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           POINT DE VUE D'AROLE

« Lorsque j'aurai enfin guéri de mes blessures et dompté mes insécurités, je reviendrai vers toi, Mademoiselle Rolzou. Attends-moi, juste un peu ! »

Il y'a 7 ans, j'avais pris cette même décision de me reconstruire comme je le souhaite encore le faire aujourd'hui.

A l'époque, c'était aussi une décision dictée par un désir ardent de renaissance, de réinvention, mais aussi par une soif insatiable de liberté. Je choisis alors de m'exiler, de fuir dans les méandres d'un pays lointain, où je pourrais être seul, entièrement seul, face à moi-même, dans l'espoir de me retrouver.

Je fuyais, très loin, des spectres oppressants de ceux qui avaient nourri en silence les plaies les plus profondes de mon âme. Des êtres dont les mots acérés, les gestes tranchants, et parfois même les silences glaçants, avaient gravé en moi des cicatrices invisibles, mais terriblement vivaces.

Je m'étais convaincue que l'éloignement serait mon ultime salut. Je croyais que ce serait la clé d'une paix intérieure, la voie vers une délivrance absolue, où je pourrais enfin me regarder autrement, sous un prisme dénué des ombres de mon passé. Je rêvais de cette liberté absolue, d'une vie où l'air serait plus léger, où les chaînes des attentes implacables de mon père et le courroux accablant de ma mère ne pourraient plus m'atteindre.

Naïvement, je pensais que la distance suffirait à effacer les stigmates de mon histoire, à sceller cette plaie béante que je portais en moi comme un fardeau insoutenable. Je croyais que cela me guérirait.

Mais aujourd'hui, je comprends à quel point cette illusion était trompeuse. Loin de m'élever, cette fuite m'a précipitée dans des abîmes plus sombres encore. Elle m'a conduite à des chutes insidieuses dont les échos se sont manifestés de manière inattendue : je me suis jetée à corps perdu dans la boxe, pensant y trouver un exutoire, un moyen de me reconstruire. Mais cette quête, elle aussi, était viciée dès ses prémices.

Aujourd'hui, j'ai compris pourquoi cela n'avait jamais marché.

Ma fuite n'était pas un acte de courage ou d'introspection. C'était une révolte nourrie par la haine, un brasier destructeur qui consumait tout sur son passage.

Je n'avais ni la lucidité ni la pureté d'intention nécessaires pour entreprendre cette introspection véritable. Je fuyais, oui, mais pas seulement pour me reconstruire.

En vérité, je fuyais aussi pour défier, pour blesser, pour infliger à mes parents un semblant de l'angoisse qu'ils avaient imprimée en moi. Je voulais que ma mère, cette figure autoritaire et implacable, perde pied, qu'elle goûte à l'impuissance face à mon émancipation. Je savourais d'avance l'idée de son tourment, de cette douleur qui résonnerait comme un écho de la mienne.

Mais cette vengeance silencieuse, ce plaisir amer que je prenais pour un triomphe, n'était en réalité qu'une autre chaîne, une autre forme d'emprisonnement. Loin de m'émanciper, cette rage m'enchaînait à mon passé.

Elle m'a enfermée dans un cycle infernal de souffrance et m'a conduite à développer une addiction à la boxe, non pas par passion, mais parce qu'elle était devenue ma bouée dans un océan de douleurs insurmontables.

Mais, l'amour m'a ouvert les yeux aujourd'hui. Il m'a appris que la véritable reconstruction, la véritable guérison, n'a rien à voir avec la haine ou la vengeance. C'est un processus plus profond, plus subtil, qui exige une motivation sincèrement positive. Tout ce que j'avais imaginé jusque-là était insuffisant, voué à m'entraîner dans des abîmes encore plus sombres.

LE PRINCE ET LA CHRÉTIENNEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant