Reflet

Ce fut le vibreur de mon téléphone qui me réveilla de ma petite sieste improvisée en cours de Physiologie humaine. Je grognai intérieurement et maudis la personne qui m'avait dérangé en pleins sommeil. De mauvaise grâce, j'attrapai discrètement mon portable. Discrète ? Oui, j'aimais l'être. Je reportai mon regard sur l'appareil, j'avais un message :

17h30

Axel : Chaude pour ce soir ? On se rejoint à 18h chez moi histoire de boire un ptit coup avant notre dernier jour sur Terre !

Très drôle... Je ne comprenais pas comment il pouvait plaisanter sur un tel sujet. L'expédition qu'on avait prévue était tout sauf comique. Je ne savais pour qu'elle raison j'avais accepté quelque chose d'aussi angoissant. L'idée avait été lancée lors d'une soirée et nous étions complètement torchés. Floriane et Hugo avait eu raison de se désister. Je me demandais pourquoi je ne l'avais toujours pas encore déjà fait...

17h37

Moi : Ecoute Axel... Je suis pas sûre...

Nous étions vraiment fous. Sa réponse ne se fit pas attendre.

17h37

Axel : Tu vas pas te défiler au dernier moment ! Allez ! On ira juste y jeter un coup d'œil ! Pas plus de quelques minutes ! Et puis j'offre le ravitaillement !

Je fronçai des sourcils, indécise.

17h38

Axel : En plus il y aura Lucas

Il venait de toucher un point sensible et il le savait. Quel salop ! Il jouait sur les sentiments. Il connaissait bien ma fascination envers le jeune homme. Lucas était quelqu'un d'intrigant et de passionnant. Le genre de personne constamment calme, trop calme. Ce même genre de personne que l'on ne remarquait pas au quotidien mais qui, lorsqu'on le rencontrait, nous faisait nous poser la question « comment ai-je pu ne jamais l'avoir remarqué auparavant ? »

Hormis sa beauté évidente, c'était ses yeux qui attiraient le plus mon attention. De magnifiques yeux gris clair. Des yeux qui me mettait mal à l'aise. Pourquoi mal à l'aise ? Pour ce qu'ils reflétaient ou plutôt ce qu'ils ne reflétaient pas. Les yeux de Lucas ne reflétaient rien ou alors ils reflétaient justement tout, chaque personne, chaque animal, chaque objet. Un regard bien trop dur à porter ou à soutenir. J'essayai de passer un maximum de temps avec lui, mes amis pensaient que je l'aimais. Sans doute était-ce vrai ? Je ne savais pas, et je m'en fichais. J'étais bien trop obnubilée par son regard pour réfléchir à ce genre de chose.

Je ne pus réprimer un soupir de frustration, Axel avait gagné, je participerai à l'expédition. Je fus enfin libérée des cours à 17h45. Sans demander mon reste, je pris la fuite, direction l'appartement de mon ami, sans même dire un au revoir à mes camarades de promotion. Le long du trajet, je ne pus m'empêcher de repenser à cette étrange histoire des 200 élèves disparus.

Il y avait à peu près 19 ans, soit le 28 février 2000, deux promotions d'environ 100 étudiants chacune, qui disparurent sans laisser de traces suite à une rencontre sportive dans le Gymnase anciennement réputé de Germaine Tillion. Aucun corps, aucun indice n'avaient été retrouvés jusqu'ici, le bâtiment avait été condamné. Cette évènement c'étant passé l'année de ma naissance, le Gymnase était aujourd'hui complètement abandonné. Personne n'avait osé y remettre les pieds. De nombreuses rumeurs circulaient à son sujet, certaines personnes prétendaient entendre des cris s'échapper des portes du Gymnase lorsqu'elles passaient devant, d'autres parlaient d'ombres traversant les fenêtres.

Un mystère que beaucoup avait tenté d'élucider, mais tous étaient devenus complètement fous, parlant de miroir et d'enfermement. Un mystère qui m'attirait un peu mais que je ne voulais pas spécialement découvrir. Un mystère que nous avions prévu de résoudre le soir même.