Chapitre 7

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Je déposai un dernier carton dans la voiture de ma mère et je la rejoignis sur la petite allée de pierres qui menait à l'entrée. Le chalet était fini. Il était magnifique sous ce ciel rosé de ce matin d'été. Il était prêt à accueillir une nouvelle histoire car il n'était plus à nous à présent.

Doucement, je posai mon bras sur les épaules de maman qui se blottit contre moi. Elle n'arrivait pas à retenir ses larmes.

Emma.

C'était mon tour de partir, c'était mon tour de chercher qui j'étais, qui je pouvais être... et le devenir. Elle avait vu un homme, il y a quelques années, qui l'avait convaincu de l'aimer. J'étais entre lui et demain. Et je n'avais plus peur de rien.

Bobby remontait du lac, les pattes mouillées, couvert de boue, avec un bâton en travers de la gueule. Il sauta directement sur le siège passager de ma voiture, comme s'il avait fait le tour, comme s'il était prêt. Et je l'étais aussi.

Je frottai le dos de ma mère pour la consoler. Elle avait cru me perdre, j'étais finalement sauvé, et je partais du coup... Elle attrapa le petit trousseau de clés que je lui tendis en reniflant.


- Tu ne veux pas rencontrer ces gens ?


Elle parlait de ce couple fraîchement marié qui souhaitait s'installer dans mon chalet pour y élever une famille, loin du monde. Dans ce petit paradis volé, oublié, caché, sacré... Mais je ne voulais pas connaître leurs visages, je préférais les voir comme s'ils étaient nous. Avec des occasions jamais manquées... Comme s'il était Liam, comme si elle était Emma. Comme si le vent ne soufflait plus, qu'ils étaient à leur place, sans envies d'ailleurs.


- Maman, tu sais bien que je ne serais pas là quand ils arriveront...

- Je ne sais toujours pas où tu vas...


Je souris, je n'en savais foutrement rien non plus ! Et je lui offris mon plus beau sourire, parce que j'avais hâte de me perdre. Hâte de me trouver.

Sans arrêter de sourire, je mis mon index dans ma bouche pour le mouiller et je levai la main, le doigt pointé vers le ciel. Alors je sentis la caresse froide d'un courant d'air qui m'indiquait le sens du vent. Il allait vers l'Est. Je regardai à nouveau ma mère et je lui indiquai la direction qu'allait prendre mon existence...


- Je vais par là, dis-je en pointant l'Est.

- Liam...

- Maman, je vais revenir, ne t'en fais plus pour moi, je vais bien.


Elle savait que je ne mentais pas, je ne mentirais plus.

Il y avait une flamme vive en moi, une étincelle de tout, d'envie, d'amour, d'audace, qui illuminait ma route. Elle était soufflée, balayée, malmenée par la peur sans jamais s'éteindre. Elle gagnait tous mes combats et j'avançais, je me relevais et rien ne pouvait plus m'arrêter. J'avais vu quelques chose dans le vide. J'avais goûté la mort. Et Emma avait fendue l'obscurité de son éclat de vie, de tout ce qu'elle avait à donné. Tout était à moi maintenant. Et je me savais capable de tout faire. Même sans elle, même si j'étais seul. J'étais entier.

Emma avait bien tout guéri, parce qu'elle était rentrée. Parce que même la mort n'avait pas pu l'empêcher de revenir vers moi. Même la mort ne pouvait pas la priver de voler, de se laisser emporter, de s'enfuir.

Emma était à moi, ni à l'après, ni à l'avant.

Juste à moi.

À tous ceux qui l'ont aimée, ceux qui n'arrêteront jamais. Et l'univers ne peut rien contre ça.

À jamais...

Seul, avec Bobby, dans l'habitacle de la voiture, je la voyais comme une aura lumineuse qui veillait sur moi. J'étais aimé. Parce qu'elle avait laissé quelque chose cette fois... Elle avait ravivée l'espoir.

Maman prit la direction de sa maison et je restai là un bon moment, au carrefour de mes choix. Il y avait la possibilité de suivre ma mère, de rentrer chez moi. Il y avait la possibilité d'attendre encore... Il y avait la possibilité de la comprendre, de goûter la liberté et risquer de me tromper. Il y avait l'Est.

Il y avait la peur, l'inconnu et l'aventure.

Le monde était immense et j'en ferais le tour. Je verrais tout ce qu'elle avait vu, plus encore. Et quand il sera temps de rentrer à la maison, c'est un autre qui reviendra.

Emma m'avait fait renaître. J'avais retrouvé ma route et je me sentais prêt à vivre. Je me promettais de le faire pour elle, jusqu'à mourir.

Jusqu'à m'envoler.

Jusqu'à nous retrouver.

En attendant, je me laisserai porter par le vent.




FIN



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Jusqu'à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant