Encore un titre au pif pour une histoire sans fin

Premier et ultime chapitre

Aujourd'hui est le jour tant attendu.

Ce fameux jour qui est censé déterminer mon destin. Dans le mystérieux village où je vis, une cérémonie se déroule chaque année, aux premiers jours du printemps. Plus qu'une cérémonie, on pourrait considérer cela comme un rite d'initiation. En effet, puisque c'est à cet événement que les jeunes gens ayant atteint l'âge de dix-huit ans deviennent officiellement des guerriers, dont le destin est de protéger le village. Bien sûr, tous ne deviennent pas guerriers. C'est le rôle de la cérémonie de désigner qui le sera.

Dès notre naissance, un cristal nous est offert par le druide du village. Ce cristal est très important et précieux, les anciens disent qu'il nous protège du malheur et des sentiments mauvais.

Le rite débute par des chants et danses traditionnels, que les anciens pratiquent en cercle autour de ceux ayant atteint l'âge requis. Ils reçoivent en même temps des pétales de fleur et des herbes que les autres habitants projettent sur les élus. Puis, ces élus se positionnent en arc de cercle autour du forgeron du village, qui étale devant eux une panoplie d'armes diverses, allant de la dague jusqu'au marteau de guerre en passant par la lance et l'arc. Toutes ces armes ont été préalablement trempées dans l'eau de la rivière d'Oxyra, réputée pour ses vertus magiques.

Par la suite, le forgeron laisse place au druide, qui commence à marmonner une incantation. Au son de sa voix et des paroles incompréhensibles qu'il prononce, les cristaux de certains élus se mettent à scintiller, et à vibrer jusqu'à léviter dans la direction des armes, mais sont retenus par des lanières de cuir autour du cou des jeunes élus. Surpris, déconcertés, chacun se met à s'extasier face à la magie du phénomène, qu'ils ont pourtant déjà observé chaque année depuis leur naissance.

Cette année précisément, j'ai dix-huit ans.

Je fais partie des élus.

Et mon cristal brille de mille feux.

Ce moment d'euphorie s'estompe quand le druide nous demande de reprendre notre calme pour pouvoir continuer. Il incite ensuite tous ceux dont le cristal s'est activé d'avancer de quelques pas. C'est à ce moment-là que je me rend compte que nous ne sommes que six à avoir été choisis, sur une vingtaine de personnes. Le druide ordonne à un jeune garçon sur ma droite de s'avancer lentement vers le tas de métal, en laissant l'arme venir d'elle-même à lui.

Le garçon s'exécute, et tandis qu'il s'approche les armes se mettent instantanément à trembler, faisant un vacarme en s'entrechoquant les unes contres les autres.

Soudain, l'une d'elle jaillit du tas et atterrit directement dans la paume de sa main. C'est une lance, d'environ deux mètres d'envergure, et possédant une pointe à chacun des deux bouts. Alors qu'il la brandit tel un trophée de guerre, la foule l'applaudit et l'acclame, comme pour le remercier des responsabilités qu'il va devoir supporter toutes sa vie.

Puis, il rejoint sa famille qui l'accueille à bras ouvert, laissant la place à la personne suivante pour recevoir son cadeau bénit. Cette fois-ci, c'est une jeune fille qui s'avance. Le bruit intempestif reprend, et sort du lot une sarbacane, qui fait d'ailleurs lâcher un petit cri de joie à la nouvelle guerrière. De nouveaux applaudissements, puis les élus passent chacun leur tour, l'un après l'autre, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un : moi-même.

Toute l'attention est portée sur moi, les regards sont fixés, et plus personne n'ose parler. Face à tant de pression, j'hésite un peu, avant de me diriger vers ce qu'on pourrait comparer à un tirage au sort. Je tend délicatement ma main vers la montagne de ferraille, puis patiente jusqu'à ce que la magie opère.

Seulement, j'ai beau patienter, mais rien ne se produit. Je tente de me concentrer, pour voir si je suis censé attirer moi-même l'arme, mais je n'y parviens pas avec toutes les messes basses qui circulent dans la foule autour de moi. Le brouhaha s'intensifie, on parvient à distinguer les interrogations de chacun, même le druide est déconcerté par les événements.

Quand tout d'un coup, quelque chose de quasiment imperceptible passe devant mes yeux. Comme un éclair, une chose fine et vive tournoie à toute vitesse autour de moi, si vite qu'il est impossible de comprendre ce que c'est. La chose capte l'attention du public, qui se tait, abasourdi par l'étrangeté de la scène. Progressivement, l'éclair ralentit et arrête de tournoyer pour venir se poser dans ma main.

Mon arme a été choisie : c'est un crayon.