Le réveil qui hurle, les cris des enfants, la place déjà vide à mes côtés, le ronronnement du lave-linge. Tous ces bruits me sortent d'un sommeil lourd, comme tous les matins. Les mêmes sons, les mêmes odeurs, la sensation de la peau striée par les plis des draps...Mes yeux papillonnent à cause de la lumière crue qui traverse les rideaux.
"- Chéri tu te lèves ? C'est toi qui emmène les enfants ce matin, je te rappelle. Hurle ma compagne en passant devant la porte."
J'entends ses pas rapides disparaître le long du couloir, faisant grincer le vieux parquet de la maison. Ma main lourde s'écrase sur mon visage pour achever mon réveil. Je m'extirpe du lit et tire ma carcasse fatiguée jusqu'à la douche.
L'eau chaude réchauffe mes muscles, alors que mon cerveau mouline au ralenti. Mon corps suit la routine habituelle, comme un robot répétant les mêmes gestes, depuis une dizaine d'années déjà.
J'ose m'adresser un regard dans le miroir de la salle de bain. Ma quarantaine se lit sur mon visage fatigué. Des pattes d'oies alourdissent mes traits et une barbe de quelques jours me donne un air négligé. Je passe mes doigts dans mes cheveux poivre et sel pour tenter d'y donner un peu d'ordre, sans résultat.
Je quitte la salle de bain en serrant une ceinture autour de ma taille et en fermant les derniers boutons de mon éternelle chemise bleue. Quand je pénètre dans la lumineuse cuisine, toute ma famille est déjà réunie. J'embrasse le crâne de mes deux enfants, avant de me laisser tomber sur ma chaise de maître de maison.
Tout me paraît si familier dans cette pièce.
Le tablier de ma femme qui s'affaire dans tous les coins, le motif hideux de la nappe de table, la voix encore aigüe des enfants, l'odeur des toasts trop cuits.
Quand tout a commencé à tourner en boucle de cette façon ? Pourquoi le goût de ce café bon marché ne me gêne plus ?
Je fixe mes pieds sous la table en grignotant une tartine. Depuis quand je porte des chaussettes à rayures ? Cette idée m'arrache un sourire en coin.
Je déteste les rayures.
Ma femme s'assoit face à moi et soupire en buvant son thé. Elle paraît épuisée, alors que la journée vient à peine de commencer. C'est plutôt ironique.
Ses cheveux bruns sont ramenés en une petite queue de cheval, qu'elle fait tous les mardis. Une robe rose aux mouvements amples cache un corps qui lui fait regretter sa jeunesse.
Quand l'ai-je trouvée rayonnante de beauté pour la dernière fois ?
Pourtant j'apprécie son physique comme tous les jours. Il n'y a plus de surprise, j'en connais chaque recoin, chaque défaut. Je reconnaîtrais entre mille ses petits yeux noisettes cernés d'épuisement.
C'est à cet instant de la vie qu'on se connaît si bien, qu'on ne se voit même plus. Je ne peux même pas capter son regard. elle semble vide, prise dans un tourbillon qui l'enchaine à son quotidien.
Je me suis enfermé dans la même prison, une boucle sans fin qui draine toute notre énergie.
Mes pensées dévient peu à peu vers mes dossiers en cours, mon boulot, les échéances en retard.
Bon dieu, il faut vaut vraiment que je travaille dur aujourd'hui pour rattraper tous ces problèmes au travail. Je fixe ma montre en me levant et pars passer une cravate.
Mes chaussures, ma mallette, les clés de voitures, un bisou d'en revoir, un détour à l'école, la lumière qui grésille au dessus de mon bureau...
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Plus rien ne s'oppose à la nuit, rien ne justifie
KurzgeschichtenRichard a tout dans la vie. Il a une femme, des enfants, un pavillon, une voiture qui roule, un bon poste, des collèges sympa... Tout. Mais a quelle moment tout ceci est devenu une ronde infernale ? Ou s'est enfuie sa vraie vie alors qu'il se bâti...