de lui laisser un peu d'air. Ça ne la dérangeait pas. Elle partait souvent retrouver l'équipe de nuit d'arboriculture avant qu'elles n'aient terminée leur faction. Parfois, elle restait même perchée sur une branche haute, sans même s'annoncer et les observait soigner les arbres. Elle était fascinée par la façon dont ces aînées semblaient comprendre ces géants de fibres d'un simple toucher.

Et quand le silence s'effondrait de tout son poids sur la forêt, Eirin cessait de respirer. Elle se tendait, son petit museau sombre levé vers la futaie. Le soleil allait se montrer, mais rien n'était moins sûr. Rien n'était jamais sûr dans la Jungle de Golmore. Les oiseaux accepteraient-ils de les gratifier de leurs chants mirifiques ? Les vieras du clan Rava avaient-elles suffisamment choyé leurs bois pour se voir offrir une nouvelle aube ?
Ce jour-là, le visage d'Eirin s'était fendu d'un sourire joyeux et tendre. Une nouvelle aube. Et elle savait que le soleil ne venait pas seul. C'était une journée des plus ordinaires. On lui avait demandé de sortir pour laisser sa mère respirer un peu. Elle avait déjà beaucoup travaillé dans la nuit, mais sa tâche n'était pas terminée.

"Reviens après l'aube" qu'on lui avait dit. Alors ce fut ce qu'Eirin fit. L'équipe de nuit d'arboriculture avait relevé la tête en entendant du bruit dans la frondaison et quelques délicates feuilles tombaient alors que l'animal était déjà loin. Elles avaient haussé les épaules avant de repartir vers le hameau. Ce n'était nullement une menace.

Eirin bondissait de branche en branche, elle glissait sur certaines d'entre elles, s'y suspendait et s'y réceptionnait. La forêt avait été son terrain de jeu pendant si longtemps qu'elle se déplaçait dans les hauteurs aussi aisément que sur la terre ferme. Quand elle arriva au hameau du clan, toutefois, elle ralentit l'allure. Se presser comme elle le faisait aurait pu induire les autres en erreur et les inquiéter d'un potentiel danger. Non, non, il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Eirin avait retrouvé son souffle quand elle posa la main sur la porte de sa maisonnée. Elle entendait discuter à l'intérieur, mais les voix étaient trop indistinctes, elle ne comprenait pas. Elle reconnut la voix de sa mère. Elle parlait calmement et semblait éreintée. Elle devait avoir terminé.

La jeune viera en sourit de plus belle. Ce qu'elle avait hâte ! Elle s'en mordait la lèvre inférieure d'impatience, pourtant elle ne pouvait toujours pas rentrer. La soignante était toujours là. La demoiselle trépignait déjà sur le seuil, quand la porte s'ouvrit vivement, lui tirant un hoquet de surprise.

- Entres, Eirin. Tu peux être fière de ta maman, ce n'était pas facile.

- Je le suis, confirma-t-elle. Je peux ? Je peux ?

L'aînée s'écarta du chemin et repartit avec son matériel. Eirin n'attendit pas et se précipita dans la maison de bois. Sa bouche fit un O parfait sous ses yeux écarquillés. Sa maman était là, étendue sur le lit. Elle avait eu chaud, sa peau était encore moite. Ses yeux trahissaient sa fatigue et pourtant, ils pétillaient de bonheur. Quand elle fit un signe à sa fille pour l'intimer d'approcher, Eirin ne se fit pas prier et vint s'accroupir tout près d'elle.

Sa maman tenait un drap tout chiffonné dans ses bras. Elle le serrait fort contre son sein comme s'il était aussi précieux que l'esprit de la forêt. Eirin leva la main et tira un peu sur le drap pour voir ce qu'il dissimulait. A son sourire radieux, s'ajoutèrent quelques larmes de joie, quand elle put observer, bien emmitouflé et protégé dans l'étreinte maternelle, ce petit enfançon. Le duvet sur son visage était encore tout humide, ses oreilles si petites et pourtant ses yeux étaient si grands, si éveillés. Le bébé l'observait, comme s'il savait que c'était sa grande sœur.

Eirin décréta qu'elle l'aimait déjà très fort. Elle porta un doigt vers la petite bouille dodue pour la caresser et le gazouillis qu'elle reçut en réponse la conquit totalement.

- Veux-tu lae nommer ? demanda la maman, épuisée.

Eirin hocha la tête et réfléchit. C'était une lourde tâche qui lui incombait que de nommer sae cadet.e. Elle songea aux noms de ses aînées disparues, à ceux d'illustres ancêtres. Elle réfléchit et ne fut ni pressée, ni interrompue dans sa recherche silencieuse. Finalement, de sa voix claire, elle prononça des syllabes qui n'avaient probablement aucun sens mais dont elle aimait la sonorité.

- Ravel. Iel s'appelera Ravel.

[FFXIV] AndrocéeWhere stories live. Discover now