Partie Unique

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Je me suis toujours demandé ce qui était le pire entre mourir et vivre sans ne jamais rien ressentir, parfois la réponse me vient instantanément à l'esprit, d'autre fois, je ne la trouve pas.

Tous les jours, lorsque je sors de mon lit et que je me poste devant la fenêtre de la chambre, mon regard divaguant sur les nombreux paysages qui s'offrent à moi, je me pose cette question.

Tous les jours je me demande si ce ne serait pas mieux de mourir... Pas que la vie m'est impossible, je n'ai pas le droit de me plaindre de cette dernière, je peux manger à ma guise, je vis sous un toit et je ne suis pas malade alors nous pouvons dire que je mène une belle vie.

Mais la vie est-elle belle si elle n'est pas pleinement vécue ?
Pouvons-nous dire d'une vie qu'elle est belle si celui qui la possède ne la chérit pas ? C'est encore une des questions que je me pose sans arrêt.

Je vis pour survivre et non pour vivre, est-ce normal ?
Est-ce normal si je me sens mort alors que je n'ai pas vraiment de raison de l'être ? Que beaucoup de personne pourrait considérer ma vie comme parfaire alors que je la déteste personnellement ?

Je ne me comprends pas et je ne comprends pas les autres. Je n'aime pas ma vie, pour la simple et bonne raison que je n'arrive pas à la vivre, comment font-ils, tous, pour être heureux ?

Et puis d'abord, qu'est-ce que c'est : être heureux ?
Pourquoi je ne ressens pas cette émotion ? Pourquoi, d'ailleurs, je ne ressens aucune émotion ?

Pourquoi rien ne m'atteint ? La vie, la mort, le bonheur, la souffrance ? Je ne sais pas les différencier chez les autres, et chez moi ? Cela n'existe même pas.

Mon petit frère est mort devant mes yeux et je n'ai rien ressenti. Pas une larme n'a coulé, pas un cri n'a retenti dans la maison, je n'ai pas réagit. C'est peut-etre pour cela que mes parents ont décidé de couper les ponts avec moi ?

Ou bien était-ce parce que je suis la raison de cette mort prématurée ? Je ne sais pas, personne n'a voulu me le dire et je n'ai jamais réussi à le deviner, peut-être est-ce parce que je m'en fiche complètement de connaitre les causes de ces abandons ?

Mon frère voulait tout le temps être à mes côtés, manger à côté de moi, jouer avec moi alors que je me foutais royalement de ces jouets pourtant si précieux pour lui, et même dormir avec moi. Je me souviens de toutes ces nuits où il venait me réveiller parce qu'il avait fait un cauchemar, qu'il me suppliait de dormir avec lui et qu'il se collait à moi, nichant son visage dans mon cou pour sentir mon odeur qu'il disait si rassurante.

Il ne me lâchait jamais et pleurait lorsque je n'étais pas avec lui, mes parents trouvaient cette relation adorable, pour ma part, je trouvais ça malsain et déraisonnable de la part de nos parents de laisser ce petit être aussi près de moi.

Il faisait des caprices et j'étais en quelques sortes sa tétine, son doudou pour le rassurer. C'était malsain de leur part à tous de me traiter comme un réconfort pour un enfant en manque d'attention. De plus, il empiétait sur mon espace vital, ce garçon n'était que source de problèmes pour moi, heureusement qu'il n'est plus là, je me porte mieux sans ce petit être aux yeux brillants.

Mais même le voir mourir ne m'a rien fait ressentir, je n'étais pas soulagé, heureux ou triste. Rien de tout cela. Pourtant c'est de ma faute s'il est mort, et je n'ai rien fait pour éviter ça.

Flashback

"Je te comprends pas Tadéo ! Pourquoi tu dis rien, pourquoi tu fais rien ?! T'en a vraiment rien à foutre de moi c'est ça ?!" Hurlait le jeune garçon, tenant en équilibre sur la rambarde de leur balcon. Les larmes ravageaient son visage si angélique alors qu'il tentait d'apercevoir un signe chez son grand frère, un sentiment de peur, de colère ou même de fierté, mais rien. Strictement rien excepté son habituel visage blasé.

Aedan le menaçait de se suicider, là, devant lui, et son grand frère ne réagissait pas. Il n'essayait pas de l'en dissuader, de lui parler ou même de l'engueuler pour sortir des conneries pareilles, non, Tadéo était presque à deux doigts de s'en aller pour laisser son petit frère tout seul. Il en avait marre de ses caprices répétitifs, il en avait marre que Aedan ne comprenne pas qu'il n'était pas comme lui, qu'il n'était pas normal et que jamais il ne pourrait l'être.

"MAIS FAIS QUELQUE CHOSE !"

Des cris et encore des cris, Tadéo était habitué à cela et malgré le fait que cette fois-ci, les cris semblaient plus déchirants, il ne faisait rien. Pas parce qu'il n'en avait pas envie, mais parce qu'il ne pouvait pas, il n'y arrivait pas.

Il y avait un dysfonctionnement chez lui qui l'empêchait de ressentir la moindre émotion, le moindre sentiment, alors il ne réagissait pas et il laissait la personne qui l'aimait le plus au monde se détruire devant lui.

"Tadéo j'en peux plus... J'ai beau tout essayé pour t'aider, tu ne fais rien et ça me tue carrément. Je supporte plus ton indifférence. T'es le seul qui compte pour moi, mais ça n'a pas l'air réciproque... Qu'est-ce que je dois faire ?" Sa voix se brisait à cause des sanglots, il était dans un état pitoyable et Tadéo ne bougeait pas.

"C'est parce que c'est le cas." Avait lâché le plus âgé, le plus calmement possible.

"Q-quoi ?"

"Ce n'est pas réciproque, je ne t'aime pas Aedan. Alors fais ce que tu veux mais laisse moi en paix."

C'était la phrase de trop après ces années de silence, le plus jeune n'en pouvait plus, il préférait périr que de survivre comme cela.
Alors en pleurant une dernière fois toutes les larmes de son corps, Aedan se laissa basculer de l'autre côté de la rambarde du balcon, là où Tadéo ne pourrait plus jamais le faire souffrir et l'empêcher de vivre.

Fin Flashback

Lorsque mes parents sont revenus ce soir là et qu'ils m'ont trouvé assis à côté du corps de mon frère qui reposait sur la pelouse de notre jardin, ils ne m'ont pas hurlé dessus, ils ne m'ont pas fait la morale, ils ont seulement jeté mes affaires dans des sacs poubelles qu'ils ont ensuite posé à l'extérieur de la maison.

Ma mère pleurait dans sa chambre, et mon père et moi étions assis dans la salle à manger, autour de la table où nous dînions tous les quatre, avant.

Je me souviens encore des quelques mots qu'il m'a sortit ce jour là, et maintenant, chaque soir, quand je pense que je vais enfin pouvoir fermer l'oeil, ces quelques mots me reviennent en tête et m'empêche de dormir.

"Ton indifférence nous met tous en danger, tu dois partir de cette maison et ne plus jamais revenir. Aujourd'hui tu as côtoyé la mort, et la seule réponse que tu nous ais donné lorsque nous t'avons demandé ce qu'il s'était passé a tué les maigres espoirs que nous avions sur ta guérison. Si tu ne veux pas notre mort à nous aussi, part."

À cette époque, je ne comprenais pas ce qu'était la mort parce que je n'avais jamais vraiment eu affaire à Elle, maintenant je sais que c'est la deuxième seule obligation que nous avons dans la vie.

Il y a d'abord la vie, puis vient ensuite la mort. Nous ne pouvons pas les contrôler, ce ne sont pas des choix et pourtant, j'ai envie d'en faire mes propres choix. Je ne veux plus avoir à entendre que je suis dangereux pour mon entourage, je ne veux plus être enfermé dans ma chambre pour ne pas blesser les autres personnes, je ne veux plus être seul parce que cela me rappelle que je ne l'étais pas avant.

Avant j'avais mon frère, et même si je me foutais de lui, il était là. Il comblait l'ennui, le silence et la froideur. Mais je m'en suis rendue compte bien trop tard, il était déjà parti et je me sentais déjà vide.

Aujourd'hui je ne vis plus, je survie.
Je me nourris pour ne pas mourir, pas pour continuer de vivre. J'ai peur de la mort, quoique, ce n'est pas vraiment de la mort dont j'ai peur, j'ai plus peur de mon frère. J'ai peur de le revoir, lui et son visage d'ange, lui et ses yeux gonflés par les pleurs que j'ai créé, lui et sa souffrance que je ne peux pas comprendre.

La vérité, c'est que ma différence m'a éloigné de tout et de tout le monde. La vérité je crois, c'est que j'ai peur de ma différence. Et c'est ce qui me pousse à ne pas vouloir vivre. Je ne veux pas me souvenir que je suis différent et que je blesse les gens. Je ne veux pas vivre en faite. Mais je ne veux pas mourir non plus. Suis-je alors perdue à tout jamais ?

Survivre ou Périr Où les histoires vivent. Découvrez maintenant