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Lorsqu'Étienne se réveilla ce matin-là, il sut tout de suite que quelque chose n'allait pas. Rien de magique là-dedans, seulement le décryptage par son cerveau de l'absence de bruit. Cela était inhabituel, pour la simple et bonne raison qu'Étienne habitait au bord de l'océan et que depuis sa chambre à coucher, il l'entendait aussi distinctement que s'il était face à lui. Le bruit provoqué par le ressac roulait en effet sur les dunes qui l'amplifiaient et le transformaient en un bourdonnement sourd. Étienne s'était installé à cet endroit précisément pour cette raison : sans vivre sur la mer, il en était le plus proche possible. Et cela n'avait pas de prix à ses yeux. Tout lui plaisait, que ce soit la vue ou le bruit.

Mais aujourd'hui rien. Mal réveillé, Étienne commença sa journée par un bon petit-déjeuner puis une douche avant de mettre le nez dehors. Son premier regard, une fois la porte refermée derrière lui, fut pour cet océan sans lequel il ne pensait pouvoir vivre tant il lui apportait de sérénité. Mais au lieu de contempler l'immensité de l'étendue salée, Étienne posait les yeux sur une vaste plaine brune et sablonneuse. À perte de vue, plus une goutte d'eau ... Il se pinça afin de vérifier qu'il ne rêvait pas. Puis jeta un coup d'œil aux alentours... pour s'apercevoir qu'il se trouvait exactement à l'endroit où il se tenait tous les matins depuis deux ans qu'il habitait là. Et que les flots devraient donc en toute logique venir battre la côte.

Il lui fallut une bonne minute pour se reprendre et réagir face au spectacle qui s'offrait à lui. L'océan avait disparu. Il n'y avait plus d'eau. Même pas la moindre petite flaque. Et les milliers de poissons qui nageaient habituellement dans cet espace semblaient dormir sur le sol, déjà à moitié desséchés et évidemment indifférents face au cataclysme qui venait de se produire. Seulement, l'odeur de pourriture qui s'élevait de l'étendue baignée par un soleil qui annonçait une journée radieuse ne laissait aucune place au doute : les quelques pêcheurs qui travaillaient encore dans ce petit port de l'Atlantique étaient désormais au chômage. Médusé devant ce spectacle, Étienne le fut encore plus lorsqu'il aperçut au loin un homme en combinaison de plongée, tenant à la main son fusil sous-marin, deux bars de deux kilos chacun accrochés à la ceinture. Ne sachant que faire dans l'immédiat, Étienne se dit que le mieux était d'attendre cet homme pour lui demander ce qu'il s'était passé. Il aurait forcément quelques réponses à apporter à la montagne de questions qui hantaient son esprit depuis quelques minutes mais qui se rejoignaient toutes sur un point, qui était le suivant : comment un océan immense, comme l'Atlantique ou tout au moins la partie visible de cet océan depuis la côte avait pu disparaître ? Comment ?

Entre deux eauxWhere stories live. Discover now