Am I Wrong | Jungkook

Partie 3

Cela finit par arriver. C'était inévitable. J'avais toujours su que cela arriverait.

Ils avaient tous quitté le dortoir. Yoongi et moi avions emménagé dans un appartement plus petit où nous avions cohabité pendant un an, puis il était lui aussi parti. Il s'était acheté un joli appartement-studio où il pouvait passer toutes ses nuits à composer sans que personne ne lui dise d'arrêter et d'aller se coucher, comme je l'avais souvent fait. Lui aussi me disait cela, les soirs où je jouais aux jeux vidéo jusqu'à en avoir les yeux rouges. Nous pensions tous qu'il allait finir par se tuer à la tâche, jusqu'à ce que nous apprenions qu'il avait emménagé dans le même complexe résidentiel que sa petite amie.

Tout le monde s'était dit que ça irait pour moi. Après tout, j'avais toujours aimé être seul. Quand ils avaient chacun commencé à sortir plus sérieusement avec quelqu'un, je m'étais distancé d'eux, car il était bien plus blessant d'être rejeté lorsque je leur proposais de sortir ensemble que de ne pas leur demander du tout.

Tout le monde s'était dit que ça irait pour moi. Je m'étais dit la même chose également. Je croyais m'être préparé à ne plus entendre le son de la porte d'entrée à trois heures du matin, lorsque Yoongi rentrait. Mais au lieu d'être réveillé par le bruit de son arrivée, je me retrouvai incapable de m'endormir.

Deux semaines après le départ de Yoongi, j'avais déménagé sans prévenir, avertissant uniquement mon manager. Je ne supportais plus de voir cette pièce vide qui avait appartenu à Yoongi.

Vivre seul, c'était différent. Ce n'était pas aussi terrible que je l'avais toujours imaginé. Il n'y avait personne pour se plaindre de la musique forte, des lumières restées allumées ou de mon retour tardif le soir. Il n'était pas désagréable de vivre seul, et je compris alors que ce que je craignais réellement, c'était de mourir seul.

Nous étions toujours BTS. Nous passions toujours de bons moments ensemble, nous nous entraînions et nous travaillions ensemble. Sauf que nous ne le faisions plus que lors des horaires spécifiquement prévus pour cela.

Je leur avais demandé à plusieurs reprises si cela les intéressait de prévoir une sortie ensemble lors de nos prochains jours de congé, mais eux attendaient tous avec impatience de pouvoir faire quelque chose avec leurs partenaires respectifs. Et je comprenais cela, sincèrement. Il m'arrivait moi-même de sortir avec d'autres amis de temps à autre, même si nos emplois du temps ne s'accordaient que très rarement. Je passais donc mes vacances à travailler. Je m'y consacrais totalement, comme je ne l'avais plus fait depuis nos débuts. J'écrivais de nouvelles musiques jusqu'à remplir tous mes carnets. J'enregistrais cover après cover, même si je n'en publiais que quelques-unes. Je m'entraînais pour notre dernier album et répétais nos anciennes chorégraphies. Je dansais à m'en faire saigner les pieds, puis je dansais encore. Pas besoin d'être un génie pour deviner que je n'allais pas pouvoir tenir un tel rythme longtemps, et je finis par m'écrouler.

Je me réveillai un matin et observai mon plafond blanc, me demandant quel était le but de tout ceci. Tout le monde ne cessait de répéter que tomber amoureux illuminait la vie. Le but même de la vie était de tomber amoureux puis d'avoir des enfants. J'étais à peu près sûr de ne pas pouvoir atteindre le point B sans passer par le point A. En réalité, je n'avais jamais envisagé le point B puisque je n'avais jamais été attiré par le point A. Je ne pouvais accéder au point B que si j'acceptais de passer ma vie à mentir et prétendre aimer quelqu'un différemment de la manière dont j'aurais aimé un ami. Ça n'avait pas d'importance. Je n'avais pas spécialement envie d'atteindre le point B de toute façon, mais cela me ramenait alors à la même question. Quel était donc le but de tout cela ? Pourquoi me tuais-je ainsi à la tâche tous les jours ? Pour qui ?