⚠️ Âmes sensibles s'abstenir ( chaque fois que je mettrai cet emoji au début d'une partie ça voudra dire que c'est susceptible d'heurter la sensibilité)
J'aimerais dire j'ai été, au passé. Mais ce n'était pas il y a si longtemps après tout, quelques années peut-être. J'ai été une femme battue. Je suis une femme battue. De la même façon que je suis brune, gauchère, que j'aime les chats et le Nutella. C'est qui je suis. Pas uniquement bien sûr, ce n'est pas une caractéristique réductrice mais ça fait partie de la définition globale. C'est moi. Parce que j'ai peur de façon générale, comme une personne traumatisée après un crash aérien. Les larmes s'évaporent, les doigts se remettent en place, les bleus s'estompent, mais j'ai peur. C'est ridicule, personne ne va me frapper, mais j'ai peur. Je n'arrive plus à supporter qu'un homme me touche, qu'un homme me parle d'une manière qui laisserait entendre qu'il me drague. Le simple touché me fait frissonner, peu importe la personne. Avec tous les efforts du monde, envisager une nouvelle relation me paraît impossible. Quelqu'un s'énerve, même gentiment et j'ai peur, parce que ça commençait souvent comme ça, ça commençait souvent pour rien à vrai dire. Ça commençait parce qu'il en avait envie, je suppose. Je l'énervais, je le menaçais, je n'étais pas assez bien, je désobéissais. Mais je ne vais surement pas blablater sur le pourquoi. J'en ai rien à foutre, et je ne vais certainement pas lui trouver d'excuses. D'ailleurs ce n'est pas de lui que je parle. C'est de moi. Moi. Moi qui ai peur du bruit, des cris, des voitures qui roulent un peu vite la nuit, de tout ce qui dépasse le volume d'une conversation normale. Je sursaute comme une dingue devant n'importe quel film à suspense. Enfin je ne sais pas, en soi, ça ne me dérange pas, mais le fait qu'on puisse me faire mal me terrifie.
Tu m'as donné des crises de panique et j'ai appelé ça de l'amour. On a essayé de m'avertir, de me prévenir, de m'en empêcher comme à un aimant de toi, je ne pouvais me détacher. Il a volé mon cœur. Comme atteinte d'un syndrome de Stockholm j'ai aimé mon bourreau. Il m'a persuadé que c'était de ma faute, que je méritais chaque petite chose que je vivais. Je l'avais dans la tête, j'entendais sa voix me le répéter, je n'étais plus moi, nous étions Lui. Il était ma schizophrénie. Je n'arrivais plus à penser, discerner, réfléchir par moi-même. Je me dis que j'aurais pu lui en mettre une. J'aurais dû. C'est ça le pire. Le fait qu'on a laissé quelqu'un, quelqu'un qu'on a aimé, nous cogner dessus. Sans rien dire. Qu'on a appris à s'enfermer dans la salle de bain en bloquant bien la porte avec un tabouret. Qu'on a passé des soirées à attendre qu'il se soit calmé, dehors, pieds nus. Parfois sous la pluie, parfois dans la neige. Et qu'on a rien dit. Je l'ai laissé faire. Je l'ai laissé prendre le contrôle de moi.
J'ai eu tellement l'habitude de faire comme si tout allait bien jusqu'à me demander «tu vois vraiment pas qu'il y a un problème?» en m'effondrant en larmes. Pour ma défense, ça n'arrivait que lorsque j'étais seule et alcoolisé. Le reste du temps, je faisais en sorte que tout soit parfait. Tout le temps ! Jamais en veille, toujours à scruter le moindre détail, la moindre brindille sur les voies qui aurait pu faire dérailler le train entier. Je craignais la collision. J'étais conciliante, à l'écoute, serviable, gentille. Parfaite. Et je détestais ça. Mais encore plus profond que la peur, il y a la confiance en soi. Petit à petit, tous les jours, il y a une remarque, une critique. On ne s'en rend même pas compte. C'est bien, il exprime son avis. Et jour après jour, le mien n'existe plus, il est inconsistant et fade. Je ne m'en rends même pas compte parce que j'ai déjà commencé à disparaître. Je ne me rendais même pas compte à quel point il m'avait effacé. J'ai fini par revoir à la baisse tout ce en quoi je croyais, de mes valeurs, à mes principes, de mes croyances, à mes proches. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même.Et un jour, il a dit cette phrase. Ce n'est peut-être pas le plus méchant ou le plus tordu de tout ce qu'il a pu dire, mais c'est ce que je retiendrai. «Tu fais exprès d'être moche pour m'humilier devant mes potes». Alors qu'on s'apprête à rejoindre des amis pour une soirée. Ses amis. Parce que les miens, on les a laissé partir. Pas assez bien pour moi, je méritais tellement mieux ! D'ailleurs je ne mérite que lui. Il l'a dit, il l'a répété, il n'y a que lui qui me comprenne. Et à cet instant précis, il dit que je fais exprès d'être moche pour l'humilier devant ses amis. Je ne l'entends même pas prononcer ces mots. Ils flottent autour de moi. Je me sens vide, comme si mon âme avait soudainement quitté mon corps à cet instant. Je reste debout, mais je n'arrive plus à penser ni à réfléchir, je me tiens comme un mort-vivant. Là, c'est quelqu'un d'autre. Quelqu'un d'autre qui ne me connaît pas, et que je ne connais pas, qui m'agrippe le bras. Il a l'air tellement inquiet quand il me regarde qu'on se demande si la voiture ne vient pas de valser sur la route. Mais non, c'est juste moi qu'il regarde. C'est pour moi qu'il s'inquiète. Il me demande si ça va. Je me sens mal comme si j'allais tomber dans les pommes, je prie pour me contenir pour ne pas lâcher une larme, parce que si il voyait ça... Mais c'est trop, je craque. Il me redemande si ça va. Je pleure mais en vérité je ne le sais pas, il me donne un mouchoir. Je suis lasse, j'ai des courbatures partout à force de contracter tous les muscles, tout le temps, de me recroqueviller sur moi-même, de tordre les pieds sous les fesses. Je tremble, j'angoisse. Je fixe le paysage qui file à toute vitesse. Il veut me prêter son téléphone, que j'appelle quelqu'un, pour m'aider, venir me chercher peut-être et trouver quelque part où aller. J'essaye de reprendre, je réponds très vite « ça va merci, on est juste un peu fatigué » je panique, il faut que j'arrête de pleurer avant qu'il revienne. Deux jeunes filles devant moi, se retournent. Tout le monde me regarde. J'ai honte. Je ne comprends pas ce qu'on me dit. Vous ne pouvez pas rester avec lui. Il vous a hurlé dessus. Je ne me souviens pas, je répète. Je ne me souviens pas. Comme à chaque fois, mon âme essayait de convaincre mon cerveau d'oublier. Le plus dur c'est que dans ces moments-là je disais la vérité. J'enfouissais tout cela si profond que j'oubliais. Ça l'arrangeait bien. L'emprise était totale. J'étais devenue son bien. Comme il le disait si bien « je lui appartiens ». Pendant une seconde, tous ces gens autour de moi, comme une cassette vidéo, les scènes se jouaient dans mon cerveau, j'ai pensé m'enfuir, disparaître dans la foule, ou alors en finir avec la vie, mettre fin à mes jours, en finir avec tout ces maux.
Mais je ne l'ai pas fait... Je suis allée à cette soirée, avec ses amis, avec lui. Il a gardé sa main sur ma cuisse toute la soirée et je n'ai pas bougé du canapé. Et à chaque fois qu'on me demandait comment ça allait, je lâchais un «très bien» que je ravalais aussitôt avec une grande gorgée d'alcool. Envers et contre tout j'ai choisi de rester ? Pourquoi ? Dans le fond, je ne le sais pas. J'étais terrifiée, que ça se sache, que l'on me regarde, qu'il me tue. J'avais peur des représailles. J'avais honte, j'étais trop fière pour montrer que derrière cette femme forte en apparence, il y avait de la faiblesse. Je voulais préserver ma famille, préserver leur nom, préserver mon éducation. Alors, j'ai subi, tous ses caprices, ses sautes d'humeurs, ses silences qui duraient parfois des heures. A m'en rendre folle, j'ai laissé les autres me critiquer, me moquer, me juger, me pointer du doigt comme la pute qui était assez stupide pour rester avec toi. On est pas prédestiné à souffrir, encore moins à être victime de violence, mais je ne pouvais pas l'entendre, comment avais-je pu, comment avais-je osé laisser une telle chose m'arriver. J'ai tout fait pour le garder, pour qu'il reste alors que depuis le depuis c'était de moi qu'il fallait que je me protège, c'était à moi de ne pas rester. Les mots me manquent pour qualifier les faits. Comment ai-je fais ? Personne n'arrive à comprendre pourquoi, comment j'ai fait pour rester, une fille si brillante que moi. Mon cœur a ses raisons que ma raison ne connait toujours pas.
Je ne sais pas trop comment finir ce texte. Mon meilleur ami est décédé, et le vase a débordé. Je suis tombée tellement bas qu'est arrivé un tournant de ma vie où je n'étais bien qu'endormie, je priais pour qu'on est pitié de mon âme, pour m'endormir et ne plus jamais me réveiller. Je crois que j'allais mal. Je crois que j'étais dépressive. Pas du genre à me plaindre, j'ai commencé à écrire toutes mes peines sur un papier, comme pour voir la réalité car pour les 3/4 elles avaient un point culminant, un détonateur commun: Lui. Doucement je me suis éloignée, il l'a vu, il l'a compris. Très vite, il s'est senti menacé, il se ré-adoucissait pour revenir plus violent l'instant d'après. Je me suis levée un matin et j'ai compris, tout était clair, ce n'était pas moi que j'allais foutre en l'air. Je suis allée chez lui avec en tête que c'était la dernière fois. C'était Lui ou moi. Je l'ai quitté. Je l'ai quitté sans rien dire, une fois de plus. Ça l'a rendu fou, bien-sûr, il a explosé. Il n'en était pas question. Au début, je répondais à ses textos, pour lui ça n'était pas fini. Alors j'ai finis, par lui dire que je ne voulais plus entendre parler de lui. Zéro contact. Pour ça, j'ai attendu qu'il y ait des centaines de kilomètres qui nous séparent, il a débarqué illico, il a sauté dans un train, il est venu pleurer sur moi, me dire que ça ne pouvait pas finir comme ça. J'ai dit « c'est pas toi, c'est moi. J'ai besoin d'être seule, de penser à moi. » Ce n'était pas tout à fait faux. Il m'a supplié de revenir une dernière fois. Plutôt crever. Il a essayé de m'embrasser, de me convaincre que ce n'était qu'une passade, qu'il allait me manquer, que je ne savais plus ce que je faisais pourtant pour une fois je savais très bien ce que je faisais. J'ai réussi à le faire partir. Peut-être la chose dont je suis la plus fière dans ma vie. Il a menacé de se suicider. Je n'ai plus mis un pied chez lui. Il a appelé pendant des semaines, toutes les 5 minutes, mon téléphone portable. J'ai revu des amis que j'avais oublié depuis des mois. Il m'a fait envoyer des lettres, des mots, dans mon casier, par des gens, des connaissances à lui, s'excusant un instant, me menaçant celui d'après. Au début, je lisais, un coup il m'aimait et s'excusait, l'autre il m'insultait et me menaçait. Je les ai brûlées. Et il a fini par arrêter, par me laisser, par m'oublier pensais-je... Et je ne l'ai jamais revu. Enfin c'est ce que je croyais mais la vérité c'est que : J'ai été une femme battue. Je suis une femme battue et, une seule chose est sûre, ça n'arrivera plus.
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Elle ou Lui?
RomanceElle ne le savait pas, entre l'amour et la haine: il n'y a qu'un pas. Elle est tombée amoureuse de Lui. Il l'a charmé, il était parfait. Loin de se douter que sur elle, la main il lèverait. Voici l'histoire d'Elle et Lui, le récit de violence et man...