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Sa démarche est fluide et assurée. Rien dans son attitude ne traduit la moindre gène de se retrouver seul avec moi. Comme si rien ne s'était passé, comme si notre torride baiser n'avait pas eu lieu.

A contrario, je suis très mal à l'aise.  L'empreinte de ses lèvres brule encore les miennes et la honte m'envahit quand je repense à la légèreté dont j'ai fait preuve dans l'ascenseur. Son odeur me parvient et attise en moi un millier de sensations jusque-là inconnues.

Il se sert un verre d'eau fraîche et fait couler des glaçons à l'intérieur via le conduit du réfrigérateur conçu à cet usage. Il attrape un citron dans la corbeille à fruit, le coupe en deux et en retire le jus avec un presse agrume. Ses gestes précis respirent la sérénité. Il prend son temps pour enlever les pépins avant de mélanger les deux liquides.

Je profite qu'il soit absorbé dans sa préparation pour le détailler. Automatiquement mon regard se pose au centre de son visage. A mon grand soulagement, plus une trace de contusion. Son nez à retrouvé sa taille et sa couleur normales. Légèrement convexe à l'ensellure , il dévoile les origines hispaniques de Call. Ses cheveux ont poussé, des boucles sombres encadrent à présent son front et une barbe de quelques jours fait ressortir la chair de sa lèvre inférieure.

Le voir si calme m'agace. Notre étreinte ne l'a pas marqué. J'ai même l'impression qu'il en a oublié jusqu'à l'existence. Évidement j'aurais du m'en douter. Il est avocat depuis déjà quelques années, il a dû finir ses études il y a une dizaine d'années, ce qui lui fait environ douze ans de plus que moi, alors les émois d'une frenchie encore vierge doivent être le cadet de ses soucis.

A bien y réfléchir, c'est bien mieux comme ça, de toute façon mes cours à là facultés vont me prendre tout mon temps. Qu'il termine rapidement de préparer sa citronnade et retourne parachever son contrat, voilà ce que je souhaite. Qu'il me laisse prendre tranquillement mon goûter, seule dans mon cocon musical.

Attendant qu'il quitte la cuisine, je me concentre pour ne pas divulguer quoi que ce soit de mes états d'âme; ne pas laisser transparaître ma colère, mais son verre en main, il s'assoie nonchalamment sur le tabouret en face de moi, se laisse aller sur le siège et s'étire. Il compte prendre sa pause ici. Il est vraiment sérieux ? Il ne voit pas que sa présence me déplaît ?

De toute façon, s'il reste ici c'est moi qui pars. Impossible pour moi de rester avec lui et feindre un semblant de cordialité. Fuir, mettre de la distance entre lui et moi est la chose la plus censée que je puisse faire. Ne pas occuper mon cerveau avec des préoccupations stériles et inutiles.

Je prends mon bol et me lève.

— Tu retournes travailler ? me demande t-il .

— Oui, vous n'êtes pas sans savoir que j'intègre la faculté de Yale à la rentrée. J'ai déjà pris une pause plus longue que nécessaire. Vous m'excuserez mais je vais finir ça devant le code civil, je lui répond avec froideur et détachement, en montrant mon bol de céréales.

Je me dirige le plus calmement possible vers la porte de la cuisine, mais quand je suis hors de vue de Call j'accélère le pas et me réfugie dans ma chambre.

Croque la Pomme ! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant