Il doit être environ trois heures du matin quand je m'extirpe douloureusement de mon cauchemar sans fin. Je n'ai pas dû dormir plus d'une heure ou deux et un sentiment de fatigue mélangé à de la désespération confirme mes propos. Je regarde mon réveil: 2h47.
Par pur réflexe je lève les yeux en direction de mon velux à la recherche du doux réconfort que m'offre habituellement la lumière blanchâtre de la lune en cette fin de janvier. En vain: la vitre n'avait toujours pas était remplacée depuis l'orage du mois dernier et seuls mes dessins peints sur le carton s'y trouvent. C'est donc sans aucune envie que je me sépare de ma couette après une énième nuit courte et difficile.
"- Tu as une tronche déplorable ma pauvre Rosa... " constatai-je en me regardant dans le miroir de ma coiffeuse."
Cela faisait maintenant sept mois que je n'avais pas était capable de sombrer dans les bras de Morphée pour plus de quatre heures et environ trois mois que quelque chose avait radicalement changé en moi. En revanche, ça faisait bientôt dix-sept ans que je n'étais toujours pas heureuse et que je ne me sentais pas vivante.
Sans grand enthousiasme, j'ouvre le premier carton de la pile près de la porte de ma chambre et en sort une veste chaude. Je me fige un instant, fixant le manteau beige -avec pour seul détail la fourrure blanche polaire qui entoure la capuche- que je tiens entre mes mains. Je ne l'ai plus reporté depuis la nuit de l'incendie mais je refuse de prendre le risque de réveiller mamie en allant en chercher un autre...
"la dépression" continueront de dire les médecins ; "la peur" affirmeront les passants ; "la honte" siffleront les habitants de ma ville natale.
Je sers les poings et fonce en direction du balcon -sans pour autant oublier mon enceinte posée sur le bureau-. A peine la porte était-elle ouverte que le vent glacial d'hiver me fouetta le visage et s'engouffra dans ma chambre, faisant voler mes cheveux blonds.
J'allume la sono tout en m'emmitouflant dans ma veste. Un air de violon se répand alors sur tout le balcon s'évaporant petit-à-petit dans la nature... Tout en continuant à veiller à ne pas réveiller mamie, je me saisie d'un gros sac noir avant de monter sur le toit par la vieille échelle rouillée. La brise est fraîche et quelques flocons volent de-ci de-là, emmêlant mes cheveux ternis par le manque de sommeil et la sous-alimentation. J'ouvre la porte imposante de la véranda et dépose mon enceinte au sol. Je sors un plaid de mon sac avant de m'installer confortablement sur la balancelle. Les courants d'air me bercent au rythme d'une symphonie de Chopin mais je n'ai pas froid. J'observe ces astres qui me fascinent tant et pour la première fois depuis bien trop longtemps, je me sens épanouie. Je me sens en vie.
***
"- Rosa? Il est déjà 7h30... Si ça continue comme ça, tu vas être en retard en cours." me secoue doucement mamie.
Les cours. C'est bien le dernier endroit où je souhaite aller actuellement.
"- Et puis le match de Mattis est aujourd'hui" rajoute-elle malicieusement.
Ce simple prénom suffit à me faire ouvrir les yeux. Depuis que je suis arrivée ici, Mattis est le seul à m'avoir accueilli à bras ouverts sans se fier aux rumeurs. Je l'ai tout de suite grandement apprécier. Mamie aussi d'ailleurs. Elle ne cesse de me répéter que je devrai lui laisser une chance, que ce "pauvre garçon n'a d'yeux que pour moi". Personnellement je ne la croie pas vraiment et ce même si je dois avouer que cette perspective m'a semblait tout à fait charmante au début. Cependant, je ne pense plus ainsi depuis mon retour au lycée. En effet, moi qui pensait qu'il serait la pour moi, il m'a lâchement abandonné dès le premier jour, quand les "populaires" ont décidé de faire de moi leur nouveau souffre-douleur. Je ne lui en veux pas pour autant et continue même à le voir en dehors des cours malgré ce petit "désagrément". Il est donc hors de question que je manque ce match.
Je me précipite hors de la véranda, redescend l'échelle à toute vitesse et m'engouffre dans ma chambre sous les rires de mamie. Je me prépare rapidement et ne me maquille que très peu. Même un camion de fond de teint ne camouflerait pas ma fatigue alors à quoi bon? Je m'accroche rapidement les cheveux en un chignon mal fait, me chausse et me précipite au rez-de-chaussée. Je fait demi-tour à mi-chemin et remonte chercher mon téléphone avant de passer à la cuisine et prendre mes médicaments. Je me dirige vers la sortie et croise mamie en cours de route.
"- A ce soir, ma chérie." me salut-elle.
"- Bisous, je t'aime fort."
Je continue mon chemin sans oublier de la prendre dans mes bras avant de sortir.
"- Et embrasse Mattis pour moi!"
Je rigole à ses derniers mots, l'imaginant son fameux sourire aux lèvres.
***
Je m'arrête sur le porche de Mattis où celui-ci m'attend. C'est comme un rituel matinal. Je le rejoins devant chez lui et nous marchons jusqu'au lycée en parlant de tout et de rien avant de nous séparer et de commencer nos journées. Et interdiction de se parler une fois rentrés dans l'enceinte du lycée. C'est comme un code secret que nous nous sommes attribués. C'est un populaire et moi une parias, nos mondes ne sont pas fait pour coexister.
Je repense aux paroles de mamie et me met sur la pointe des pieds pour lui embrasser la joue en guise de salutation.
- "Et bah dis-moi, tu es bien joyeuse aujourd'hui. Une raison particulière?" rigole-t-il sachant très bien que j'attend ce match depuis tout aussi longtemps que lui.
Je lui souris du mieux que je peux et lui répond que c'est de la part de ma grand mère. La discussion continue ainsi sans aucune gène et dérive rapidement sur le sujet qui nous brûle tout deux les lèvres: Le match de ce midi.
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gONE.
Viễn tưởngIls ne cessaient de me dire que j'avais de la chance, que j'étais différente, que je pouvais changer le cours des choses, que je portais l'espoir en moi. A leurs yeux, la Cause, la vraie, la grande, l'unique, prend le pas sur l'Humain. I...