Légitimité

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Ce texte se veut avant tout une création intellectuelle. Toutes les expressions ici présentées découlent d'une réflexion pure et aucune des pistes que je présente n'a été vérifiée par qui que ce soit. Hormis les références faites à Max Weber, je ne m'appuie sur aucun manifeste ou autre écrit de ce genre. Tout n'est qu'expérience. J'entends ainsi que les lignes que vous vous apprêtez à lire ne tiennent pas d'une vérité absolue mais au contraire, d'un essai de réflexion sur le thème qu'est la Légitimité. J'ai essayé d'écrire sur ce que m'inspire ce mot et ce qu'il représente pour moi dans le cadre du XXIème siècle.

La légitimité est un élément indispensable dans nos sociétés contemporaines. Fondement de la démocratie, elle constitue les rouages de toutes actions et surtout de toutes conséquences. La légitimité est avant tout un principe d'autorité, une situation dans laquelle tout acte, de n'importe quelle nature qu'il soit, peut être accepté ou du moins pardonné par un grand nombre de personnes, si ce n'est une majorité. Cette entité est donc liée par nature à la responsabilité bien qu'unilatéralement. En effet, la légitimité apporte une responsabilité mais l'inverse n'est pas toujours vérifié. Il s'agit donc là d'un élément de domination, de force. Avoir la légitimité c'est avoir en main le globe du pouvoir et d'être ainsi libre de nos mouvements et de nos actes.

Il peut être utile de différencier divers types de légitimité tels qu'on les rencontre dans nos sociétés modernes. La plus connue d'entre toutes car la plus puissante à l'échelle directe sur les individus est la légitimité politique. Le vecteur le plus commun attribuant ce pouvoir est l'élection, le vote démocratique, la consultation populaire. La masse donne dans ces cas son accord à une personne ou une entité. Ces dernières ont donc la confiance nécessaire pour manœuvrer. Cela constitue un appui solide sur lequel n'importe quelle organisation, de l'Etat aux représentants locaux, peut se reposer car en cas d'échec ou de conséquences négatives, la responsabilité peut être facilement mise également sur les épaules des électeurs. Ceux-ci prennent donc le risque d'accorder la légitimité à l'échec.

Dans les rapports sociaux, une légitimité de proximité ou légitimité sociale peut se dégager. Les individus s'identifient à d'autres personnes avec lesquelles ils partagent des caractéristiques communes. Le pouvoir est le plus souvent donné à un mouvement qui défend nos propres opinions, nos propres positions, en quelque sorte notre propre vie. Les liens entre candidats et électeurs sont plus qu'essentiels. Un individu sera donc légitime s'il représente une population et celle-ci pourra tranquillement lui accorder sa confiance. Cette légitimité sociale peut donc s'avérer prépondérante sur la légitimité politique puisque la seconde découle le plus souvent de la première. Cela peut néanmoins sortir du cadre politique. Les associations de défense des droits de diverses populations sont légitimes puisqu'elles représentent souvent parfaitement les individus qu'elles protègent.

Il est maintenant impensable de ne pas aborder la légitimité comme l'a décrite Max Weber, la légitimité d'état accordée à l'Etat. Celle-ci intervient à une échelle tout à fait particulière qu'est celle du pouvoir sur la Nation. En effet, tout Etat détient le monopole de la violence physique légitime sur sa population. Cela parce que cette dernière l'accepte en tant qu'unique solution. Il s'agit là d'une légitimité très fragile du fait qu'elle n'est accordée que parce qu'il n'y a pas d'autres possibilités. En effet, les individus dans une grande majorité - et dans un pays accepté par tous en tant que « démocratique » - s'accordent pour donner à leur Etat, ce monopole qui est néanmoins celui de la violence. Ils offrent de leur plein gré, l'outil même de la force du fusil. Ils leur semblent nécessaire que le pouvoir puisse user de cette force pour assurer un équilibre dans le pays en cas de problèmes.

Une autre légitimité qui est des plus importantes de par les arguments irréfutables qu'elle semble fournir, est la légitimité dite naturelle. La contestation de cette autorité ne peut s'empêcher de faire débat. De fait, elle s'appuie sur le bien commun et l'entraide. C'est cette autorité qui va donner raison aux sauveteurs en mer de braver les interdictions et d'aider ceux qui fuient leur pays en se retrouvant perdus, prenant le risque de trouver une vie meilleure. Cette légitimité naturelle est alors muselée par ceux qui y préfèrent la légitimité politique ou tout simplement, le crime et la mort. Dès lors que le doute entoure un acte quant à sa légitimité naturelle, c'est qu'il faut s'interroger en profondeur quant à sa réelle envergure et à ses potentiels dangers. Néanmoins, la légitimité naturelle ne peut pas seule, guider les ambitions d'un pays, du moins ne peut plus. Cela paraît poncif et futile à expliciter mais il en devient essentiel de préciser que l'Homme ne peut plus vivre seulement en suivant ce qu'il estime bon pour la communauté.

Mais malgré cette variété de légitimités que l'on rencontre aujourd'hui, celle-ci est encore plus large en fonction du contexte social, politique, temporel et géographique. Chaque société, par ses mœurs, habitudes et coutumes, n'accorde pas la même force aux mêmes légitimités. Les exemples ne manquent pas en ces temps où le système politique français est vivement critiqué de tous bords.

Les lois qui sont appliquées au sein du pays sont issues d'un processus de « navette » entre deux chambres parlementaires. Ce sont donc 925 personnes qui sont consultées et qui dialoguent entre elles pour une décision qui va s'appliquer dans le quotidien de 67 millions de Français. Bien que ce fossé entre ces deux valeurs puisse justifier nombre de remises en question, il est impensable de dire que les lois qui sont ainsi votées sont illégitimes dans le sens où elles n'ont pas une légitimité suffisante. Cela est faux. Ceux qui siègent au parlement sont élus, soit indirectement pour les sénateurs, soit directement pour les députés. Voilà où réside leur légitimité. Mais cette dernière est alors contestée face à celle dont disposent les lois mises en place en Confédération Helvétique. En effet, en Suisse, la population est davantage consultée pour l'adoption de certaines décisions. Celles-ci vont alors bénéficier d'une légitimité beaucoup plus forte puisque la population concernée donne, et de façon la plus directe possible, son opinion sur la question. Il est donc évident qu'en fonction de nombreux critères, la légitimité, ici politique, n'est pas identique partout.

Le temps change aussi nombre de choses. Il y a quelques siècles, un seul homme avait une légitimité suffisante pour asseoir son pouvoir sur une Nation entière en étant considéré comme l' « élu de Dieu ». Aujourd'hui, le score incroyablement faible des partis royalistes français aux élections recouvrant l'ensemble du territoire [1] met en exergue la difficulté qu'ils affrontent à faire renaître cette légitimité politique.

Le danger réside dans l'abus de ce pouvoir. Il constitue une confiance que l'on donne et il est aisé d'en être abusé. Nombre sont ceux qui ont cru avoir un pouvoir absolu. Ils furent pour le moins déçus. Dès l'instant où la moindre entité abuse de ses pouvoirs, la légitimité s'effondre, petit à petit, pour laisser place à l'autoritarisme et à la peur de perdre cette domination. Il devient précieux de savoir et de comprendre quelles positions sont légitimes ou non. Il est primordial de ne pas bouleverser les organisations qui ont su conserver une réelle raison d'exister, une réelle légitimité et au contraire de questionner les racines des positions devenues illégitimes. La nuance entre les deux est très fine et il est parfois facile de faire des erreurs qui peuvent avoir de graves conséquences, particulièrement dans une démocratie. Décrédibiliser un mouvement adverse ne fait appel à aucune légitimité alors que sa défense s'il mérite d'être défendu par un grand nombre n'a pas plus légitime.

Il est évident que certains vont remettre en cause la légitimité qu'a le Thotem à écrire des essais de ce style. Cela est tout à fait justifié. Nous sommes jeunes et découvrons seulement le monde, nous n'avons ni les études ni l'âge pour se vanter de connaître la société entière. Mais là réside justement tout l'objectif de ces textes. Nous connaissons mal notre environnement. A quoi servirait-il d'écrire si nous savions exactement là où nous mettions les pieds ? Nous avançons au contraire dans le noir, ignorant tout de la pérennité de ces phrases et de leur portée, ignorant tout de nous-mêmes qui commençons seulement à nous connaître, ignorant tout de notre futur et du futur du monde. Nous sommes ignorants et nous écrivons. Voilà notre courage, écrire pour comprendre, écrire pour partager des questionnements et non pas des réponses. Des réponses, nous n'avons pas la légitimité de vous les apporter.

La légitimité est ainsi un ensemble de pouvoirs à la fois variés par leur importance mais aussi par leur domaine d'action. Ceux-ci s'entrecroisent dans un machinerie complexe cachée dans nos sociétés et qu'il est parfois essentiel de décrypter. Mais la fin n'est pas dans la connaissance et la reconnaissance des légitimités mais dans celles de leurs détenteurs. Chacun, peu importe où, quand, qui, contribue à la légitimité d'une position. Là est l'enjeu capital. Savoir à qui et comment accorder sa confiance. Nous sommes tous responsables des positions de chacun et de la légitimité que l'on accorde à autrui, alors faisons en sorte que celle-ci ne deviennent pas un droit divin.

Thotem
08.09.19

[1] L'Alliance Royale, principal parti royaliste en France, ne présente que très rarement des candidats obtenant plus d'1% des voix aux élections législatives et européennes. 

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⏰ Last updated: Sep 08, 2019 ⏰

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