Florence : 10 ans - Partie 1

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10 ANS !

Dix ans, c'est l'âge de ma prise de conscience, l'âge auquel je me dis qu'il faut que ça cesse.

Vous avez compris que je parle de ce qui m'a touché sans langue de bois, sans détour, et ce pour une bonne raison : donner l'envie aux femmes, aux filles, d'aller de l'avant.

Pour cela, il faut pouvoir regarder les choses en face, nommer un chat un chat et se reconnaître victime avant de pouvoir passer à l'étape suivante. L'étape suivante est celle de l'acceptation avant de pouvoir effectivement se rebeller. Pourquoi ? Parce que ce qui a été ne peut être changé. Enfin, à moins que vous n'ayez une machine à remonter le temps, mais personnellement je ne l'ai pas trouvé... Donc, accepter ce qui ne peut être changé.

C'est bête, n'est-ce pas ? Cela peut même paraitre choquant de lire ces mots :

« accepter »

« Acceptation »

Pourquoi, comment accepter de tels actes ?

Qu'est-ce que l'acceptation vient faire là ? Il ne s'agit pas d'accepter les actes en eux-mêmes. Non. Bien sûr que non. Il s'agit d'accepter les avoir vécus ! C'est ce qui fait toute la différence. J'en parlerai dans une prochaine émission mais je tenais à le préciser dès à présent.

Une autre étape est celle de la dénonciation de ces actes et, me concernant, elle aura pris bien plus de temps. Oh, pas dans ma famille, non ! J'ai parlé relativement tôt de ce que j'ai subi. Dans ma famille j'ai révélé l'affaire avant même d'avoir 20 ans. Mais du point de vue de la société, il m'aura fallu attendre mes 43 ans et la création de ce podcast pour commencer à agir à ma façon.

Comme je le disais, mon vécu n'est un secret pour personne dans mon entourage. Ils en connaissent l'existence à des niveaux plus ou moins différents, certes. Mais en tant que citoyenne, j'estime n'avoir jamais rempli mon devoir. Je n'ai pas alerté, je n'ai jamais pris part à quelque débat que ce soit, je n'ai pas monté d'association, je n'ai pas choisi la voie de la justice puisque je n'ai jamais porté plainte. Par choix, et oui voilà vous aurez une autre émission car ceci est un autre sujet ! Je n'ai pas non plus montré qu'une autre voie était possible : celle de la résilience, celle de l'espoir, celle de l'amour de la vie.

Mon grand-père est mort à plus de 101 ans, il y a ... seulement deux ans ! Et c'est la fameuse affaire Weinstein qui a contribué à me décider, à me dévoiler, à prendre la parole.

Il y a si peu de femmes qui parlent de ce qu'elles ont subi. Cela n'a rien d'étonnant pour diverses raisons. L'une d'entre elle, la plus importante selon moi, c'est avant tout que leur bourreau se situe, comme le mien, dans leur propre famille ou entourage amical proche.

Inceste et pédophilie ne vont pas forcément ensemble. Les « incestueux » ne sont pas tous nécessairement pédophiles. Et les pédophiles sont très rarement incestueux. C'est souvent dans les situations d'inceste que les traumatismes sont les plus profonds. Je suis malheureusement née avec ce package, ce 2 en 1 (et je ne parle pas de shampoing !) et dans mon malheur, je m'estime très chanceuse. Je sais, cela fait bizarre à entendre.

J'ai donc dû affronter et combattre un violeur dans mon propre camp, un homme investi de mon amour filial car, à moins d'être battue, violenté physiquement et psychologiquement, qui n'aime pas ses grands-parents ?

Comme toute petite fille qui aimait son grand-père, celui qui offrait des pièces de monnaie pour s'acheter des bonbons, celui qui riait et chantait avec son accent sicilien, celui qui lançait des "mangia la pasta" alors que je boudais les petits pois qu'y s'y trouvaient, celui qui m'emmenait à l'école, à peine âgée de 4 ans, accrochée à sa taille sur sa mobylette, celui qui m'emmenait au jardin sur les bords de Loire voir comment grandissaient les citrouilles sur lesquelles je pouvais rester assise. Cet homme, je l'avais investi émotionnellement.

Vous remarquez comme les souvenirs que je viens d'évoquer sont joyeux ? Oui ? Vous avez raison. Ils le sont vraiment pour moi. Sans la résilience, jamais je ne serais capable de prononcer une seule de ces phrases. Car le paragraphe précédent aurait pu être lu et entendu d'une tout autre manière. Attention à vos oreilles :

« Comme toute petite fille qui aimait son grand-père, celui qui m'offrait des pièces de monnaie pour acheter mon silence, celui qui riait et chantait avec son accent sicilien après avoir joui grâce à moi, celui qui lançait des "mangia la pasta" alors que je boudais les petits pois qu'y s'y trouvaient ? Non, non, je boudais parce qu'après le repas je savais que ce serait l'heure de la sieste, celle où il pourrait me pénétrer d'un doigt ou frotter son sexe contre ma vulve, celui qui m'emmenait à l'école, à peine âgée de 4 ans, accrochée à sa taille sur sa mobylette en ayant tenté de me caresser pendant la nuit alors que je dormais, celui qui m'emmenait au jardin sur les bords de Loire voir comment grandissaient les citrouilles sur lesquelles je pouvais rester assise, mais seulement après m'avoir fait sucer son sexe dans la cabane... la cabane des bords de Loire... »

#2 - Florence : 10 ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant