C'était un jour ensoleillé, et pourtant, Aurélien, Guillaume, Ablaye, Skread et Bouteille ne s'étaient pas retrouvés pour passer une après-midi joyeuse comme au bon vieux temps.
Au contraire, l'ambiance était pesante, et les coeurs des hommes étaient pluvieux.
Ce jour là, ils assistaient à l'enterrement de Claude.
Ils étaient alignés autour du cercueil maintenant mis en terre, habillés de costards noirs.
La famille du défunt était là, pleurait en silence, listant les qualités, le caractère, racontant des anecdotes sur sa vie...
Du côté de la bande d'amis, personne ne parlait.
Aurélien partit s'isoler au pied d'un arbre et réfléchit. Comment n'avait-il pas pu remarquer que son ami n'allait pas bien ? C'est vrai qu'ils s'étaient éloignés ces dernières années, après l'ascension d'Orel dans le milieu du rap. Il aurait pu s'y attendre non ? "Les mecs les plus fous, sont souvent les mecs les plus tristes". Même lui le disait. Alors pourquoi ne l'avait-il pas appliqué ?
C'était le prêtre qui avait raconté pendant son discours. C'était un inconnu qui en connaissait plus que lui sur la mort de l'un des gars qui l'a le plus soutenu, avec qui il a eu une infinité de délires, qui l'a aidé dans ses moments de faiblesse... En y repensant, il avait été un peu comme son grand frère. Une épaule solide sur laquelle il a toujours pu compter. Et il le lui avait si mal rendu...
Apparemment, un ami à Claude qu'il ne connaissait pas était venu lui rendre visite, parce qu'il ne donnait plus de nouvelles depuis quelques jours.
Il l'avait retrouvé au sol, une flaque de sang répendue autour de sa tête, une arme dans sa main, et une lettre à côté.Depuis quand Deuklo avait-il une arme ? Visiblement, il cachait des secrets que seule sa mort avait révélés. Pourquoi découvrait-il tout une fois que c'était trop tard ?
Mort de la même façon que Kurt Cobain. Au moins, ce n'était pas une mort débile. Il ne finirait pas dans les Darwin Awards.Dans sa lettre, il disait qu'il n'était pas heureux. Qu'il en avait marre de faire semblant que tout allait bien. Il se sentait abandonné par ses potes, il était devenu tout ce qu'il ne voulait pas être, et que de toute façon, il avait raté sa vie, alors autant l'arrêter tout de suite. Ses défauts étaient listés un à un, ainsi que toutes les choses qui n'allaient pas pour lui, chez lui.
Des bavures d'encre montraient visiblement les larmes qui avaient dû couler sur le papier.Tout ça ressemblait à un gros craquage. Mais le niveau maximal du craquage. Aurélien se sentait coupable. Il aurait pu tout empêcher, il aurait pu l'aider, il aurait pu aller le voir, l'appeler, lui parler, essayer de le dissuader. Il aurait pu. Mais il ne l'avait pas fait. Quel genre d'ami était-il ?
Les larmes coulaient maintenant librement sur ses joues, sans un bruit.
Si le Paradis et l'Enfer existaient, où était Claude ? Et s'ils n'existaient pas ? Son âme reposait-elle dans un trou espace-temps ? Était-il renaît dans le corps d'un bébé ? Ça serait con quand même. Se suicider pour revivre. Son âme était-elle dans une autre dimension, ou dans l'univers avec des aliens ? En tout cas, il lui manquait déjà. Et il l'avait abandonné. Ils auraient pu passer tellement de moments encore ensemble. Pourquoi s'en rendait-il compte une fois que son ami était mort ? C'était débile. Il était débile.Il sentit quelqu'un s'approcher de lui et passer une main dans son dos.
- Orel ?
C'était Gringe. D'ailleurs, il l'avait aussi délaissé pendant sa tournée. Ils s'étaient éloignés. Et il pourrait aussi le perdre lui. Son meilleur ami. Avec qui il a partagé les meilleurs moments de sa vie. Si ça se trouve, il portait malheur, et Gringe allait mourir par sa faute, une branche tomberait de l'arbre et lui ferait le coup du lapin en lui tombant sur la nuque. Il le sentit s'asseoir à côté de lui et secouer doucement son épaule.
- Eh, Orel...
Il releva la tête, le visage baigné de larmes. D'ailleurs, Gringe aussi avait les yeux rouges. Mais sûrement moins que lui. À une dizaine de mètres d'eux, le reste de leurs amis discutaient avec la famille du défunt, le visage grave.
- Ça va aller Orel ?
Il hocha la tête en seule réponse. Les deux hommes se fixaient.
- Et toi ?
Son ami hésita avant de hocher la tête à son tour. Que de mensonges dans leurs échanges. Ils le savaient bien tous les deux de toute façon.
- Il me manque, commença Gringe. Ça faisait longtemps qu'on s'était pas vus. Déjà sur les réseaux sociaux il n'était plus actif. J'ai pas réagi. J'aurais dû. J'me sens tellement coupable.
- C'est pas ta faute Gringe... J'me sens pareil et...
Aurélien abandonna sa phrase et rejeta sa tête contre le tronc de l'arbre. Ils restèrent quelques minutes à ne rien faire avant que Gringe ne coupe le silence.
- Orel ?
- Mmh ?
- Je crois que c'est pas trop le moment pour le dire, et en même temps je pense que c'est le bon moment mais c'est compliqué comme on se voit pas beaucoup, trouver un moment où on est tous les deux sans rien à faire...
- Accouche.
- Je pense qu'un cimetière c'est un peu glauque mais... Avant qu'un de nous deux ne crève, je voulais te dire que je t'aime.
Orel se redressa et se retourna vers son ami.
- Tu dis ça parce que Claude est... mort ?
- Euh... Y a de ça mais. Nan en fait. Je t'aime genre vraiment. Genre quand j'te vois j'ai des papillons dans le ventre, tous ces trucs là tu connais... J'aurais préféré te le dire dans d'autres circonstances mais j'me dis qu'on a qu'une vie, qu'elle est trop courte, trop fragile, et qu'il vaut mieux avoir des remords que des regrets non ?
À ces mots, Aurélien enlaça Gringe et plaqua ses lèvres contre les siennes. C'était un baiser tendre, empli du goût salé des larmes.
Quelques secondes plus tard à peine, un cri de joie qu'ils connaissaient bien les sépara.
Quand ils se retournèrent vers la source du bruit, ils virent Deuklo, debout, vivant, en chair et en os.
Les deux hommes coururent vers le dernier et Aurélien sauta dans ses bras en pleurant.
- C'était une blague qu'on a organisé avec mon pote ha ha ! Vous allez bien ensemble les tourtereaux !
- Putain t'es con Deuklo. Refais plus jamais ça. Fuis, sinon Ablaye il va vraiment te tuer.
Le-dit Deuklo s'en alla pour laisser les deux nouveaux amoureux ensemble.
Fin
*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^*^
Bonne nuit ! Et pour les gens qui lisent la journée bonne journée.
J'suis crevée ptdrrr pardonnez-moi si j'ai fait des fautes