Ma Muse

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Elle est entrée et je l'ai suivie, un peu gêné.

Devant les escaliers, j'ai hésité. « C'est au dernier étage, lui dis-je, trois volées à s'enfiler, désolé. »Et avant d'avoir le temps de me montrer galant et de la précéder, je ne pus faire autrement que de la voir s'élancer dans la montée, pas le moins du monde contrariée, ignorante des ravages provoqués par son naturel mouvement de balancier.

Marche après marche, subjugué par tant de grâce et de féminité, je ne pouvais m'empêcher de porter les yeux là où ils souhaitaient se poser et, pour la première fois, j'ai regretté que ces escaliers ne continuent au-delà du grenier.

Elle montait à pas posés, se retournant pour s'assurer que je la suivais toujours avant de s'élancer à nouveau, gravissant quelques marches pour s'arrêter encore, de continuer et de m'attendre.Entre deux paliers, la bride de l'un de ses escarpins a glissé de son talon tandis que son pied, dégagé, se mettait à nu. Elle s'est arrêtée, en équilibre sur un pied, se tenant à la rampe, fléchissant le genou pour se chausser, mollet levé, embarrassée par l'exiguïté de sa jupe moulante qui l'empêchait de se mouvoir comme la situation l'exigeait.J'en fus grandement ému.Réajustée, elle s'est élancée comme pour rattraper les quelques marches perdues durant sa pause.J'étais sur sa piste. Elle trottait menu, mes pensées ne s'arrêtaient plus.S'arrêtant devant une porte tout en haut de l'escalier, elle me demanda doucement :

« Est-ce ici ? »Je lui ai dit « Oui », j'ai joué au gars blasé et j'ai sorti ma clé

.— Voici l'atelier, me suis-je joyeusement exclamé.Je ne voulais pas me précipiter, ne pas la brusquer. Je me suis effacé, l'invitant à entrer dans une pièce d'à peine dix mètres carrés et j'ai refermé la porte derrière nous pour la conserver.

— Ce sera cinquante euros pour la séance de poses, me dit-elle une peu trop brusquement, d'une voix mal assurée, dès la porte refermée.Je me suis étonné de la méprise et j'ai rectifié.

— Souvenez-vous, j'ai réservé l'après-midi. Quatre heures avec pauses. Il est possible que ce soit plus long, je vous paierai en fonction. Cinquante euros de l'heure, comme discuté à l'Académie. Êtes-vous toujours d'accord ? me suis-je inquiété.

— Excusez-moi, me dit-elle, c'est la première fois, vous savez. Je n'ai jamais posé pour un artiste auparavant.

— Vous verrez, il suffit de garder la pose tandis que je crayonne et que je fais mes esquisses. Voulez-vous que je branche le convecteur ?Et de l'allumer.

— Il fera vite chaud. Voulez-vous un thé ? Autre chose ?Elle déclina mon offre.— Quatre heures avez-vous dit ?

— C'est bien exact. Quatre heures au moins. On s'arrêtera pour vous permettre de vous reposer. Ça vous va ?Elle ne me répondit pas, regardant autour d'elle, animée d'une subite curiosité, attirée par les croquis, esquisses et toiles accumulés.

— Est-ce vous qui peignez ceci ? demanda-t-elle

— Oui, celles que vous voyez-là et toutes les autres, dis-je en souriant.

— Je peux regarder ? Vous savez, c'est la première fois que je pose... J'ai besoin d'argent. Vous ne serez pas trop exigeant, n'est-ce pas ?

— Je ne le serai pas. Je n'en ai aucune envie.Elle me regarda en rougissant.

— Vous faites toujours des nus ? Vous avez de jolis modèles, j'aime vos toiles. C'est joli, vous avez du talent. Est-ce ici que je m'installe ?

— Oui, dis-je, C'est bien là. Comment vous appelez-vous ?— Léa ... Et vous ?Je le lui dis...— Voulez-vous une tasse de thé ?

Ma MuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant