Fleuve de l'ivresse

Rester là, là seul avec ses pensées,
Et écouter le chant du piano.
Les doigts récitent leur valse dansant sur les touches,
Et je reste là, seul me faisant bercer...
Je me perds dans le fleuve de mes esprits,
Je tente de remonter à contre-courant,
Mais il est temps que je laisse le Léthé,
M'emporter dans le froid de son lit...
Rien ne sert de luter contre le temps,
Il est une fatalité à accepter.
Pourquoi se rappeler ? Il faut que j'oublie...
Je descend encore et encore, impuissant...
Emporté au gré des serpenteaux,
Coulant dans le lit du cingle désormais
Trop calme pour me porter...Je regarde, là-haut,
À la  recherche de quoi ? Rien ne m'attend...
Mais qui sait ? Un ange pourrait en tomber.
Mais rien, pas même un nuage ici haut...
Tout s'assombrit progressivement...
Je me sens lourd, fatigué et las...
Mon corps frêle, écrasé, étreint par le froid
Semble abandonner l'idée de se battre,
Son rythme d'antan effréné n'est plus,
Il ne semble plus être question de survivre,
Juste laisser l'obscurité s'accroître,
sans se battre, juste se laisser sombrer...
Inévitable... Ce naufrage me rend ivre...
Ivre, ivre de cette douleur, cette dernière chaleur,
Ivre de l'être qui veut vivre, qui habite mon cœur...
Ivre des remords et repentances de mon temps...
Ivre, ivre de la mort me saisissant.

Sûgo Tanaka
7 Octobre 2019