Le Cercle brisé

Une nuit à Madison

 2 minutes et 54 secondes.

Belladona avait les yeux rivés sur le plafond de sa chambre, ses longues boucles brunes étalées sur l'oreiller, alors que la musique romantique prenait fin sur son téléphone portable.

C'était exactement la durée qu'il avait fallu à Jonathan pour la dévêtir, l'allonger sur le lit, faire ses affaires et se rouler en boule sur le coté du lit en commençant à ronfler. La jeune femme se leva pour éteindre la musique au moment où son fiancé s'endormit sans un mot. Haussant un sourcil aussi circonspect que déçu devant cette scène surréaliste. Malheureusement, ce scénario commençait à lui devenir familier depuis quelques mois ; lui prenait son pied sans se soucier de son plaisir. Il pensait à son plaisir, s'endormait, puis la quittait chaque matin sans un mot doux pour la journée.

Pas d'humeur à dormir, la jeune femme attrapa son par dessus rose pâle, enroula son corps nu dans le tissu avant de quitter la chambre à tâtons. Le bruit de ses pieds nus étouffés par la moquette qui couvrait l'escalier, elle déboucha dans la cuisine plongée dans la pénombre de la nuit. Dona, comme elle préférait se faire appeler, dépassa le patio centrale et se fit chauffer un thé en passant à sa vie.

Serait elle toujours comme cela ?

Avisant la pièce mal éclairée, la jeune femme soupira. Elle n'avait vraiment pas de quoi se plaindre en réalité.

A vingts cinq ans, elle était la fiancée d'un prodige de l'informatique, aussi mignon qu'intelligent, qui avait réussit à amasser une vrai fortune avant ses trente ans. Jonathan était l'heureux inventeur de la nouvelle application qu'utilisaient tous les jeunes à la récré et cela leurs assuraient un trait de vie confortable. Le couple vivait dans un superbe maison avec un immense jardin dans un quartier très prisé de la ville de Madison. Dona roulait en voiture flambant neuve, allait se faire plaisir quand elle le voulait et n'avait pas à se soucier de garder son travail de vendeuse chez Starbuck. En effet, comparé à lui, son salaire mensuel faisait figure d'argent de poche dans les comptes du foyer. Jonathan lui avait même déjà plusieurs fois proposé d'arrêter de travailler pour qu'elle puisse se trouver une passion ou mettre un bébé en route.

Même si tout le monde trouvait cela idiot, Dona aimait son travail. Il était fatiguant, mal payé et comportait le contact avec des gens assez peu portés sur la politesse, mais il y avait aussi la joie d'offrir un peu de bonheur dans un journée pourrie et les sourires des nombreux clients ravis de leur boisson. C'est dans ce contact qu'elle se sentait vivant, et parfaitement à sa place, et non dans le schéma de femme entretenue que semblait vouloir lui imposer la vie.

Malgré l'attrait de la proposition, Dona se refusait à endosser le rôle de la femme pilier du foyer, et mère américaine exemplaire, au grand damne de sa propre génitrice. Elle qui était si fière que sa fille fasse un beau mariage, et bientôt une armée d'enfant aux joues roses, là où elle avait du travailler toute sa vie seule pour subvenir au besoin de sa famille. Abandonnée dès qu'elle fut enceinte par un jolie cœur par « prêt » à assumer, la vie n'avait pas été facile pour elle, et ça Belladona en était consciente. Alors peut-être pourrait elle passer sur les bas actuels de son couple pour remercier la vie de lui avoir tant offert ?

La jeune femme porta le thé à ses lèvres sans parvenir à le boire. Quelque chose dans ces pensées lui donnait des hauts le cœur. Était ce le fait que le mariage approchait à grands pas alors que la flamme semblait s'éteindre entre elle et Jonathan ? Le fait quelle se sente à l'étroit dans cette vie bien rangée ?

Elle prit son thé et alla s'asseoir sur la banquette prêt de la fenêtre qui donnait sur la jardin, espérant réfléchir.

Madison, sa douce ville de Géorgie, dormait maintenant, et seul les yeux lumineux d'un lapin venait mouvementer quelque peut le clame habituel de la nuit.

Peut-être ses craintes étaient elles normales avant le grand saut dans la vie maritale ? Peut-être cela allait il se calmer rapidement quand ils seront devant l'autel ? Peut-être tout reviendrait il à la normale alors ?

La normalité.

La jeune femme avait toujours trouvé ce mot amusant. Qui avait défini les critères de ce qui est dans la norme ou pas ? Qui s'était arrogé ce droit ? Avait il connaissance de tout ce qui peuplait la terre à ce moment ?

Après tout, Belladona, n'étais pas tout à fait « normale », au sens des critères habituels, pourtant elle ne se sentait pas bizarre pour autant. Le fait qu'elle s'amuse à faire fleurir en ce moment même la plante verte à son coté en était la preuve indiscutable quelle sortait du lot. Quoi que, de son point de vu, ce genre de tour était des plus basiques et habituels pour toutes les siens. Anticipant son envie, la plante étendis une de ses extrémités pour supportée la tasse pleine d'eau chaude pendant que sa maîtresse se retenait négligemment ses cheveux en un chignon flou.

La jeune femme sourit. Ça, ce n'était pas banal, ni normal, ni ennuyeux, c'était juste elle. Même si en ce moment elle se savait plus proche d'Elizabeth Montgomery, dans ma sorcière bien aimée, que de l'être mythique de légendes, elle restait une sorcière du Cercle dans la force de l'âge et aux pouvoirs tout à fait respectables.

Aucun des proches de la jeunes femmes n'étaient au courant de sa « spécificité », sauf les autres sorcières qui lui avaient enseigné. C'était le loi au sein du Cercle, et dans la plupart des autres cultures surnaturelles ; aucun humain ne devait être au courant, pour des raisons de sécurité.

Dona gérait plutôt bien cette porosité entre ses deux vies, mais malgré cela, elle se sentait frustrée voir muselée. Quelque chose en elle semblait ne demander qu'un étincelle pour sortir et devenir un véritable feu de forêt. Mais la sorcière avait beau chercher, elle n'en trouvait pas la source, trop occupée à être une femme respectable.

Est ce qu'elle faisait une crise de la cinquantaine à trente ans ?

Alors qu'elle était perdue dans ses pensée, un bruit familier de grattement se fit entendre dans le jardin. Dona compris immédiatement de quoi il s'agissait et cette perceptive la ravie au point de dessiner un sourire sur ses lèvres roses.

Elle abandonna là son thé et son mal-être, pour la porte d'entrée. Sans craindre d'être vue, elle fit glisser son pardessus sur sa peau d'ivoire et l'abandonna sur le perron de maison. Des mots, mélanges de latin et de sumérien furent prononcés dans la nuit, et l'instant d'après, là où se tenait avant une femme en tenue d'Eve, se trouvait en renard aux poils luisant.

En quelques bonds, l'animal rejoignit ses deux semblables qui avaient élus domicile en lisière de forêt pour une chasse au lapin qui promettait d'être divertissante.

Non, vraiment, la futur mariée n'avait rien de normal ou de commun, pour sa plus grande joie.

Elle était Belladona Forte, la sorcière gardienne de Madison ainsi que de tout ce qui y vit, et cette simple pensée chassa son spline.