Entre deux eaux

2.

Yves Furoni pratiquait la chasse sous-marine depuis suffisamment longtemps pour savoir que l'un des meilleurs moments pour surprendre et attraper le poisson était l'instant précédant le moment où le soleil commençait à poindre à l'horizon, c'est-à-dire en cette saison vers six heures du matin. Car à la facilité de pêcher une quantité non négligeable de différentes espèces de poissons dont la chair était d'une qualité elle non plus non négligeable s'ajoutait cette impression que seuls les lève-tôt connaissent d'être quasiment l'unique représentant des humains sur terre, et en l'occurrence également en mer. Tout l'or du monde n'aurait pu acheter ce privilège offert à Yves, qu'il savait savourer à sa juste valeur, après une vie éprouvante mais heureuse.

Cependant, en ce jour classique de chasse sous-marine, une chose qu'il ne s'expliquait pas s'était produite alors qu'il prenait le large avec son pneumatique. Il se trouvait dans l'eau, à l'endroit exact de son lieu de pêche favori. Comme souvent, la mer avait été généreuse avec lui et il envisageait de remonter sur son bateau afin de prendre le chemin du retour. Il s'imaginait déjà dans sa cuisine à préparer ses prises pour les cuisiner à midi et se régaler de poissons frais. Mais alors qu'il allait sortir de l'eau, il aperçut un magnifique spécimen. Il le visa mais perdit presque aussitôt sa cible de vue. Pour la simple et bonne raison qu'il était en train de tomber. Il atterrit sur le sol, avec une certaine violence car le fond se trouvait à environ deux mètres sous lui, mais sans se blesser pour autant. Malgré tout quelque peu sonné, il reprit cependant vite ses esprits et se rendit compte qu'il était à l'air libre ! En une fraction de seconde, l'eau avait complètement disparu autour de lui. Il se retrouvait à sec, alors qu'il était pourtant à plusieurs milles de la côte.

Cephénomène coïncida avec le lever du soleil dont les premiers rayonsl'éblouirent lorsqu'il porta son regard à l'horizon. Aucun mot ne sauraitdécrire les sentiments qui traversèrent à ce moment-là l'esprit d'Yves. Maisétant doté d'un grand pragmatisme, il pensa d'abord à se repérer pour rentrerle plus directement possible chez lui. Il voyait nettement la côte et aucunobstacle ne se présentait à lui désormais si ce n'est le relief sous-marin. Luiqui préférait amplement la nage à la marche n'avait pas le choix. Il se mit enroute.