Il faut vraiment que je rentre chez moi. Je pourrais retrouver mon ordi, ma série et mes Haagen-Dazs. Certainement les meilleures glaces que j'ai jamais mangé. Je serai alors sous une couette chaude, mon doudou Caramel serré contre moi, et un énorme pot de crème glacée. Tout ça devant The Leeftover évidemment. Je pense que c'est une des meilleures série qui puissent exister. Le réalisateur de cette série à eu une idée de génie. Des gens qui disparaissent comme ça, sans aucune raison, laissant les autres sur une planète déboussolée qui court à sa perte.. Peut-être que c'est bien aussi de disparaître. Peut-être que ces personnes sont dans un monde meilleur, où il n'y a pas de plus fort et où le sable est toujours chaud... J'aimerai bien faire partie de ces personnes parfois ... Mais ce n'est qu'une série et seul l'auteur de celle-ci sait ce que deviennent ces personnes disparues. En tout cas une chose est sûre, moi je suis bien là, sur cette désolante planète, à penser à ce que je pourrais faire ce soir. Mais non, pas de bonne soirée en perspective, je suis encore coincée chez Corentin. Ce mec est bizarre, il peut vraiment rien faire tout seul. J'ai même pas le permit alors quoi, il veut que je l'emmène à son entretient en le tenant par la main ?
"Bon aller bouge ton cul Corentin ou je te jute que je me casse"
Je pourrais être plus douce quand même, pardon Coco. Mais tu dois bien savoir que je ne m'excuserais jamais devant toi. Foutue fierté. Pourtant faudrait que je te rende la monnaie de ta pièce. Foutue fierté.
"Bah alors tu révasses Nathasha ?"
J'aurai pu sentir sa présence derrière moi, c'est ce qui arrive d'habitude. Corentin dégage quelque chose de particulier qui me permet de détecter sa présence. Mais là je ne l'ai pas senti, parce qu'il a raison, je revassais. Je me retourne et découvre mon ami à la porte de sa cuisine, me regardant avec un sourire charmeur. C'est un bel homme qui n'a cessé de s'embellir depuis le lycée. Il est particulièrement élégant aujourd'hui, dans son blazer noir et son jean, avec ses cheveux blonds qui bouclent. Je le connais depuis la seconde et il a toujours plus aux filles, notamment grâce à sa grande taille et à son corps athlétique. J'avoue même avoir eu le bégain pour lui à un moment.
"T'es superbe, maintenant que je t'ai complimenté tu peux arrêter de me séquestrer et me laisser rentrer chez moi ?
- Absolument pas, t'as perdu le pari donc tu m'accompagne !"
Cette dernière phrase était prononcée de cette voix pleine de joie et de fierté qu'il a quand il a raison, et qui a le don de m'enerver. J'avais oublié ce pari, celui à cause de qui je me retrouve enfermée ici. Tout ça parce que j'ai dit que le chocolat blanc était du vrai chocolat alors que non. Foutu pari. Corentin passe devant le bar sur lequel je me suis appuyée pour se servir un verre d'eau. Il sent bon. Son parfum ferai frémir de joie n'importe qui. Je ferme les yeux pour essayer de retenir au maximum cette odeur. J'aimerai être comme lui. Je voudrai moi aussi être attentionnée, généreuse, pleine d'assurance... Le bruit du verre qui se pose sur la gazinière me fait sortir de mes pensées. Je regarde mon ami aller dans le couloir étroit de cet appartement de Niort pour mettre son manteau. Il sort de sa poche un petit trousseau de clefs et me regarde droit dans les yeux avec insistance.
Je soupire, "OK je viens".Il fait chaud. Trop chaud. Je sens mon t-shirt se coller à mon dos en même temps que des goutes de sueurs coulent le long de celui-ci. En plus de cela la pièce est plongée dans une lumière beaucoup trop intense qui pourrait rendre aveugle n'importe qui qui ouvrirait trop grand les yeux. Mais qu'est-ce que je fou là ? Les autres filles de 22 ans doivent être en train de s'éclater en soirée, ou bien être allongée auprès de leur copain. Et moi je suis dans une minuscule pièce à attendre désépérement la fin de l'entretien de Coco. Pourquoi les entretiens d'embauche pour devenir sapeur pompier volontaire se font-ils aussi tard ? Sérieux il est 21h30 passée ! Je tourne la tête et regarde dehors par la petite fenêtre. Il fait sombre mais j'aperçois tout de même les feuilles des arbres bouger avec le vent. Il doit faire frais dehors. Si seulement je franchissais la porte je me sentirais sûrement mieux. Mais je ne le ferai pas. Non, je n'irai pas dehors. J'ai trop peur de ça. Trop peur du noir, trop peur du calme, trop peur d'être seule. Trop peur de lui. Si jamais une fois dehors j'entendais sa voix si claire et calme, qu'est-ce que je pourrais faire ? Il me dirait sûrement "Coucou Nati", comme il me le disait quand j'étais petite. "Nati", ce surnom qu'il me donnait en permanence. Il savait que je détestais mon prénom, d'autant plus que la mairie l'avait mal écrit quand mon père était allé me déclarer. "Nathasha ", sérieusement c'est quoi cette écriture ? C'est pour ça que mon oncle m'appelait "Nati". Je le revois dans mes pensées, entrant dans la salle de bain en sifflotant, et je l'entends prononcer cette phrase qui me fait encore frisonner à certains moments: "Coucou Nati". Une boule se forme dans mon ventre et dans ma gorge. Je connais cette sensation, elle est là dés que je pense à lui. J'ai mal. Je ferme les yeux pour tenter de chasser ses souvenirs mais il est toujours là, j'entends toujours le bruit de la porte de la salle de bain qui s'ouvre. L'oxygène à du mal à se frayer un chemin pour atteindre mes poumons. Il faut que je me calme. Tu es forte Natasha courage ! Même 12 ans plus tard les images sont claires et la peur toujours présente. Je peux encore sentir ses mais sur mon corps, glisser de mes épaules jusqu'à mon ventre, puis se diriger ensuite sur mes fesses. Non,
Non ! Je sens des larmes couler sur mes joues. J'ai chaud. J'ai mal. J'ai besoin d'aide. Je ne suis plus sur mon siège à présent. Je sens la fraîcheur du carrelage sur mes jambes. Je me frotte le ventre avec énergie, jusqu'à sentir mes ongles s'enfoncer dans ma chair. Je suis sale. Salie par les mains si répugnantes de cet homme qui a le même sang que moi. Je voudrai pouvoir m'arracher la peau pour n'avoir plus aucune trace de ses mains. Je sens une pression sur mon épaule. Est-ce que c'est lui ? Est-ce qu'il va encore une fois mettre sa main sur son entrejambe ?
"Natasha !" Corentin crie. Il prend mon visage dans ses deux mains et le redresse vers lui. Je reconnais alors mon ami. Il a les traits durs et les mais fermes. Cette force qu'il a pour me tenir le visage me fait sentir mieux. Je ne suis pas toute seule, je le sais à présent. Et je ne suis pas non plus avec mon oncle. Je ne pleure plus. Je ne vois que le visage de mon sauveur, de celui qui me sauve toujours. Mes muscles si douloureux commencent à se détendre.
"Nathasha" souffle Corentin.
Cinq personnes sont autour de moi, le regard choqué. Je sens qu'on me soulève. Je suis bien dans les bras de Corentin. Il ouvre la porte avec moi dans ses bras, et l'air frai me fait revenir peu à peu à la réalité. Quelle conne. Quelle conne ! Je culpabilise d'avoir peut-être fait raté l'entretient à ce garçon qui me rassure tant, mais j'ai surtout honte qu'il doive s'occuper une fois de plus de moi. Pardon Coco.
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Du bout de mes ailes
General FictionDu haut de ses 22 ans, Nathasha a déjà vu et connu d'horrible choses. Dans la ville de Niort qu'elle n'a jamais quitté, elle se retrouve hantée par ses peurs, ses secrets, et son passé, délaissant sa joie de vivre. Sentant qu'elle passe à côté de sa...