Une histoire de confrérie secrète

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     Ce matin-là, alors que je prenais mon café sur la terrasse de notre appartement, je profitais du soleil dont la chaleur caressait doucement mon visage. Une légère brise émanait de l'île de Murano à une centaine de mètres à vol d'oiseau, des éclats de rire égayaient la ruelle voisine et une odeur de café torréfié se dispersait dans l'air, il ne m'en fallait pas plus pour me sentir bien et apaisée.

     Pourtant, alors que j'allais à la basilique Saint-Marc à pied pour effectuer une visite en compagnie d'un groupe de touristes allemands, je m'étonnais d'être aussi anxieuse. Chaque pas que je faisais était un supplice tant je n'étais pas à l'aise dans cet environnement soudain inhospitalier. Ces ruelles que je connaissais pourtant par cœur devenaient à mes yeux des inconnues que je ne voulais pas affronter. Cette boule dans ma gorge s'accentuait tant et si bien qu'elle rendait ma salive rugueuse. Mes mains étaient devenues froides et moites malgré la chaleur de ce mois d'été. Je ne savais pas comment expliquer cette anxiété soudaine que je n'avais jamais subie par le passé. Je n'arrivais pas à comprendre d'où cela venait, mais j'imaginais au fond de moi que ce sentiment de peur allait perdurer.

     Mon ressentit s'était d'ailleurs vérifié au cours de cette journée, j'avais eu l'étrange sensation d'être suivie et épiée à tel point que je ne savais plus si mon cerveau me jouait des tours ou si tout cela était bien réel.

     En fin d'après-midi, après avoir terminé ma dernière visite guidée de la journée, j'étais soulagée de pouvoir rentrer chez moi et de retrouver Alessandro, l'homme qui partage ma vie depuis de nombreux mois, afin de tout lui raconter. Étant gondolier dans l'entreprise de Sergio, son père, je l'imaginais travailler d'arrache-pied sur les plans des prochaines gondoles puisqu'ils envisageaient de changer les plus anciennes embarcations qui n'étaient plus en état de naviguer correctement, au détriment selon moi, de perdre des objets d'une grande valeur historique.

     Fort heureusement, je n'étais plus très loin de chez nous lorsque j'entendis des bruits de pas s'accentuer derrière moi. Des pas d'un bruit sourd, fort, qui résonnaient entre ces murs de pierres, des pas que je n'avais jamais perçus dans ces fines ruelles sombres par le passé. Un regard en arrière par-dessus mon épaule, et ce fut la stupéfaction. Certes, la ville de Venise était très visitée à cette période de l'année, mais je n'avais jamais vu des chevaux pénétrer dans la cité. Ils étaient deux, majestueux, et se tenaient juste derrière moi comme s'ils attendaient patiemment que quelque chose se produise.

     Lorsque mon regard se posa sur eux, presque rassurée que personne d'inquiétant ne me suive, l'un des deux me considéra des pieds à la tête, prenant son temps pour me détailler comme le font certaines personnes en se demandant quel est ce style vestimentaire que vous avez sur le dos. C'était comme si une véritable personne avait pris possession de ce cheval, comme si ce regard qui se posait sur moi était bien plus que celui d'un animal qui se trouvait là totalement par hasard. Quant au second cheval, il cherchait désespérément à éviter que nos regards se croisent, sifflant presque comme un être humain pour paraître normal dans une ruelle sombre où il n'avait pas lieu d'être.

     Reprenant ma route après cet étrange échange qui ne dura que quelques secondes, je ne les entendis plus jusqu'à arriver à quelques dizaines de mètres de chez moi, les apercevant au coin de cette ruelle. Drôle de coïncidence.

     Je montai rapidement les marches qui menaient à notre appartement pour expliquer cette drôle de situation à Ales, lorsque j'entendis des voix que je ne connaissais pas. À l'instant où la porte s'ouvrit, je découvris trois individus se tenant face à Ales, dans notre salon.

— Rose, tout va bien ? me demanda-t-il l'air inquiet alors que j'entrais à l'instant, le regard pâle. Viens près de moi s'il te plaît, ces hommes ont des choses à nous dire, m'expliqua Ales, la voie teintée d'une angoisse inhabituelle en me tendant la main.

Rose et Alessandro tome 1 : Les confréries secrètesWhere stories live. Discover now