Yona courait pieds nus sur la terre des fameuses légendes de Meridis. Des volutes de fumée blanche escamotaient les êtres vivants de la montagne et isolaient ses habitants les uns des autres. Sous l'humidité immuable de la montagne, ses pieds glissaient et reglissaient, mais ne s'arrêtaient pas et persistaient. Les feuilles, les chablis, les insectes, les excréments, tout passait sous ses pieds, mais rien n'arrêtait son ascension.
Quand son allure atteignit enfin son seuil critique, les lèvres de Yona se retroussèrent en un sourire déterminé. Chacun de ses muscles brûlait à en faire perdre la santé mentale. Yona, un pied devant l'autre, ne pouvait pas abandonner. Que penseraient les quatre Frères des légendes ? Que penserait Meridis ? Ils ont marqué l'esprit des gens, conquis les Plaines, donné leur nom à des pays, des régions, des villes. De la même façon, Yona voulait démontrer sa bravoure et son héroïsme.
Yona dépassa, ce jour-là, encore une fois ses limites. Mais toute bonne chose a une fin, et la fin de cette ascension fut tout aussi douloureuse que la dernière. Ses bras lâchèrent prise, ses pieds perdirent leurs appuis, et le corps du jeune garçon, comme une goutte soufflée par le vent, s'élança en arrière, tomba, et roula dans une pente vertigineuse.
Au pied de la montagne, le corps du jeune garçon était maintenant immobile et recouvert d'une fange noircie. La terre sur les flancs de la montagne était d'un noir d'encre surnaturel. Les arbres ordinairement à perte de vue se cachaient des yeux curieux. Et cette brume qui persistait tout au long de l'année, et ce silence inébranlable, et cette sensation omniprésente. Ce n'était pas une montagne qu'un quelconque intérêt pouvait amener à sillonner. Elle dégageait une solitude qu'on cherche à échapper mais donnait une aura grandiose qui nous obligeait l'admiration. Elle était comme un de ces indéchiffrables mystères qui s'imposaient dans les nombreuses légendes de Meridis.
Yona respirait encore mais il ne se levait toujours pas. Il était arrivé au moment le plus pénible de chaque ascension. Il n'est pas simple d'avoir le courage d'explorer cette montagne, mais l'absence de courage seule n'empêche pas les Hommes de découvrir ses mystères. La Montagne avait en son sein une force répulsive – sans compter des flancs plus semblables à des murs qu'à des pentes – qui éloignait toute personne osant entrer dans son territoire. La force physique seule ne suffisait pas à escalader ce mur de terre cyclopéen, cette force s'attaquait directement à une existence remise en question depuis des millénaires par de nombreux mythes et philosophes : l'Esprit.
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L'Immortel
FantasyLa légende des quatre Frères diffère selon les régions, les cabarets et les foyers. C'est une légende qui inspira de nombreux Hommes valeureux au grand cœur à sillonner les Terres des Quatre Saisons. Cette légende façonna les plus grands Hommes p...