Spartan

La fin d'un Roi (Prologue 2)

Le paysage semblait irréel.

On aurait pu croire voir le Royaume d'Hadès s'étendre à l'horizon.

Le cuir noir des Perses se nouait au chiton* des Spartiates, les membres des uns se confondaient à ceux des autres, les lances brisées, les boucliers fendus et les lames émoussées jonchaient un tapis de sang.

« Et bien Mon Roi... Athéna et Arès en personne auraient eu du mal à nous défaire ». C'était Tharros, encore debout, l'avant-bras gauche tranché par la lame  d'on ne sait quel Perse, qui a dû subir sa fureur après coup.

« C'est certain ! Mais appelle-moi par mon nom l'ami ! » lança Léonidas en retirant son glaive de la poitrine d'un Mélophore*. Il était lui aussi encore debout.

Les deux hommes, ces deux derniers toujours debout étaient méconnaissables.

Couvert d'hémoglobine, le visage certes extenué par l'effort mais toujours déterminé, ils étaient là, face à l'Ombre de Xerxès qui malgré quelques pertes restaient incroyablement fournit.

Au loin, les deux valeureux guerriers virent une main se tendre, une main qui avait l'air de vouloir toucher les cieux.

Xerxès, du haut de son trône doré transporté par 10 esclaves, lança un regard narcissique aux deux hommes.

Cette main, Léonidas et Tharros savaient ce qu'elle signifiait.

« Léonidas...mon ami...ce fût un honneur de combattre à tes côtés »

« Tharros, mon frère, rejoignons les Champs Elysées ensemble »

Et tandis que les deux hommes s'enlacèrent une dernière fois comme des frères, Xerxès abattit sa main vers le sol comme s'il voulait abattre les cieux sur la terre.

Ce fût le cas.

Le ciel s'assombrit brusquement, comme si la déesse Nyx apparut en un éclair.

Les archers Perses avaient recouvert le ciel de leurs flèches noires qui étaient dirigées vers ce qui allait être le tombeau de nos deux héros.

Ils l'avaient pressenti, ils étaient donc apaisés.

Aussi, avant la bataille finale, Léonidas dépêcha Podarcès de qui l'on disait que sa vitesse pouvait rivaliser avec celle d'Hermès en personne.

Il le chargea de prévenir les cités grecques de l'arrivée des Perses afin d'organiser les défenses et lui confia son casque ainsi que sa lance brisée.

« Cours à Delphes, puis préviens les cités de Platées, Thèbes et Athènes. Lorsque tu auras averti ces cités, je te charge d'apporter mon casque à Sparte dans ma demeure, et si le souffle te manque, demandes aux Dieux de te porter jusqu'à ta destination »

Le jeune Podarcès, fier de la confiance que le grand Roi Léonidas lui accordait, lui répondit en ces mots :

« Que je meure d'épuisement à la fin de cette tâche, afin que je puisse vous rejoindre par-delà le Léthé*, c'est ce à quoi j'aspire mon Roi »

Une poignée de main scella leur accord et le jeune Podarcès disparu, comme porté par les sandales ailées d'Hermès, accomplir sa mission.

L'histoire raconte qu'il mourût d'épuisement, comme il le désirait, sur le palier de la demeure de Léonidas, après y avoir déposé les objets que le Roi en personne lui avait confié.

Léonidas et Tharros étaient toujours debout, attendant que la volée de flèches Perses leurs tombe dessus, ils n'avaient pas peur.

Sourire aux lèvres, les yeux aux ciel, Tharros reçu la première flèche.

La flèche pénétra son œil gauche et, la vitesse aidant, ressorti par l'arrière de son crâne, elle fût fatale.

Tandis qu'il s'écroulait au sol, une flèche vint transpercer le genou droit de Léonidas. Il demeura solidement ancré au sol, comme si des racines l'y maintenaient.

Bientôt, son torse et ses jambes furent criblés de flèches, mais le grand Léonidas respirait toujours.

Son corps commença à balancer, d'avant en arrière, comme s'il était sur un bateau naviguant sur des eaux déchainées.

Il finit par s'écrouler sur le dos, les bras écartés, l'air serein comme s'il était certain d'avoir mené sa tâche à bien, ou bien même sa destinée.

Alors que son âme s'apprêtait à partir, dans une ultime expiration, on pouvait entendre ces quelques mots sortir de sa bouche :

« Je te demande de vivre, Timôr... »