Qui êtes-vous, vous qui m'observez? Qu'attendez-vous? Je ne suis pas un héros. Je ne suis rien. N'attendez rien de moi.
Je ne suis ni charmant, ni laid. Ni éloquent, ni timide. Ni important, ni insignifiant.
Je suis vide. Je ne suis rien.
Mais puisque vous êtes là, laissez-moi vous parler de ma passion. Si, j'insiste. C'est la seule chose qui soit réellement digne d'intérêt chez moi.Ma passion, c'est ce son, cette ambiance, de ces milliers de gouttes qui coulent et frappent les vitres du café dans lequel je suis assis. Ma passion, c'est ce crépuscule alourdit par les nuages d'orages. C'est cette salle plongée dans la semi-pénombre, d'où rien ne se meut sinon un serveur à l'air blasé qui nettoie une des dizaines de tables vides. Ce journal, me rapportant les nouvelles d'un monde sombre, un monde d'horreurs. Chopin, qui fait sangloter un violon dans mes oreilles.
C'est déprimant, et j'adore ça. Il n'y a rien de plus grisant que la déprime, vous ne trouvez pas? Mais le must dans tout ça, c'est de sentir une larme glacée rouler contre sa joue. Se sentir vivant.
« Une église s'écroule sur trente quatre croyants au Mexique! » clame le journal.
Merveilleux. Si Dieu existe, il doit avoir un sacré sens de l'humour...
VLAN!!!
La porte du café s'ouvre avec grand fracas. Je manque de renverser mon thé spécial soirée mélancolie.
« Peste! M'exclamais-je en tentant d'éponger le liquide de mon costume sombre.
—Ta-daaa! » Hurle le nouveau-venu en écartant les bras à la façon d'un showrunner.
Je le fusille du regard, il me sourit en retour. Qui est ce type? Et cet accoutrement, il vient d'un cirque ou quoi?
Il y a vraiment des gens qui mettent des chaussettes de couleur différentes à notre époque?Je regrette de ne pas avoir appris par cœur le numéro d'urgence de l'asile le plus proche.
Ils s'assoit près de moi, prends ses aises, dépose sa grande valise de voyage. Dois-je le frapper?
« Du café, très fort avec BEAUCOUP de sucre... et des chamallows, vous avez des chamallows? »
Le garçon hausse le sourcil. Un café à 19h. Personne ne prend du café à 19h, surtout pas avec des chamallows.
Je l'ignore royalement, tente de me dissimuler derrière mon journal pendant que sa commande arrive. Si seulement il pouvait arrêter de froisser son foutu papier!
On me tapote l'épaule.
« Excusez-moi! Excusez-moi! Oui, vous. Je peux vous emprunter votre serviette, je n'ai plus de papier. »
Le voilà entouré d'une trentaine d'origamis, dont un représentant une grenouille qui boit dans son café.
« Je... hum... si vous voulez...
—Bien aimable, fait-il sur un ton tout à fait courtois. Il fait merveilleusement beau aujourd'hui, ne trouvez-vous pas?
—Oui... je veux dire, non! Il pleut des cordes, d'ailleurs vous êtes trempé jusqu'aux os! »
Il baisse les yeux sur son costume multicolore.
« Tiens, je n'avais pas remarqué... de toute façon, l'un n'empêche pas l'autre. Il peut pleuvoir des cordes et faire très beau à la fois, du moment que vous passez un bon moment. Il fait toujours beau pour qui sait garder le sourire! A vous. »
Il me tend ma propre serviette sur laquelle il a tracé une grille de trois sur trois.
« Vous voulez que je joue au morpion avec vous? » Demandais-je entre amusement et exaspération.

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Le jour où j'ai rencontré un dieu
ParanormalL'homme le plus triste du monde rencontre le dieu tout-sourire. Une bien curieuse alchimie...