Sisters

Chapitre 4

Les filles avaient fini de manger il y avait bien dix minutes. Dix minutes qu'elles étaient restées à table à discuter de tout et de rien. Enfin, qu'Emma parlait encore et encore alors que Luna ne faisait même pas semblant de l'écouter. 

-Je propose qu'on continue cette super journée d'anniversaire en traînant en ville ! Je dois y retrouver Jenny, ça te dit ?

Luna resta perdue dans ses pensées tout en faisant tourner sa paille dans son grand verre vide qu'elle fixait des yeux, comme concentrée.

-Hé oh ! Luna ?

Cette dernière leva les yeux, surprise, vers son amie qui attendait une réponse.

-Euh, tu disais ?

-Une petite virée en ville avec Jen' et moi, partante ?

Jenny était une autre serveuse du bar dans lequel elle travaillait. Celle-ci s'entendait parfaitement avec Emma, contrairement à Luna qui ne savait jamais quoi dire en sa présence. Prise au dépourvu, Luna chercha une parade pour s'éclipser du petit projet que sa camarade venait d'exposer.

-Euh... Non, ça ira merci, je ne me sens pas très bien... J'aimerais me reposer avant mon service ce soir.

-T'es sûre ? Oh allez, insista-t-elle. Pour une fois que tu sors, c'est tellement rare.

Emma venait de mettre le doigt sur quelque chose. Si Luna ne sortait pas autant, c'est qu'elle ne se sentait pas à l'aise hors de chez elle. Le contacte avec les autres a toujours était une chose difficile pour elle qui avait du mal à faire confiance à qui que ce soit, ironique pour une serveuse dans un bar constamment en contact avec des clients.

-Non... Non, je pense que je vais vraiment rentrer, fit-elle un peu gênée.

-Hmm... bon... j'imagine que tu ne changeras pas d'avis...

Luna fronça des sourcils. En temps normal, sa collègue ne l'aurait pas laissé filer aussi facilement et aurait même trouvé mille raisons pour la faire venir avec elle. Elle s'était même déjà préparée à l'affronter dans un combat d'excuses pour pouvoir se désister.

-Quoi ? C'est tout ? Tu me laisses partir comme ça.

-Et bien à chaque fois qu'on débat sur ce genre de chose tu finis toujours par ne pas venir, alors je nous économise du temps.

-C'est pas vrai ! Il y a pleins de fois où je suis venue avec toi !

-Ah oui ? Vas-y donne des exemples.

-La fois où... commença-t-elle avant de se couper. Et celle où...

Emma la regarda, fière qu'elle se soit rendue à l'évidence.

-Bon d'accord, reprit Luna, je n'aime pas trop sortir, t'as gagné.

-Mon but n'était pas de « gagner » mais ravie que tu vois la vérité en face.

Luna roula des yeux, au plus grand bonheur d'Emma qui sourit.

-Bon ! Fit cette dernière en tapant de la main sur la table. Je vais y aller alors. Dernière chance pour toi de te joindre à nous.

-Tu ne viens pas de dire que tu n'insisterais pas ?

-Bon bon, très bien, j'arrête ! On se voit ce soir.

Luna savait parfaitement que son amie n'était pas du genre à lâcher le morceau, cela même lorsqu'elle disait le faire, ce qui ne manqua pas de la faire doucement sourire.

-À ce soir, lança-t-elle à son amie qui s'était levée.

-C'est pour moi, dit cette dernière en sortant quelques billets avant d'aller payer.

Luna resta un instant sans bouger de son siège, elle soupira soulagée de pouvoir rentrer. Elle profita de sa solitude tout en mangeant les quelques frites qui étaient restées au fond de son plat. Elle observa autour d'elle les autres qui semblaient vivre tranquillement leur petite vie à l'intérieur du restaurant. Le bruit des gens parlant et mâchant autour d'elle semblaient s'être accru depuis le départ de son amie, la poussant à ne pas s'attarder ici davantage.

La jeune fille se leva et prit son sac suspendu au dossier de sa chaise. Lorsqu'elle l'enfila sur son épaule, en levant la tête, elle vit par la fenêtre, de l'autre côté de la rue l'homme qui l'avait abordé plus tôt. Il se tenait droit, face à elle, la regardant, nullement gêné qu'elle l'ait remarqué. Elle ne bougea plus. L'homme lui sourit et lui fit un signe de la main, comme pour la saluer, confuse, elle lui rendit son geste, hésitante. Il lui sourit une nouvelle fois avant de remettre sa main dans la poche de sa veste et de passer son chemin. Dans l'incompréhension, Luna sortie du restaurant et se dirigea vers chez elle, espérant qu'il ne l'ait pas suivi.

Elle marcha quelques minutes jusqu'au moment, où elle vit une petite créature familière lui barrer la route.

-Poubelle ? S'étonna-t-elle. Tu me suis ou quoi ?

Le chaton gris s'approcha d'elle en miaulant, et vint se frotter à sa jambe dans un ronronnement qui s'élevait jusque ses oreilles.

-Tu ne me lâchera dont jamais ? Vas t'en, lança-t-elle doucement.

Elle se dégagea du chat pour continuer sa route. Celui-ci, déterminé à recevoir son lot de câlins se mit à la suivre, ce qu'elle remarqua aussitôt.

-Ah non, tu ne vas pas me suivre jusque chez moi quand même ?

-Miaou.

Luna sourit, comme si elle avait eu l'impression qu'à ce moment précis, le chaton lui avait répondu.

-« Pas de chats à la maison » qu'on m'a dit, fit-elle comme si elle récitait une règle de vie.

Poubelle s'avança vers elle et se frotta à nouveau contre son jean. Luna se surpris à le trouver mignon, et se laissa aller à quelques caresses. Il ronronna plus fort encore.

-Mais je suis seule à la maison. Personne ne peut m'interdire de t'y emmener, si ?

-Miaou.

Elle ria, cette fois-ci, elle en était sûre, le chaton lui répondait bel et bien.

-Voilà ce que je te propose. Je te laisse marcher à côté de moi, si tu es toujours dans mes pattes une fois à la maison, alors tu pourras rester, on fait comme ça ?

C'est dans un énième miaulement, que la petite créature lui répondit, comblée par les grattouilles qu'elle recevait.