Mes chers amis, laissez-moi vous conter une de ces merveilleuses aventures dont l'expérience ne remonte qu'à hier midi.Après une ennuyeuse matinée à effectuer les routines quotidiennes d'une vie monotone, la curiosité me convia à sortir sous le soleil tapant. Bien entendu, il faisait chaud, l'atmosphère me semblait lourde et l'herbe en général verdâtre se trouvait jaunit par le temps. Chaque pas résonnait en moi, et sans que je ne puisse résister, mon corps me mena dans le champ de maïs, à côté de chez moi. Y accéder n'est pas chose facile et le traverser l'est encore moins. Il faut éviter que le chien des voisins ne vous remarque et ne pas écraser les plantations de l'agriculteur. Me voici donc à me promener sur cette terre sèche craquelant au moindre de mes mouvements, sans objectifs, à la merci de mon instinct. Malgré les hautes tiges, je parvenais à distinguer une structure en ferraille qui grossissait à mesure que je me rapprochais. J'accélérais le rythme et n'hésitais point à me mettre sur la pointe des pieds pour voir plus clairement cette construction fascinante, au risque de trébucher. Touché sûrement par le malheur, ma cheville se brisa et je m'étalais dès lors de tout mon corps sur les graviers et le sable qui se trouvaient, il y a encore quelques instants, à quelques mètres de moi. Je venais de sortir du champ et, relevant ma tête, je pus observer une de ces routes tortueuses réservées généralement aux engins agricoles. Il me suffit d'orienter mon regard vers la gauche pour enfin pouvoir admirer l'objet tant convoité de ma curiosité.
Le hangar, source des maintes récoltes entassées au fil de la saison s'avérait être ce bâtiment fantastique. Pourtant, il n'avait vraiment rien d'extraordinaire ce hangar. Un peu vieux, rouillé, et cependant à l'aide de mes bras et de mon unique jambe désormais, je me glissais à l'intérieur.
Il fallut bien que je me cogne la tête au moins cinq fois sur le sol de marbre froid pour réaliser l'existence du palace dans lequel je me trouvais. Plus rien n'avait de rapport avec l'entrepôt ! Que de soucis du détail, de nobles décorations et de tapisseries monumentales ! Le plafond se confondait avec celui de la chapelle Sixtine et les enfants de la bien simpliste nature ne trouvaient plus leur place dans leurs rangements attribués. À la place, de minuscules soldats de plomb, tous dans de minuscules fauteuils applaudissaient en chœur et le bruit métallique résonnait dans ce château burlesque. Un immense lustre pendait au-dessus de moi et avant que je ne puisse compter le nombre de bougies à ses bras, une voix masculine, douce et chaleureuse emplit la pièce et s'adressa à moi.
« Que diriez-vous de tester avec moi, le bal de midi ? »
La question un peu maladroite provenait d'un magnifique cavalier, non, d'un Prince, un jeune homme de mon âge aux cheveux blond blé, yeux bleus myrtille, une fleur de tournesol dans les cheveux, et un petit épi de maïs dans la poche extérieur de son costume blanc et or.
Je balbutiais quelques mots, écrasé par le poids de ma timidité,
« Le... Bal de midi ?
-Oui, une danse de ma création. Si vous êtes là, ce n'est pas par hasard, j'attends depuis des années. Ô qui sait combien l'ennui m'a ravagé, mais honorons votre présence en dansant ma délivrance ! »
Il avanca alors jusqu'à moi, d'un pas confiant, se saisit de mon bras et me releva, je ne sentis aucune douleur par rapport à ma cheville.
« Si vous êtes prêt, dansons ! »
Et nous entamâmes, sans musique, une danse bien classique de bal. Étonnamment, nos mouvements se correspondaient à la perfection, à vrai dire, je n'étais encore une fois plus maître de mon corps. Au bout de quelques minutes, une douce musique au piano débuta et le rythme changea. La couleur de la pièce aussi; l'atmosphère devenait orange. Puis se rajouta un autre instrument, changeant encore une fois le rythme de nos pas, la musique, la couleur et ainsi de suite, tel un Boléro extravagant. Les petits soldats aussi dansaient entre eux, mon chevalier me souriait de plus en plus, il rigolait même parfois ! Une rapide éternité passa, la musique ralentit, la couleur s'assombrit et le Prince et moi nous enlaçâmes l'un à l'autre dans une ultime étreinte.
« Merci Luc. », il me souffla dans un murmure chaud à l'oreille. Mon corps frissonnait et j'avoue avoir eu du mal à me séparer de lui. Mais il le fallait.
La salle, il n'y avait pas si longtemps éclatante et débordante de luxe à la française se ternit et une auréole blanche, trop blanche se trouvait-être l'unique source de lumière de ce lieu. Je ne voyais désormais pas plus loin que trois pas et le jeune homme si magnifique, me brisa l'âme par son regard si troublé.
« C'est donc cela la fin, être finalement confronté aux ténèbres que nous redoutons tant depuis l'enfance. À quoi bon naître, si c'est pour par la suite les laisser nous engloutir ?
-C'est peut-être justement pour vivre ce dernier moment, un moment inoubliable, fugace, que l'on ne regrettera jamais, un moment de délivrance où nous, pauvres humains, succombons de grâce au plaisir sans se préoccuper de l'avenir. »
Ces paroles si soudaines prononcées par ma personne eurent raison du Prince et le voilà en face de moi sangloter. Il s'approcha et me baisa la tête avant de se retirer. Soudain, telle une flamme ardente brulant mon cœur, le garçon s'illumina intensément et son corps se décomposa en mille et un fragment de lumière et disparu, sous mon regard emplit de larmes. Je n'ai à partir de ce moment, que le souvenir de mon corps impuissant s'effondrant lamentablement sur le sol de terre dure.
Je ne repris connaissance que le lendemain dans la matinée, ici, dans cet hôpital, les personnes chères à mon cœur à mon chevet. Tous me contemplaient, un léger air de pitié dans leur regard. « Tu t'es cassé la cheville Luc ! », me lança Clara un sourire en coin, amusée de me voir dans cette inconfortable position, la jambe gauche surélevée. Je restais étonnamment calme moi d'ordinaire si exubérant, encore songeur face aux évènements récents. Philippine me toisait du regard, elle sentait que quelque chose n'allait pas, mais elle ne dit rien, préservant le doute qui s'installait sûrement dans sa tête. On me raconta que l'on m'a retrouvé inerte dans un hangar près de chez moi, la cheville brisée et mon corps sali par le sable. Mes parents inquiets de mon sort, ont par la suite appelé une ambulance. Après quelques formalités, je sortis en béquille pour rejoindre la voiture. C'est d'ailleurs dans celle-ci que je vous écris en ce moment mon aventure, et ce serait vous mentir si je ne vous disais pas que lors du départ de l'hôpital, j'ai aperçu du coin de l'œil avant que ne se referme les portes de l'ascenseur du couloir principal, un jeune homme aux cheveux blond blé, yeux bleus myrtille, une fleur de tournesol dans les cheveux, et un petit épis de maïs dans la poche extérieure de son costume blanc et or.
Fin.
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Le Bal de midi
ParanormalAlors que je me baladais dans les champs, je fus confronté à une incroyable rencontre qui bouleversa à jamais ma vie. Je vous laisse la découvrir.